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Merci de nourrir les poissons en mon absence

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dimanche, 03 avril 2005

Poisson d'Afril*

Faire les courses au supermarché, ce n’est vraiment pas mon truc. Enfin, quand je dis « supermarché », je devrais plutôt dire hyper car cela fait une éternité qu’il n’existe quasiment plus de petit épicier du coin de la rue et que, désormais, le « commerce de proximité » c’est un Champion ou au mieux un 8 à Huit (qui appartiennent à l'enseigne Carrefour). Bref, samedi après-midi, avec ma douce, on est allés à l’hypermarché, le Leclerc, celui de Bayonne, sur la route de Pau, et j’étais, ma foi, plutôt d’assez bonne humeur… avec surtout l’envie de le rester. Ma douce aussi je présume. C’est généralement transmissible, l’humeur, sans que l’on ne sache avec certitude son origine, qui l’a transmise à l’autre, qui l’a reçue, à l’instar du bœuf et de la poule que l’on vole, tout ça, l’un après l’autre, mais pas toujours dans l’ordre prescrit, quoique la loi très clairement le proscrive, le vol je veux dire… Mais je m’égare et j’aurais mieux fait de référencer l’œuf au lieu du bœuf, bref. Bref-bref, nous étions le 2 avril, même pas un vendredi, nous n’avions aucunement l’intention d’acheter du poisson (nous en consommons relativement peu) et, tout d’un coup, Mamour** a foncé vers la poissonnerie. Moi, comme d’hab’, j’avais complètement oublié. Oui, complètement oublié cette histoire de la perche du Nil, de sa commercialisation. Et pourtant, le midi, j’en avais encore causé avec ma frangine et mon beauf, à propos d’un autre hyper, encore plus hyper, à Irun. Depuis que Ramuntxo a programmé Le cauchemar de Darwin à l’Atalante, et encore plus depuis que nous l’avons vu, dans notre quotidien, le sujet fait concurrence au référendum sur la constitution. Non-non-non, j’en veux pas de ton poisson, il est tout mort… à la maison, on est unanimement consensuels sur la question. Bon, y’a aussi le pape du Vatican et le prince de Monaco, et puis le BO en finale et la manif des motards. Et la semaine sans télé. Et la déclaration pour les impôts que je suis à la bourre. Et la météo bien sûr. Et la liste des courses… Re-bref, des sujets de conversation, ce n’est pas ce qui manque. Mais là, l’heure était à l’action et, cet après-midi-là, au Leclerc, c’est ma douce qui a assuré comme une bête. Moi, je n’ai pu que la suivre, à quelques pas, surpris et prudent aussi, ne voulant sous aucun prétexte encourir la perte de ma relative bonne humeur. Subjugué, admiratif, je la picorais des yeux amoureusement et à distance circonstanciée. Elle semblait converser si calmement, si posément, avec tant d’autorité et d’assurance aussi ! Son interlocutrice, la poissonnière du Leclerc, semblait hésitante, sûrement bafouillante quand elle affirmait que toutes les normes et règles d’hygiène étaient bien évidemment respectées et que si on avait des réclamations, c’était à son chef qu’il fallait les faire. Qu’il n’était pas loin d’ailleurs, dans les rayons à côté sûrement. Que nous le trouverions facilement. Tout ça. Et que ma douce était la deuxième personne à lui parler du film de Hubert Sauper. Ainsi que l’on aurait pu s’en douter, la fameuse perche de Tanzanie trônait bien au milieu du rayon réfrigéré (et non, je n’ai pas foncé dans le tas, rien renversé, même pas hurlé ni insulté quiconque, je vieillis peut-être mal…). La scène a duré une minute à tout casser, façon de parler, Mamour sait faire dans la pédagogie condensée. Moi je me suis contenté d’acquiescer, de loin, mais très ostensiblement, d’une voix ferme et grave, un tantinet virile histoire de bien marquer ma place faute de territoire à conquérir pour l’heure. C’est grave ce qui se passe, que je lui ai dit à la Dame, c’est grave ! clamai-je calmement en hochant plusieurs fois la tête. Très grave cette histoire de perche du Nil ! Très graaaaaaaaave ! Et puis Mamour m’a rejoint et pris par le bras. Nous avions le thé et le café de chez Max Havelaar à prendre avant de passer à la caisse. Et puis les croquettes pour Cosette aussi. Bref, j’étais là carrément de très bonne humeur, fier de nous, fier de ma douce, fier d’être resté calme, à ma place, sage, quoique, à y repenser… La deuxième personne qui lui en parle !… La deuxième personne seulement ?!... Et la première, sans nul doute, qui plus est, ça ne pouvait être que Ramuntxo himself… Quelle mobilisation !!! Si l’Afrique n’est pas encore sauvée, ça ne saurait guère tarder à ce rythme de mobilisation des consciences citoyennes en Europe !... Merde ! J’aurais dû tout foutre en l’air, prendre des barils de lessive et des bidons d’huile pour bagnoles et les verser en vrac sur l’étal du poiscaille de malheur, tout renverser, tout casser et surtout me faire casser la gueule par les vigiles, m’immoler ou quelque chose dans le genre. Ou peut-être tout simplement refuser d’aller faire les courses à l’hyper pour m’économiser une culpabilité, une frustration inexplicable. C’est là tout mon malheur existentiel : ma colère n’est JAMAIS pédagogique… et mon calme guère davantage. Et pourtant j’en suis convaincu, comme dit le dicton, en avril, ne te découvre pas d’un fil, et boycotte donc cette foutue merde de perche du Nil qu’elle n’a même pas d’os dedans.

Le plébéien bleu

* à prononcer en imitant l'accent autrichien, si vous savez.

** c'est le petit nom affectueux que je donne à ma douce afin de, soit l'agacer... soit la taquiner... soit ça ne vous regarde pas.

20:40 Publié dans digression | Lien permanent | Commentaires (0)

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