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Merci de nourrir les poissons en mon absence

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mardi, 15 août 2006

Mes vacances avec Marine Le Pen

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Pour fuir les

 

fêtes de Bayonne

 

 

Les vacances au mois d’août, enfin, au moins la première quinzaine, quand on est Bayonnais ou voisin de la capitale que les Basques du nord voudraient confisquer aux colporteurs de gasconnades, c’est généralement l’occasion pour jouir pleinement de ces fêtes que je me refuserai toujours à appeler « feria ». Généralement. Plus plébéiennement et carrément bleue, c’est pour moi l’opportunité de fuir ces journées et ces nuits de folie que d’aucuns n’hésitent pas à qualifier de liesse populaire. Je ne jouerai pas sur les mots. Cette année encore j’ai fui… et jusqu’à mon retour de vacances, je persistais à assumer plutôt crânement mon soi-disant boycott. Des raisons à invoquer pour justifier ma fuite (c’est tout de même le seul mot juste, alors je m’autorise la répétition), j’en ai évidemment tout un catalogue, plus ou moins politiques, plus ou moins économiques, très culturelles, mais essentiellement d’ordre caractériel, je dois le reconnaître, car je suis et demeure un caractériel, malgré mes efforts incessants pour contrôler les coups de sang derrière lesquels je dissimule toujours péniblement mon agoraphobie. Bref, comme cette année les augures de la commission municipale des fêtes annonçaient une énième augmentation exponentielle de la foule des festayres qui pourraient même dépasser le million… le million, le million, le million !... je n’ai pu en déduire qu’une fois encore, la fuite serait pour moi synonyme de survie. Donc, trois jours avant l’ouverture officielle, alors que les employés municipaux guantanamoïsaient tout ce que Bayonne compte d’espaces verts et de ronds-points fleuris, avec ma complice et dans sa grenouille roulante, nous prenions la grand-route du nord, là aussi à contresens du flux touristique généralisé, direction la Bretagne, plus précisément celle du Morbihan, pour une première étape au pays natal de Jean-Marie où le vert et le gris se mêlent sur terre comme dans le ciel… euh, sauf quand il fait beau et que nos pas croisent ceux de Marion Anne Perrine, fille benjamine du Jean-Marie sus évoqué, brisant net mon élan poétique et les traditions météorologiques…


 

L’incroyable rencontre :

 

Bon, les vacances, si on ne part pas, ce ne sont pas de vraies vacances. Et les vacances plébéiennes n’échappent pas à cet adage… du moins tant que mes finances le permettront et que Mamour m’aidera à demeurer raisonnable. En générale, quand on cause de vacances ou de voyages, partir ne signifie en rien la fuite ; il s’agit plutôt et manifestement d’une quête fantasmatique, entre autres, bien sûr. Généralement. Toutefois, il est envisageable de cumuler fuite et quête, et c’est ce que nous envisagions. La quête dans la fuite, sans imaginer que la fuite était imaginable dans la quête… Alors nous sommes partis, en voiture, « igela », la grenouille verte à quatre roues, abandonnant sur un trottoir ma rutilante jument bleue d’acier, d’aluminium et de plastiques, à mon plus grand regret de motard viscéral ; mais on ne fait pas toujours ce qu’on veut dans la vie. Pas toujours, la preuve : La règle de trois des vacances heureuses fait la somme arithmétique de la racine cubique du fantasme, du possible minimum et des concessions au carré… et se dessine toujours au dos d’une carte postale exotique, scrupuleusement choisie dans l’idée de rendre malade de jalousie son ou ses destinataires (l’exotisme recouvrant pour moi une immense zone nébuleuse et étrangère, du sud de la Bidassoa au nord de l’Adour). Bref, dès le dimanche soir, nous couchions en Bretagne, chez des amis, à six cent cinquante kilomètres de Bayonne et à deux journées de l’ouverture des fêtes. Le lendemain matin, grâce au chaleureux accueil de nos hôtes, au thé frémissant dans les bols en terre, au pain frais tartiné de beurre salé et de miel, nous nous sentions déjà et complètement en vacances, le silence radio participant activement de cette béatitude bretonne. Oui, qu’advenait-il de cette ignoble nouvelle guerre du Liban inventée par les Israéliens ? Où en étions-nous des préparatifs des fêtes ? Mardi serait le jour de la braderie au Grand Bayonne… une furtive pensée nostalgique me traversait l’esprit tandis que nous embarquions dans le monospace familial de Karine. Il est heureux de pouvoir ainsi faire le vide quasi-instantanément en refermant une vitre d’une petite pression sur un bouton, quand cela me plait, sur un simple caprice, juste parce qu’il y a un peu trop d’air dehors. Les vacances ça pourrait être ça aussi : un lève-vitre électrique que l’on actionne quand bon nous semble, passager pour un périple du hasard, confortablement assis dans un fauteuil multi réglages. Mais le hasard ne fuit jamais, lui, il ne prend pas de vacances non plus, et il n’est qu’aléatoirement heureux, c’est connu.

