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Merci de nourrir les poissons en mon absence

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mardi, 04 octobre 2005

Gabrielle, tu brûles mon esprit...

 
 
Aller,
 
toutes les stars du ciné,
 
rejoignez-nous à la manif !
 
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Rendez-vous à 10 h 30 ce matin,

devant la bourse du travail,

à Bayonne.

 

medium_isabelle_pasionaria.jpg
 
Et l'enfer devint un espoir

 

 

Gabrielle, ♫ tu brûles mon esprit
Ton amour étrangle ♪ ma vie
Et l'enfer, ♫ devient comme un espoir
Car dans tes mains ♪ je meurs chaque soir ♪

 

Il me parait parfois impossible de me débarrasser d’un air de musique, d'une chanson, d’une rengaine qui se dessine inavou- able sur mes lèvres que je m’efforce de réduire au silence.

 

Dix ans de chaîne ♪ sans voir le jour ♫ c'était ma peine
♪ forçat de l'amour
Et bonne chance ♫ à celui qui veut ma place ♪
oui ma place ♪
Dix ans de chaîne ♪ sans voir le jour ♪ c'était ma peine
♪ forçat de l'amour
J'ai refusé, ♪ mourir d'amour enchaîné ♫

 

Heureusement, me dis-je en sortant de la salle de l’Atalante, personne ne sait lire sur les lèvres ici… et je suis tout aussi heu- reusement seul à entendre Johnny Hallyday chanter à tue-tête, heureusement tout seul à habiter dans ma tête. Dans mes mo- ments de paranoïa les plus intenses, j’imagine que tous les mal- faisants se sont coalisés pour greffer des micros sous mon crâ- ne et il est désormais trop tard pour que je me mue en kami- kaze… Je vais m’arrêter au comptoir. De toutes façons, à la sortie d’un film, c’est quasiment obligatoire… Oui, une bonne bière, de toutes façons, ça ne peut me faire que du bien dans mon état. Comment vais-je pouvoir leur dire ce que j’en ai pensé de ce film, comment leur avouer la panique dans mon esprit, euh… le «désarroi de classe» qui me bouleverse les neu- rones barricadés sous le sang impur et tralali et tralala Dix ans de chaîne ♫ Que dis-je ? Vingt-cinq ans au moins ! Comment avouer que j’ai été happé par cette histoire de grands bour- geois, de très grands bourgeois même ? Kidnappé par une bande désarmante, de face et même pas vraiment par surprise, je suis resté tout du long agrippé à mon confortable fauteuil du premier rang, tout seul face à l’ennemi, en plein milieu de mon champ de bataille. Subjugué par la haine qu’ils m’inspireront toujours, les bourgeois, les petits, les moyens et même les très grands. Subverti dans mes certitudes tout comme dans ce mépris que je brandis en guise de légitime défiance. Ça pulse grave au milieu de toutes mes circonvolutions. Une bande d’images à plat et même pas toujours en couleurs aura suffi. Patrice Chéreau, Isabelle Huppert, Pascal Greggory et Claudia Coli : j’ai rarement été autant dérangé que par cette impression de lutte des classes dans un boudoir. Et le pire, c’est que, là, je suis à peu près convaincu d’être le seul à avoir eu cette lecture du film. Une Lao Bia me parait tout aussi adéquate qu’équitable pour me redonner une contenance et faire taire Johnny. Com- ment leur dire… six spectateurs se sont arrêtés comme moi… j’ai trop envie d’en parler, trop envie d’en profiter pour jouer avec le douce pelote du lien social qui s’enroule autour de ce si chaleureux comptoir de la Taverne, trop besoin de parler en cherchant mes mots pour réordonner mes pensées en vrac, comment ne pas paraître trop ceci ou trop cela tout en m’ef- forçant de ne pas garder la pelote pour moi seul ? Eh bien, je ne saurai jamais être autrement, c’est à craindre, je serai donc trop ceci ou trop cela ou trop de tout… on me sourit poliment, alors je demeure dans les clous et je me les fourre dans les yeux pour essuyer mes larmes d’impuissance… Ma «luette des classes» je la garde dans ma bouche, pour la faire rire, ma voisine, pour dédramatiser l’incompréhensible, et mon instinct du rebond me dicte une image qui fait aussi sourire sa copine, j’imagine la sublime Isabelle Huppert, le belle Gabrielle, la très belle et la très intelligente très grande bourgeoise toute habillée de noir, son visage opalin sous un voile noir aussi mais translu- cide, et sur son corsage, un carré rouge avec trois lettres blanches : CGT. Je l’imagine en pasionaria cégétiste, nous en- voûtant avec sa voix chuchotée… chut, ♪ c’est la lutte finale ♫, je n’ai plus les slogans en tête mais, bref, Isabelle Huppert nous ordonne de participer à la manif de ce mardi matin, ♪ groupons-nous et demain ♫ à Bayonne ♪ l’Internationale sera le genre humain ♫. Maintenant ce sont carrément les chœurs de l’Armée rouge et noire derrière mes yeux exorbités par la passion. Nous serons dix milles pour l’applaudir, de quoi remplir cent salles de cinéma, dans la rue. Villepin tu peux trembler, tes CGR la CGT n’en veut plus, bientôt il ne te restera plus que le sanctuaire helvète pour transgéniser les pop-corn externalisables ! Cela fait maintenant quelques semaines que j’essaie de me convaincre que la vie c’est du cinéma, à tous les temps de la conjugaison des humanités et des barbaries, la vie se met en scène et parfois c’est vraiment très beau… même si ça fait très mal. Et puis le théâtre aussi c’est du cinéma, je dis ça spécialement pour toutes celles et tous ceux qui campent sur leurs certitudes cinéphiliques, Patrice Chéreau est un grand, un grand cinéaste.

 

Robinson Crusoé

 

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