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vendredi, 25 mars 2005
Omagh, victimisation...
...et bons sentiments
Après plus d’un quart de siècle d’un conflit politique «inex- tricable» exacerbé par l’occupation militaire britannique, pour la première fois, tous les principaux belligérants se sont engagés depuis quelques mois dans un réel et crédible processus de paix … peut-être même se reprend-on à rêver d’insouciance jusque dans les rues commerçantes d’Omagh, en Ulster. Il est 15 h 10 ce 15 août 1998 lorsqu’une voiture piégée explose au milieu de la foule. Vingt-neuf morts. Des centaines de blessés. De loin le plus sanglant attentat perpétré par la résistance irlandaise. Oui, en effet, c’est une fraction dissidente de l’IRA (manipulée par les services secrets selon certaines sources) qui revendiquera l’action meurtrière et par la même signera son arrêt de mort politique (celui de la dissidence), sans heureusement parvenir à faire tout de suite condamner l’espoir d’une solution pacifique. Voici pour le contexte historique qui inspire l’œuvre cinématographique, Omagh, le film de Pete Travis actuellement diffusé au cinéma l’Atalante de Baiona. Un film « poignant et essentiel » affirme la Gazette de l’Atalante. Peut-être presque trop « poignant et essentiel » même, tellement l’adhésion totale et entière du spectateur semble évidente, inévitable, quasi-obligatoire sous peine de Dieudonnéisation (autre manière moderne de l’excommunication) du critiqueur. Omagh, le film, aux yeux de ce critiqueur-là, s’avère avant tout une construction artistique de très grand talent pour déconstruire les fondements de la Justice dans une société où le droit des victimes devient désormais une religion. Religion qui, bien sûr, a su bannir la vengeance de son dictionnaire politiquement correct. Mais qui, avec Michael Gallaguer (le père d’une des victimes, président « admirable » de pondération de l’association des victimes) réclame «la mise hors d’état de nuire des responsables de l’attentat, de leurs financeurs et de tous ceux qui les soutiennent, de près ou de loin» au nom d’une certaine vision de la justice (sans plus rien de majuscule désormais)… qui ressemble quand même beaucoup à certaines « chasses aux sorcières » menées en Euskal Herri par un certain Balthazar Garzon au nom d’une semblable «justice-aux-victimes». Paul Greengrass, le réalisateur de Bloody Sunday, précédente «oeuvre de mémoire» toute aussi «poignante et essentielle» (film désormais culte à l’instar de la chanson de U2) a co-écrit le scénario d’Omagh. En osant critiquer celui-ci, donc, on devrait se souvenir avoir encensé (ou presque) celui-là. Mais il est cette fois une différence essentielle entre les deux traitements d’une même poignante «œuvre de mémoire», les «assassins» désignés (et leurs complices) n’ont cette fois plus le droit de se défendre par le biais de l’alternance des images de reporter caméra à l’épaule. C’est ainsi que Greengrass se met cette fois à déconstruire la Justice tout en prétendant seulement rechercher la vérité aux côtés de son héros « justicier ». En filigrane, le critiqueur que je suis a même cru comprendre que le processus de paix pourrait être l’empêcheur de rendre la justice en rond de jambes aux victimes que, potentiellement, parait-il, nous pourrions tous être. Et la boucle est ainsi bouclée sur la plus cinématographique des politisations sécuritaires…au nom de la justice : Sympa Trique serais-je tenté de conclure à l’irlandaise.
Robinson Crusoé
09:15 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0)
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