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 Triporteur à la Trinité le 31 juillet 2006

 

Donc, ce lundi 31 juillet 2006, alors que la pression dans ma tête approchait du zéro absolu et que mes deux oreilles se gavaient du cri des mouettes au-dessus de La Trinité-sur-Mer, je me baladais à la totale merci de ce menaçant hasard sous la seule et unique protection vitale de Mamour, ma compagne, mon aimée, le femme de ma vie, notre hôtesse étant déjà amplement mobilisée par les nécessités de sa double fonction maternelle. Il devait être midi. Ou onze heures. Ou onze heures trente… La seule montre que je possède orne les compteurs de ma si belle motocyclette demeurée comme abandonnée à Bayonne. L’heure d’été n’autorise plus à se fier aux cadrans solaires de fortune, alors je ne sais plus que me référer à l’évolution de mon cycle digestif pour estimer le temps qui passe. Ainsi, je commençais à peine à avoir un tout petit peu faim lorsque, dans une rue pavée surplombant le port de plaisance… j’ai vu Marine Le Pen... En fait, je l’ai vue mais je ne l’ai pas reconnue, enfin, pas tout de suite... Elle était de dos par rapport à moi… Seule… Apparemment… Aucun sbire à gros bras alentours… La Valkyrie marine, oui, c’était bien la blonde Brynhildr à francisque de mon imaginaire tourmenté qui chargeait là, à mains nues, sa voiture de lourds bagages, comme n’importe quel vacancier juilletiste libérant sa location pour les aoûtiens. Evidemment, je n’ai fait aucun scandale, pas le moindre esclandre, ni vocifération anti-fasciste, même pas un petit poing vindicatif brandi dans ma poche… vous le sauriez, sinon. Le Télégramme aurait publié la photo de l’échauffourée en dénonçant la probable opération de propagande frontiste et la blogosphère aurait relayé l’info avec plein de guillemets qui disparaissent au podcastage. Bref, j’a honte, très très honte, et je ne me cherche aucunement d’excuses en invoquant la complicité tout aussi silencieuse de milliers de touristes inconnus (on ne dénonce pas les êtres chers). Là, je me suis réellement senti le fuyard que je prétendais être depuis mon départ de St Esprit, la veille… et mes vacances, de quête prétendue, se sont muées en fuite franche et paniquée qui, comme l’amour, est un chien de l’enfer. Où que je m’entête à fuir, où que je me cache, désormais, Marine Le Pen m’accompagnerait dans cette boucle infernale.

 

 

La boucle infernale du fuyard :

 

