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lundi, 17 octobre 2005
Lettre ouverte
à Peio Etcheverry-Aintchart
Départementez
en basque
La France une et indivisible est toutefois découpée (territoria- lement et administrativement) en 96 départements, dits métro- politains, totalement inégaux tant par leurs superficies (des 105 km2 pour le département de Paris jusqu’aux 10 000 km2 de la Gironde) que par leurs populations (les 2 555 020 habitants du Nord qui vont bien rarement partager le soleil qu’ils ont dans le cœur avec leurs 73 059 compatriotes de Lozère qui, eux, en ont aussi un peu dehors). Il est à noter que la Corse, qui est une île au milieu de la Méditerranée, se compose de deux départe- ments français et métropolitains qui, bien entendu, ne sont pas une division de la France susdite, universelle, mère de l’Europe et fille aînée de l’église, mais tout au contraire, l’expression ad- ministrative de son unité politique et de sa continuité territoriale assuré, entre autres, par le service publique de le SNCM. La Bretagne, quant à elle, qui n’est qu’une grosse presqu’île beaucoup plus évidemment métropolitaine, focalise depuis quelque temps une polémique concernant son intégrité régio- nale regroupant 4 ou 5 départements français : le Breizh Atao pourrait ainsi pour certains se traduire par un 4 + 1 = 1 qui paraphraserait en langue départementaliste et en quelque sorte le Zazpiak Bat des Basques (beaucoup de Nantais sembleraient désirer exhiber un chapeau rond au quotidien, parait-il, tandis que nombre de Bretons officiels verraient d’un bon œil leur blanche hermine courir les marais de Loire-Atlantique). Et l’Occitanie, hum, comment dire, à l’échelle de ce découpage en puzzle, ça serait en quelque sorte une nébuleuse en forme de passoire linguistique qui s’étendrait sur pas moins de 32 départements du sud de la France et une demi-douzaine de galaxies régionalistes, mais, bon, je ne suis pas certain d’avoir compté les gascons du B.A.B… Enfin, the last but not the least, le Pays basque n’est rien du tout au point de vue départemental français. Zéro département. À égalité avec le Béarn, zéro partout. Mais 0 + 0 parfois égale autre chose que la tête de Toto et une révolution jacobine passant par là, les identités basques et béarnaises s’en trouvent historiquement niées au nom d’un dessein nationaliste qui n’aura jamais été librement accepté par les citoyens autochtones. En additionnant ces deux négations, la départementalisation du 4 mars 1790 aura décrété que, de Pau à Bayonne, les Pyrénées seraient désormais égalitairement, fraternellement et républicainement basses. Il aura fallu attendre l’année érotique du siècle dernier pour que nos montagnes, enfin absoutes laïquement de toute bassesse, soient autorisées à se mélanger lascivement avec l’océan qui lui, hésite toujours à se marier avec la terre des Basques- non-identifiables selon que le golfe baignant nos plages soit attribué à la Biscaye ou à la Gascogne : la géographie est une science complexe quand on en a une lecture politique. Et que dire de la politique qui n’est bien souvent plus une science humaine mais une barbarie scientifique ! Bref, hier soir, j’ai dé- couvert dans ma boite à courriel un spam émanant du secré- tariat d’Abertzaleen Batasuna, à moins que ce ne soit de celui des Démos… me demandant de participer activement à la re- lance d’une campagne en faveur de la création d’un départe- ment Pays basque. Malaise.
