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Merci de nourrir les poissons en mon absence

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samedi, 18 juin 2005

À propos de Adèle, la scène perdue

Une quête poignante

sur la plage


Il fait doux, le sable est doux, le vent est doux, le paysage au loin est doux jusqu’à l’horizon adouci par ma rêverie voyageuse. De doux petits moutons bleus en for- me de jolis nuages font de doux petits bisous au ciel tout blanc et pur. Et Adèle dit qu’elle les avale- rait, les garçons, qu’elle les cacherait très loin dans les plis de l’éther. Mais de quels garçons parle-t-elle ? Et est-ce bien déjà Adèle qui parle ? C’est écrit en italiques, comment savoir ? Peut-être est-ce Marie qui parle là ? Marie, c’est Marie Cosnay, l’écrivaine. Drôle de féminin ! Tous les féminins me sont étran- ges. La littérature m’apparaît souvent étrange. L’écrit vain. Les cris vains. Vain et vaine. Une goutte de ma sueur tâche les caractères obliques. Maintenant il se met à faire chaud en plein soleil. Le livre commence par une espèce de digression comme ça, en italiques. Et il se conclut dans la même typographie dis- tanciée… je n’ai pas résisté, il a fallu que je feuillette très vite jusqu’à la dernière page, dernière page qui est une page blanche, d’ailleurs. Je trouve ça étrange, les italiques je veux dire, et j’ai du mal à entrer dans cette histoire qui n’en est pas une. Ou alors est-ce peut-être simplement l’histoire de tout un chacun, ce repli intime et inavouable qui s’écrit généralement à la troisième personne du singulier, toujours singulier parce que l’être a besoin de sonder sa différence… Ou alors je ne suis tout simplement pas apte à comprendre les mots des filles. medium_adele_la_scene_perdue.3.jpgMais elle, alterne. Elle alterne le Je et le Elle. Adèle et Marie. Marie et Adèle. Le Il et le Il. Matteo et Stéphane. Stéphane ou Matthieu. Ou les deux en même temps, un seul et même Il ?... Le sable entre mes orteils, soudainement sous mes cuisses, tout mon épi- derme le plus doux et le plus sensible frémit de cette dureté innombra- ble qui le blesse... m.... le livre m’a échappé des mains, juste au moment où Adèle raconte l'acci- dent, cet accident de voiture emportant toute Une famille dans la spi- rale du big-bang. Et si cette famille c’était celle de Marie ? J’en viens à regretter de connaître le visage qui n’apparaît pas en quatrième de couverture. Le joli visage de la jolie Marie Cosnay me sourit si joliment, comme toujours. Comme si ce sourire rayonnait dans ces pages où se trame le drame du passé. Du passé dont elle ne fera jamais table rase. L’homme, la femme, l’enfant assis sur le siège arrière, tous les trois se liguent pour me jeter du sable dans les yeux. Ma maladresse est punie, il est interdit de laisser tomber un tel livre avant la dernière page, avant que l’effeuillage n’aboutisse à cette surface toute blanche sous le ciel au grand bleu désormais. La plage est dans mon cœur, les vagues roulent dans ma tête et... désormais, Marie Cosnay, je sais la fleur amère de ton âge. Tu as avoué ta naissance et ce bien des nuits blanches avant qu’elle advienne. Peu importe si c’est toi, Marie, ça pourrait être la fille allongée sous le parasol là-bas. Ou sous le sable. Il y a peut-être une fille allongée sous le sable et qui ne parle que dans les livres ? Qui réinvente sans cesse son histoire. Sa perpétuelle quête de l’origine.
Bravo Marie.
Ton livre est dans mon sac de plage, Mamour le lira. Et après on le rendra à Benjamin qui le relira aussi peut-être pour com- menter ma note. Quatre-vingts pages d’une écriture très aérée ça devrait se dévorer plus que se li- re. Eh bien non, Marie, tu ne te lais- ses pas dévorer, ni surtout feuille- ter, ni picorer, tu ne veux certaine- ment pas qu’on te lise facilement, même sur la plage, même quand tout est douceur autour de soi et que l’a priori était forcément favorable. A écrire ces lignes pour toi j’ai le souffle qui se coupe encore. L’apnée me fait reporter le point final de cette note de lecture. Reporter à une relecture. Relire. Adèle ou Marie l’énigme ne peut me quitter.
Merci Adèle.

Le plébéien bleu

PS. "Adèle, la scène perdue" est éditée par Cheyne, une "petite entreprise" indépendante qui n'a pas usurpé son appellation de Poéthèque.

21:00 Publié dans copinage | Lien permanent | Commentaires (7)