Nous avons quitté la Bretagne le jeudi, la journée des enfants aux fêtes de Bayonne. Ni les menhirs de Carnac, ni la si jolie petite maison de la baie de Saint Cado, ni même les gaufres au caramelix n’avaient réussi un seul instant à déloger Marine Le Pen de mon cerveau torturé. La fille aînée du malheur était partout avec moi, dans moi. Et là, elle était dans la voiture, elle roulait avec nous en direction de la Normandie, elle me souriait cruellement dans le rétroviseur, comme si elle voulait me montrer ainsi que même ma lâcheté serait vaine. A Etretat, c’est elle qui a empoisonné ma salade paysanne au jambon d’York avec du saumon faisandé, c’est elle qui a tenté de me précipiter dans le vide définitif du haut des plus belles falaises du monde pour me mélanger au patrimoine des galets de l’humanité… à moins que ce ne soit le contraire… Je ne sais plus… J’avais perdu la raison… si loin des fêtes de Bayonne. Nous avions fui Fécamp la Conquérante pendant le prologue de la Route de France «féminine», espérant ainsi semer ma tourmenteuse et, le samedi soir, nous dormions à Dunkerque, pour notre troisième étape, Mamour, moi… et Marine Le Pen. A mesure que nous approchions de Bruxelles et de ce si plat pays qui est celui d’Erick, but originel de notre quête touristique, la tension ne saurait que grimper en danseuse les lacets de notre trio clandestin jusqu’à ces sommets de l’angoisse existentielle que nous ne voulions pas connaître. Même si nous possédions dorénavant la clé téléphonique pour joindre notre hôte belge, la sérénité ne pouvait revenir car une crainte indélogeable nous habitait, Mamour et moi, peur quasiment panique que notre séjour bruxellois ne fusse totalement gâché de par la présence invisible de Marine Le Pen. Marine Le Pen qui avait tout de même consenti à relâcher son étreinte ce week-end des fêtes de Bayonne, le temps que nous dégustions en amoureux de délicieuses patates, charolaise ou dunkerquoise, à Malo-les-Bains. Tout le temps de la traversée autoroutière gratuite de la Belgique, dans le sens de la largeur, de gauche à droite, tandis que tous les panneaux s’évertuaient à nous parler de géographie en flamand (il parait qu’il faut dire «néerlandais», mais avec une telle passagère clandestine je pouvais bien me permettre de souligner ainsi la particularité bipolaire du royaume d’Albert II), Marine, qui malheureusement m’était devenue familière, dormit paisiblement à l’arrière en nous laissant tranquilles. Tout le temps que nous avions mis à nous perdre et à nous reperdre dans les rues de la capitale que les Belges partagent avec les Européens unis, jusqu’à ce que le hasard se décide à me faire garer la grenouille verte au pied de l’immeuble saint gillois où Erick nous accueillera amicalement, Marine nous ficha la paix. Une paix royale tout cet après-midi où nous nous sommes extasiés (j’exagère à peine) devant la grandiloquente architecture baroque de la Grote Markt en cherchant vainement la petite sœur du Manneken Pis, Jeanneke… à peine si elle m’a tendu un foireux traquenard dans un restaurant andalou, rien, une broutille. Peut-être, sûrement même connaissait-elle suffisamment Bruxelles pour savoir que l’absence totale de signalétique routière pour les automobilistes suffirait à ma perte…

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 Vue depuis La Patatière à Malo-les-Bains

 

J’ai survécu. Mamour aussi. Marine s’est donc acharnée le lendemain, le lundi, où la gentille autoroute bucolique et gratuite de l’aller s’était métamorphosée en couloir à camions de l’enfer. Le midi, ou vers onze heures du matin, je ne savais plus, j’étais hors de moi, nous arrivâmes à Ostende. La ville est belle, était belle, tout du moins dans mon souvenir d’avant Marine, mais nous n’avons quasiment rien vu au-delà des brumes dévorantes de la Mer du Nord, ce lundi-là, rien vu que du triste et du hargneux. Les fêtes de Bayonne étaient terminées et nous ignorions encore tout du bilan désastreux (je ne pouvais donc pas encore exagérer). L’angoisse était à son comble et nous ne visiterions pas le génial Musée d’Art Moderne, ni la cathédrale, à peine si nous goûterions quelques fritures en nous abritant de la pluie sur les marches d’un parking souterrain. Marine Le Pen était partout, envahissante, un mur de l’atlantique poussant sa corne assassine jusqu’au tréfonds de mon intimité intellectuelle. Le mardi, nous avons décidé de redescendre vers le sud et notre maison, Mamour vers la droite, moi vers la gauche. Mais comme nous ne pouvions pas couper la voiture en deux, Marine s’est bien marrée à l’arrière. Il nous a fallu deux jours. Deux étapes avec deux petites respirations pour oublier la dictatrice invisible. Le Manhattan de Woody Allen à Orléans, et la plus coquette table de l’Univers à Périgueux. Deux jours pour boucler à double tour ma fuite infernale et retrouver Bayonne. Bayonne de mes amours. Bayonne encore sous les stigmates de la plus grande fête du monde à civiliser.