Ce matin, en faisant le tour de mes liens sur la planète blog, j’ai constaté que Georges de Ezpeleta Gure Herria avait dû recevoir le même spam mais, lui, a choisi de le copier-coller sans rien y changer ni ajouter le moindre commentaire personnel ; du brut de décoffrage juste agrémenté d’un titre clamant l’urgence de la démarche, c’est son choix, tout à fait honorable et que je tiens à saluer ici. Mais ce n’est pas le mien. Je n’ai jamais réussi à me convaincre que la création d’un département basque à côté d’un département béarnais, ou béarno-bigourdan pourrait, et ce même dans la plus minime mesure, faire avancer le schmilblick de la survivance pour la basquitude et tous ceux qui y sont viscéralement attachés, à la mode plébéienne en vert et rouge, ou pour tous les autres, dans leur joyeuse diversité, comme ça leur chante et danse, aux pieds des Pyrénées. Et cela dure depuis, ouf, vingt-cinq ans maintenant. Personne ne sera parvenu à me convertir à la religion, à la pensée unique départementaliste. Je dois être bien têtu, buté ou obtus, je sais plus, je n’ai jamais su changer d’avis par pragmatisme ! Et quand on me dit que cette pétition à été conçue pour être signée par les anti-département, hum, du moins par ceusses qui seraient en outre grands démocrates et tellement beaux joueurs qu’on les prendrait même pour des cons (y’en existe vraiment, hein, Peio ?), j’ai encore moins envie de rejoindre le troupeau à poils laineux. En fait, tout bien pesé, un départe- ment à la dimension des trois provinces du Pays basque nord (le Hiruak Bat des Français-basques*) n’est peut-être pas dan- gereux en soi pour la basquitude, les quelques arguments culturalistes en sa faveur pourraient même être recevables si cette revendication n’était pas devenue le nouvel et unique cheval de bataille politique des abertzale (je simplifie un peu trop, mais vraiment très rares sont les abertzale qui osent publiquement se désolidariser du départementalisme). Tu vois, Peio, je suis réellement admiratif devant toute l’énergie que tu déploies sur le terrain politique départementaliste, les tactiques ponctuelles que tu t’acharnes à enchaîner dans un plan global de pragmatisme pour perdurer, coûte que coûte, politiquement, c’est vraiment très fort mais, imagine un peu, admettons, so- yons optimismes par conviction, utopistes, quoi, et figurons- nous ce beau jour où le Conseil d’état entérinera la création d’un nouveau département que l’on appellerait, disons, soyons fous, Euskal Herri. Bon. Génial. Un département. Voilà. Et main- tenant qu’on est tous bien réveillés, que les Français-basques ont gagné, que plus aucun militant politique en liberté n’ose plus rêver à haute voix de l’indépendance, de l’autodétermination, de la réunification ou de je ne sais quelle autre forme de société socialiste pour les Basques, des Basques qui aurions pu participer activement à l’élaboration d’un autre monde qui évoluerait du possible au faisable, maintenant on fait quoi, on recommence quoi, comment, avec qui ? On reprend tout à zéro, c’est ça ? Oui, Peio, tu me trouveras plutôt aigri et certainement seras-tu tenté de me classer dans les indécrottables mauvais perdants, mais vaut-il vraiment mieux se tromper et tromper tout le monde dans le camp des majoritaires ? Nous sommes en effet bien minoritaires à regretter que tu gaspilles tout le fantastique enthousiasme de ta jeunesse, comme nous l’avons peut-être fait nous-même avant toi, mais sache que l’histoire des peuples ne pourra jamais reconnaître comme une avancée l’acte politique qui aura tendu à mettre au rancart les reven- dications autonomistes et autogestionnaires formulées par des Basques minorisés et ostracisés au nom d’un pragmatisme qui n’aura jamais servi que les maîtres de l’asservissement.
Amicalement et pacifiquement,
Le plébéien plus vert, noir et rouge que jamais
* ça se comprend, non ?
18:40 Publié dans digression, politique | Lien permanent | Commentaires (5)
Commentaires
Iepa Xan que je ne connais toujours pas malgré les deux demandes que j'ai transmises à ton courriel ....
Tu as l'air de croire que je suis l'arduradun du blog d'Ezpeleta eh bien non désolé, c'est pas moa, mais je le connais bien c'est un ami. Et il faut en finir, je veux savoir qui tu es, alors designes toi, on se fait une bouffe, je suis un bon sukaldari. A+ gero arte
Écrit par : George | mardi, 18 octobre 2005
Tout le monde veut connaître tout le monde sur l' "Euskal planeta BLOOOOG !".
Tu es vachement aigri Xan, en ce moment. Moi, j'y crois à ce département. L'idée de rapprocher le Sud et le Nord, je sais pas ou tu vis? Mais moi, là ou je vis, les paysans parlent des espagnols. Et les copains pas basques aussi parlent des espagnols. Je dois être à peu prés le seul à parler d'Hegoalde du Sud et autre. On vit dans un environnement ou les cartes de papa avaient des frontières et où le basque en est une autre.
Rejoins le Département !
