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Merci de nourrir les poissons en mon absence

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dimanche, 29 janvier 2006

Dernière limite – dead line

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Les

 

Nahitariak

 

illuminés

 

Il parait que nous aurions tout le mois de janvier pour formuler et adresser les vœux de bonheur, de réussite sociale et amou- reuse, et surtout la santé, même si, pour l’ensemble des orga- nismes officiels et génétiques, modifiés ou conformes, et pour la presse médiatique et les médias pressés, et les Ministres du dedans comme du dehors, et tous les VIP globalisés, ce rituel se déroule très généralement durant la première semaine ou, au plus tard, avant que ne soient décrochées de nos rues les dernières guirlandes lumineuses. Dead line. Il parait, taratara, tata, mais tout de même je dois avouer qu’un 29 janvier c’est la toute dernière limite, que plus personne n’attendait ces vœux en bleu de la plèbe du blog (à part bien entendu quelques in- conditionnels irrationnels et rêveurs), que la neige qui tombe sur le Pays basque en ce moment suffit à focaliser tous les regards avides de poésie hivernale, que l’essentiel est évidem- ment là, tout entier dans ces petits flocons virevoltant au vent gris et blanc du hasard météorologique (merci pour tes prévi- sions, Bertrãn). Tout le reste ne serait que velléité…


Mamour est de très bonne humeur en ce moment, hier soir, à l’Atalante, elle a vu le meilleur film de l’année 2006. Souvent, comme ça, elle est péremptoire, championne du catégorique toutes catégories. «Tout est illuminé», dont je ferai peut-être une note si mes doigts cinéphiles se désengourdissent un peu, est un film «trop trop bien», c’est ce qu’elle a écrit au tableau entre deux grosses fleurs dessinées à la craie blanche et, très en verve, a failli illustrer son propos d’un aphorisme alainien… euh, «Le pessimisme est une humeur, l’optimisme est une volonté» ou quelque chose dans le genre, mais il n’y avait plus la place. Ce n’est pas plus mal. D’ailleurs, Alain n’est pas particulièrement un copain, le philosophe je veux dire, alors je n’ai pas insisté sur le sujet de la volonté, ou à peine, juste en lui rappelant que durant des mois et des mois, en 2004, avant de la «connaître», c’est Gramsci qui affichait la nécessité de «savoir tempérer le pessimisme de la raison par l’optimisme de la volonté» sur le bureau de mon ordi. Que la volonté et patati c’était le moteur et patata, la révolution, tout ça c’était optimis- me et compagnie. Bref, on était d’accord, Mamour et moi, tout illuminés de l’intérieur rien que par la force de nos volontés conjuguées pour cette occasion toute neuve. Elle a tout de même rajouté que «c’est con d’avoir déjà le meilleur film de l’année dès le mois de janvier»…


J’ai cherché dans le dico. Et je n’ai pas trouvé. Ça doit être une sorte de néologisme qui signifierait, en français, quelque chose entre «les volontaires» et «les velléitaires» : NAHITARIAK. Ou alors les promoteurs de la volonté, mais rien que par optimisme et rien qu’en bleu, et anonymement, c’est quasiment inexpli- cable conceptuellement parlant sinon, promoteurs de volonté, inassumable, trop dangereux philosophiquement, beaucoup trop ambigu pour être sincère. D’ailleurs, je crois que je n’oserais jamais les interroger sur leurs évidentes contradictions, les Nahitariak, tellement ils m’ont l’air déterminés à les nier. Bien sûr, je vais me faire engueuler pour avoir piraté au bleu de cobalt cette photographie historique que bien peu parmi mes chers lecteurs de ce si joli blog auront su reconnaître. Peu importe. Iconoclaste et provocateur du virtuel, voilà comment peut-être j’aurais envie que certains me qualifient pour vouloir inventer du réel, ou réinventer, je ne sais plus. C’est tout simplement que j’ai envie que ce soit vrai, cette histoire de conférence de presse clandestine des Nahitariak. J’ai envie de les faire exister ces bonhommes bleus (pareil qu’au milieu c’est une plébéienne clandestine, une bonne-femme bleue, difficile à dire, non ?), d’être le seul et unique bloggueur convié à leur cérémonie des «JE VEUX» qui se serait tenue dans le plus grand secret quelque part sur la Côte basque. Très envie.