 

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 Photo prise sous la contrainte, évidemment...

 

 

 

J’ai eu trop peur…

 

Me voici sauvé. Sauvé de la Marine. Marine Le Pen qui ne fera jamais les fêtes de Bayonne. Tout du moins je l’espère. Désormais, plus d’excuses, j’ai eu trop peur qu’elle se mêle à la foule des festayres, qu’elle se fonde anonyme parmi les VIP du balcon de la mairie, par ma faute, que son fascisme bien pensant dans le sens du poil devienne la coiffure officielle de ces «feria» ultra-libérales, à cause de ma lâcheté… Elle pourrait même s’acoquiner avec John, la Marine, qui sait !... et il nous ressortirait la fable des allumettes en string pour mettre le feu à mes poudres d’escampette. Non, je ne fuirai plus. L’année prochaine, promis, juré, craché, si les congés payés ne sont pas abolis et si l’Adour et la Nive continuent de confluer sereinement sous mes yeux, je ne fuirai plus Bayonne, et surtout pas en voiture, en plein mois d’août. Je ferai les fêtes, avec tous mes amis qui ne fuient pas, dans mon uniforme de plébéien, pour ne pas me noyer, je ferai les fêtes de Bayonne en bleu.

 

Le plébéien bleu

 

Nota Bene : Chers lectrices, chers lecteurs, vous aurez remarqué qu'en ouvrant la page d'accueil de mon si joli blog tout bleu, une petite chansonnette vient égayer votre lecture. Vous aurez également remarqué que les paroles écrites et interpétrées par Philippe Katerine illustrent quelque peu le titre de cette note... c'est pourquoi j'ai choisi d'intégrer cette guillerette musique. Je ne suis aucunement un pirate, mesdames et messieurs les censeurs, vous n'aurez donc pas l'outrecuidance potentielle de me reprocher ce petit clin d'oeil de publicité gratuite.

 

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Commentaires

Jolie bataille navale d'un terrien éprouvé par l'océan. Je retiens que c'est la fin des congés baignés, qu'on peut voir Manhattan à Orléans et que l'année prochaine... je pourrais partir tranquille puisque tu resteras !

Écrit par : Dia | lundi, 21 août 2006

Bonjour, plébéien. Contente de te savoir chez toi et de pouvoir te lire.
A la Trinité vous devez avoir mangé du pain vendu par la soeur d'une amie...
Dans le Morbihan, vous avez logé à 3 km d'où j'ai logé en avril...
La prochaine fois que vous venez en Belgique, oubliez Ostende! Je vous montrerai Louvain!
Non, pas Louvain-la-Neuve mais bien "Leuven"! Ma ville natale...

http://images.google.fr/images?hl=fr&q=Leuven&btnG=Recherche+Google&sa=N&tab=wi

A bientôt

Flieflodderke

Écrit par : Flieflodderke | lundi, 21 août 2006

Bonsoir Plébien, Avé !
J'ai suivi ton conseil : lire le récit tumultueux de tes vacances avec Marine Le Pen (très bien la chanson, au fait). C'est formidablement bien écrit (je ne dis pas que tu m'as donné envie de prendre la "Le Pen" en stop, soyons clair, je n'irais pas jusque là, non n'insiste pas).
Question : Aurais-tu absorbé une huitre hallucinogène ou encore tenté de priser du varech de l'Atlantique, à moinsss que tu n'aies fumé la bruyère des falaises granitiques, voire un jambon qui n'était pas de Bayonne ? Toujours est-il que ton aventure est un vrai cauchemar psychédélique, tel que tu me l'avais décrit. En lisant ton texte... nous étions quatre dans la bagnole...
Tcho !

Écrit par : Phil | lundi, 28 août 2006

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