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Merci de nourrir les poissons en mon absence

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vendredi, 07 août 2009

Nun da Popo ?

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C'était l'avant-dernier jour des fêtes de Bayonne, ce dimanche 7 août 1983. Nous nous activions à préparer la soirée au batzoki d'Estalgi, je ne sais plus quelle heure il était, tôt encore, certainement, je ne suis même plus certain de qui m'avait dit quoi à propos des « événements de Léon » ce jour-là, ni dans quel ordre nous pûmes remonter le fil dramatique de cette tragique rencontre entre « soldats d'une cause et soldats d'un État »... la mémoire pour demeurer vive nécessite une recons- truction permanente.


C'était nos premières fêtes de Bayonne à Estalgi. Avec les Herri Taldeak, nous avions acquis depuis peu ce local, rue des Visi- tandines, et l'idée de l'ouvrir pour les fêtes allait de soi au vu de sa situation privilégiée. À l'époque, le Petit Bayonne que nous appelions quartier St André était le cœur de la fête, nous escomptions donc des gains conséquents pour ces six jours de liesse populaire. Des gains qui nous couvriraient au moins le loyer d'une année et peut-être même davantage. Cela aiderait à financer le soutien à nos prisonniers, pensions-nous ; un soutien qui ne manquerait pas de nous exiger toujours plus de moyens et humains et financiers étions nous déjà convaincus. L'arrestation de Xanpol et Erik, au début de ces fêtes, au milieu d'un été de résistance anti-touristification, présageait d'un avenir que personne bien sûr n'avait imaginé sous la forme de la spirale infernale dans laquelle nous étions déjà entrés.

Les premières informations à nous parvenir parlaient de la voi- ture d'une militante retrouvée sur les lieux d'une fusillade avec des gendarmes, au camping de Léon. Nous ne pouvions dès lors que nous attendre à de nouvelles arrestations, ou pour le moins à des perquisitions. Mais pour l'heure il ne servait à rien de s'affoler, même si la militante en question nous était très proche. Dans la soirée, toutes les radios annonçaient qu'un gendarme était mort, et un autre blessé. Les militants d'Ipar- retarrak, nos camarades, se seraient enfuis en empruntant la 4L des gendarmes. Évidemment, nous nous remémorâmes un certain 19 mars de l'année précédente... tout en continuant à servir l'apéro à une foule chantante où se mêlait étonnamment inquiétude et insouciance. Nous travaillâmes donc très fort, très festivement, pour gagner beaucoup de ce fric nécessaire à la poursuite de la lutte, pour ne pas penser au lendemain immé- diat, comme pour gagner du temps sur le drame dont nous ignorions encore toute l'ampleur.

Si les noms des militants recherchés furent rapidement divul- gués, ce n'est que quelques jours plus tard que nous apprîmes pour Popo. Je ne sais plus exactement quand, peut-être faisions-nous le ménage à Estalgi, peut-être étions-nous en réunion, ou au café chez quelqu'un, toujours est-il que nous étions alors dans l'impossibilité morale d'imaginer le pire. Bien sûr, les informations fiables provenant des militants clandestins ne nous portaient pas à l'optimisme. Popo avait jeté son arme et s'était enfui tout seul de son côté, en courant très vite à travers la pinède. Tellement vite que personne ne l'aurait jamais rattrapé ?

 

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Certains d'entre-nous ont espéré très longtemps, Popo était notre copain, notre ami, notre camarade, le meilleur d'entre nous, le plus rapide, le plus vif, le plus futé, il ne pouvait qu'avoir réussi à leur échapper. Les flics ne pouvaient pas avoir mis la main sur lui, ce n'était pas possible, pas croyable, une vérité trop dure, trop cruelle pour nous, le GAL c'était les Espagnols, pas les Français, voulions-nous encore nous illu- sionner ; si les gendarmes français l'avaient arrêté, ça se serait su, forcément, nous ne vivions pas encore, à l'époque, dans un État fasciste. Popo finirait bien par nous donner de ses nouvelles ! Au moins à sa mère ! Mais depuis ce dimanche 7 août 1983 Popo n'a jamais donné de ses nouvelles, jamais, à personne, ni à ses camarades de lutte, ni à ses amis, ni à sa famille, ni à sa mère... Jamais ! POURQUOI ?

Cette question que nous nous sommes posée activement durant des mois et des années a fini, faute de réponse, par se muer en conviction concernant la plus tragique résultante des « événe- ments de Léon » : Popo a disparu ! Il ne se cache nulle part, nous en avons acquis la certitude, ON L'A FAIT DISPARAITRE ! Mais alors qui l'a fait disparaître ? Pourquoi ? Comment ? Où ? Des policiers, des gendarmes, des témoins actifs ou passifs, quelqu'un, quelque part sait forcément quelque chose et ne veut pas le dire. La chape de silence doit finir par se fissurer, c'est ce que nous espérons depuis toutes ces années.

Pendant toutes ces années, la fresque d'Estalgi a témoigné de notre questionnement incessant. Elle aura été une des manifes- tations des plus visibles de la mémoire de Popo. Durant toutes ces années, elle a résisté tant bien que mal aux maints outrages du terrible complot de l'oubli. Maintenant que nous voici contraints, avec la fermeture définitive de notre local historique, à tourner une nouvelle page, la mémoire de Popo devra trouver d'autres murs, de nouveaux lieux pour se perpétuer. Le blog du Nun da Popo ? est de ceux-là.

Le plébéien bleu

20:04 Publié dans politique | Lien permanent | Commentaires (2)

Commentaires

Malheureusement les chapes de silence sont parfois terriblement et définitivement plombées .. Quelqu'un sait c'est certain .. au moins celui qui la fait disparaître mais voilà il ne s'en vantera sûrement pas d'autant qu'il ne devait pas être tout seul .. Se souvenir, continuer à en parler, créer des blogs autour et pour .. garder la mémoire intacte .. et continuer à chercher .. un jour sans doute les chapes s'ouvrent !! il n'y a pas de secret définitif à mon avis mais cela peut prendre beaucoup de temps !

Écrit par : cat | dimanche, 09 août 2009

Zorionak zuri oxaba !!!! pottak !!!

Amaia, Allande, Christophe et Chantal

Écrit par : CABILLE | vendredi, 23 octobre 2009

Les commentaires sont fermés.