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Je veux,

 

tu veux,

 

nous voulons

 


C’est par ces mots que le (la ?) porte-parole des Nahitariak a débuté son allocution, d’une voix nasillarde vraiment impossible à podcaster : JE VEUX, tu veux, nous voulons que tu nous écou- tes, d’abord, dit-elle en se tournant alternativement vers son arrière-garde de gauche et de droite pour obtenir l’acquiesce- ment de ses comparses. Vieux motard que j’aimais, en ce 29 janvier 2006, il ne sera jamais trop tard pour parler d’amour, de vie et de partage. Et de raison, oui, de raison, JE VEUX parler de raison, bien assis sur ces convictions libertaires qui ne pourront jamais se passer d’égalité et de fraternité. La raison du plus fort a toujours été, est et sera toujours celle de la déraison. La raison ne peut et ne pourra jamais être assujettie à la force… poil au torse, hum, ça c’est moi qui l’ai pensé très fort mais bien heureusement j’ai su m’abstenir d’interrompre aussi incongrûment le propos liminaire des Nahitariak… Jamais… Raison… Liberté… les mots sont martelés, elle, oui là je m’en convaincs, c’est une plébéienne qui parle au nom de ses camarades, qui dit JE quand le NOUS derrière elle approuve tout sourires et gravité sous les cagoules.


JE VEUX que la justice de l’État français libère Filipe Bidart. Tout de suite. Et Peio Serbielle aussi. Et Daniel Derguy, et Jacky Esnal. Et Robert Arrambide. Et Beñat Sansebastian. Et Txistor, bien sûr, tout de suite, y’en a marre de cette haine en réponse, marre. Libérez-les tous. Les Jean-Marie, les Jon, Patxiku, Thier- ry, Gaxuxa, Didier et Argi, libérez tous les Basques embas- tillés au nom du Peuple français au seul titre qu’ils veulent, que nous voulons, que JE VEUX exprimer ma basquitude en toute illégalité puisque être Basque n’est pas possible, pas autorisé. Être Basque, se revendiquer Basque, c’est forcément vouloir l’éclatement de la grande nation française une et indivisible, selon nos juges oppresseurs, donc forcément vain. Forcément. Comme revendiquer un État pour les Palestiniens reviendrait forcément à vouloir la destruction d’Israël. Par exemple. Tout aussi vain, voire suicidaire, n’est-ce pas ! Difficile de vouloir quand on survit dans une cage… JE VEUX aussi donc, tout de suite, un vrai État pour les Palestiniens, même si, malheureu- sement, le vert des drapeaux ne peut signifier qu’une cruelle illusion aveuglante. JE VEUX une Palestine libre et indépen- dante, avec le Hamas au pouvoir, tout simplement parce qu’il n’y a pas d’autre solution raisonnable. JE VEUX que cessent toutes les souffrances que les maîtres du monde maquillent de terrorisme. Liberté pour tous les prisonniers politiques basques, en France et en Espagne, en Belgique, au Québec et au Mexique. JE VEUX revoir libres, tout de suite, Unai Parot et Mattin Bilbao. Et puis les copines et copains d’Action Directe aussi. Tous les plébéiens de l’Italie révolutionnaire, ceux de Grèce et du début de l’Histoire, et puis toutes celles et tous ceux dont les médias dominateurs ignorent ostensiblement l’existence. JE VEUX que tous les murs de prisons soient visibles depuis la Lune et que l’humanité toute entière en ait honte…

 

Ça grésille tout à coup dans le micro, me voici le témoin d’une intense émotion, j’imagine que sans ce filtre électronique je pourrais sûrement reconnaître la voix inoubliable de Zoé Varier. Fantasme. En plein paroxysme déclamatoire, mon héroïne se met maintenant à tousser des JE VEUX. Comme des JE VEUX dans la soupe populaire à la table du grand soir. JE VEUX enfin faire la connaissance du Sous-commandant Marcos, de Ronan Flaberty, de Carla Mahanani et de Françoise Lecoeur, je ne sais plus même quels sont leurs vrais noms, et peu importe. JE VEUX pouvoir comparer les mérites d’une cagoule de pure laine vierge tricotée avec des doigts basques, irlandais, mexicains ou haïtiens, par exemple. Elle s’apaise enfin et semble rire sous les mots ponctués d’un esprit farceur qui, je le regrette, doit m’échapper. Je devrais prendre des notes mais je ris car- rément, au lieu de. Je ris parce que, face à l’urgence, il y aura toujours encore plus urgent que l’absolu et que là, la Dame en bleu, dans son micro aphone, me demande ce que je veux boire. Et derrière la plébéienne aux yeux bleus, les plébéiens en armes rient aussi en musique, au son de l’Internationale qui peut aussi se chanter en langue basque. Bil gaitezen borrokan… Elle dit que c’en est fini des JE VEUX pour cette année 2006. Elle se lève. Tout le monde rit maintenant, tout le monde a dû voir comme moi le film de Liev Schreiber. Je cherche le comptoir sous l’ikurriña* et je me lève aussi. Un verre de vin, un verre devin rouge et des cacahuètes, siouplait. Trinquons à l’amour et à la vie, à la future libération de Filipe, de Peio… et des autres. Navarre ou Buzet ? qu’elle me demande de préciser en nous tendant des verres du même plastique que les mitraillettes.

Le plébéien bleu


* Nom en langue basque du drapeau inventé par Sabino Arana Goiri.



18:05 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0)

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