Commentaires

J'ai écrit à Marie moi aussi que l'un des intérêts que présentait égoïstement pour moi son livre, était de me mettre devant, une fois de plus, la présence et la voix radicalement différentes d'une femme. Nouvelle occasion donc de m'interroger sur cette différence, sans pour autant aboutir à des réponses ou à des conclusions un peu solides ou fiables.
Je me souviens d'une amie que j'ai aimée, à qui j'avais fait découvrir Anaïs Nin et son Journal ; nous avions un peu écrit ensemble, un texte notamment qui s'appelait "Pendant la seconde morte". J'avais énormément aimé ce que j'avais lu du Journal (celui du début des années 30), mais après lui avoir prêté, j'ai retrouvé F. complètement bouleversée, et les larmes lui montaient encore aux yeux quand elle essaya de m'expliquer pourquoi. Certains "événements" racontés l'avaient certes touchée - car moi, je pensais, avec mon jugement que je qualifiai après de bulldozer, que c'étaient les événements qui l'avaient à ce point marquée. Mais elle ajouta que c'était la première fois de sa vie qu'elle entendait, lisait une voix de femme, voyait des mots qui correspondaient exactement à ceux des plus secrets qu'elle portait en elle, à une façon de voir les hommes, et pas seulement, une façon de dire et de présenter une situation, c'est à dire, l'ensemble du monde, absolument nouvelles pour elle en ce qu'elle ne les avait jamais expérimentées au dehors de soi. Evidemment, malgré toute l'attention que j'avais portée à Anaïs Nin, j'étais à quelque distance de tout cela... Quant au texte écrit tous les deux, il ne fit que révéler des trajectoires qui devaient, pour rester fidèles à elles-mêmes, inévitablement ne jamais se rencontrer vraiment.
Bien que je me considère comme sensible, cela m'avait échappé ; je n'avais senti que cette différence, et je me sentais très triste de ne pouvoir accéder à cette intimité là. On peut bien sûr s'accorder sur l'idée que c'est un état de fait, et qu'au fond il est bon qu'il y ait cet écart infranchissable, qui peut-être fait toute l'aventure et le désir entre l'homme et la femme. On peut.
Il n'empêche que je ne sais si je dois attribuer cette différence à la nature de l'homme et de la femme, ou à des siècles de silence imposés à la femme, qui a dû mener son chemin d'expression sur d'autres voies, révélées tacitement au fil du temps, via les générations, et les expriences faites du mâle.
Il m'apparaît que l'homme le plus sensible (et ils sont loin de l'être tous, trop occupés à domestiquer cette part de mystère) n'aura pas cette sensibilité-là, celle du pli, oui, comme il est écrit dans le livre de Marie, celle d'un concret tellement fin et subtil qu'il finit par s'assimiler à une abstraction ; disons : l'intuition. Un homme peut aimer la soie, mais ne peut rêver d'en être la fibre même.
Je pense, par un rapprochement soudain auquel j'aime autant me fier, à la grande, magnifique et cruelle scène finale des Misfits : les trois âges de l'homme aux prises avec la liberté sauvage des étalons, sous les yeux fous de Monroe. Quand finalement (et il en faut du temps) le plus jeune se dit que c'est là une scène, un acte cruels, en soi et pour une femme, Monroe n'en est déjà plus là ; elle est aux bords de la folie, brisée par la douleur et le spectacle. Certes, on peut lire la scène selon une ligne "historique", mais aussi, ces trois hommes ne peuvent-ils n'en faire qu'un, aux trois strates de sensibilité différentes? Bref.
Je crois qu'il y a aussi, pour revenir à "Adèle" - l'invisible, l'incertaine - cette familiarité avec la nuit du sens, dans laquelle les hommes s'engagent rarement, ou avec moins d'authenticité - c'est là l'autre mot dont je parlais à Marie.
Car tous les courages vrais s'arrêtent à ce seuil, et se préparent pour l'ordalie ; d'aucuns reculent, devant le pressentiment de la lâcheté ou de la mauvaise foi, d'autres avancent tête baissée, avec la brutalité qui leur est coutumière, ravageant tout, ne voyant rien, d'autres encore avancent à tâtons ; Marie fait partie, je crois, de ceux-là, qui ont comme force la vérité de l'humble. Puissions-nous tous en faire autant.
Merci à Marie donc, et à Xan, de me permettre de revenir sur ces questions, qui pourraient faire toute une vie, sans exagérer, et qu'il est commode aussi, parfois, de remettre à plus tard, ou de décider réglées.

Écrit par : colin | vendredi, 24 juin 2005

à croire que vous n'avez pas encore pris le temps de tout lire d;o) il y a plein de coins et de recoins, tout en rondeurs et en zigzags sur mon si joli blog tout bleu... Vous aimez aussi les routes viroleuses ?

Écrit par : le plébéien bleu | samedi, 02 juillet 2005

Je suis une ancienne élève de Mlle LAY et j'ai connu Mme Cosnay. c'est une incroyable prof !!
Je ne sais pas si vous lirez ce commentaire mais je cherche depuis un petit moment l'adresse de Camille LAY pour rester en contact et pour souhaiter un très joyeux anniversaire à Medhi !!
Adishatz

Écrit par : Sophie LAPLACE | jeudi, 10 août 2006

je connais Mme Cosnay, je suis daccord avec les commentaires précédents, c'est une prof comme il y en a peu. A la fois, souple et autoritaire, elle donne une dimension énigmatique, mais aussi passionnante à ce vaste et merveilleux univers que celui des lettres.

Écrit par : pierre | dimanche, 27 décembre 2009

je pense que marie cosnay est une femme extraordinaire, elle donne a ses élèves une joie immense et donne en effet une dimension à ce domaine. en revanche Mme cosnay est un peu trop gentille et je trouve sérieusement, que c'est une incroyable prof à qui nous pouvons tirer notre chapeau. ses livres sont incroyables, cette femme est comme le disent beaucoup de personnes, une funambule des mots qui a un univers éblouissant et qui mérite d'être connu. ces cours ne sont peut être pas magistraux, mais interessants et unique!!!!!!!!!!!!!!

Écrit par : antigonne | vendredi, 29 janvier 2010

je pense que marie cosnay est une femme extraordinaire, elle donne a ses élèves une joie immense et donne en effet une dimension à ce domaine. en revanche Mme cosnay est un peu trop gentille et je trouve sérieusement, que c'est une incroyable prof à qui nous pouvons tirer notre chapeau. ses livres sont incroyables, cette femme est comme le disent beaucoup de personnes, une funambule des mots qui a un univers éblouissant et qui mérite d'être connu. ces cours ne sont peut être pas magistraux, mais interessants et unique!!!!!!!!!!!!!!

Écrit par : antigonne | vendredi, 29 janvier 2010

bravo marie !!!!!!

Écrit par : romain | samedi, 30 janvier 2010

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