Les Euro régions se battent l'oeuf des frontières. Elles sont économiques. Elles se construiront sans nous et contre nous !!! Lasserre, s'il se rapproche du Sud, il verrouillera toutes les idées "sociales et culturelles" qui nous animent. En devenant un pilier du Département on pourra jouer les premiers rôles dans la construction d'un Euskal Herri qui parle basque, donc qui comprend son ami du Sud. Qui vit plus avec lui (ça c'est le rêve) et qui peut-être voudra construire qqchose avec (rêve à base d'ecstasy)
Si personne n'a de pouvoir, ici, à Bayonne, pour mettre en avant le partenariat avec le Sud, c'est Bordeaux et Pau qui en tireront le bénéfice en terme d'image. Ils auront la confiance et publieront toujours une carte du département où "l'intérieur du Pays basque" sera désigné comme "zone de développement intérieur" et "côte basque" par "zone côtière". Ce qui conviendra très bien aux bien pensants qui s'en battent que je te parle en basque .....Ohh...Euh....Bon, je me suis emballé .....en français et de société et de solidarité, et de, et de, et de,
Écrit par : pimentalai | mercredi, 19 octobre 2005
Iepa George que je crois connaître mais peut-être pas finalement...
Je te réponds en privé, vas donc voir dans ta boîte à courriels.
Ikus arte
Xan
Écrit par : le plébéien bleu | mercredi, 19 octobre 2005
Bon , tu as un peu raison. Je confonds autonomie et conseil général. Il n'empêche que autonome ou pas c'est JJL de Bidache qui va nous rapprocher du Sud que tu le veuilles ou non.
http://lejournal.euskalherria.com/idatzia/20050414/art109768.php
Écrit par : pimentalai | jeudi, 20 octobre 2005
Agur Xan.
C'est par hasard que je découvre à la fois ton très beau blog et la lettre ouverte qui y figure à mon intention. Si j'avais su qu'elle existait j'aurais répondu plus tôt, j'espère que tu n'as pas pensé que je me suis défilé...
D'abord, moi qui ne connais pas grand-chose à l'informatique, j'avoue que je ne vois absolument pas de quel message tu parles, qui aurait ainsi été signé par moi et envoyé, même par erreur, à ta boîte aux lettres. Mais bon, puisqu'elle semble être bien réelle, eh bien je l'assume et je souhaite répondre à ta lettre.
Je ne vais pas renter à nouveau dans le débat du choix tactique département-autonomie. Je parle de choix tactique car j'ai l'impression que tu me soupçonnes d'en faire carrément mon projet politique, mon "grand soir". En réalité j'espère qu'il ne s'agissait que d'un brin de mauvaise foi et que tu ne doutes pas du fait que comme toi, l'idée d'un département me laisse aussi froid qu'un séjour à Verkoiansk, et que j'espère autre chose pour l'avenir du Pays Basque. C'est l'idée du chemin le plus sûr pour y parvenir qui fonde la différence entre nous.
Le but de cette réponse était donc d'abord de remettre les pendules à l'heure sur ce point.
Deuxième chose, je te proposerais bien de disserter sur le terme "nationalisme", que tu sembles faire tien, alors que moi il me dérange. Je ne vais pas m'apesantir ici sur ce sujet, mais si tu as 2 minutes, donne-moi ton avis.
Enfin, et à titre informatif, je voulais préciser que la campagne de signatures qui se lance aujourd'hui n'est pas une campagne départementaliste, contrairement à ce que tu affirmes. Elle a pour but de poser une question simple, je ne sais pas si elle sera exactement formulée comme cela mais le sens est là : "souhaitez-vous être interrogé(e) par référendum sur la partition du département des Pyrénées-Atlantiques"? Libre à toi et à qui veut de voter non lorsque le référendum sera organisé, mais il me semble que le principe d'être consulté est démocratiquement positif. C'est donc sur le principe d'une consultation populaire qu'on mène cette campagne, sachant pertinemment qu'elle sera vaine car la réponse finale à Pau sera négative. A quoi cela va servir alors, me diras-tu? Comme je sais que tu n'es pas idiot tu auras parfaitement compris que le pari est celui de communiquer sur le déficit démocratique que subit le Pays Basque nord sur son droit à être consulté s'il le demande, en particulier sur la question de son avenir institutionnel, et sur la frustration qu'il va générer.
Enfin, tu salues l'énergie que ma jeunesse me permet de mettre dans cette bataille même si elle n'est pas la tienne. Je t'en remercie. Mais il me semble que beaucoup de gens critiquant les choix opérés par moi comme par d'autres ne mettent pas cette même énergie à proposer autre chose. Je comprendrais qu'on propose une campagne sur l'autonomie, sauf que personne ne le fait, en dehors d'incantations au hasard d'un édito, d'un article d'opinion, ou d'un blog.
Bref, au moins le débat existe, ce n'est déjà pas mal. Au plaisir de te lire.
Cordialement,
Peio
Écrit par : peio | mercredi, 22 mars 2006
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