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mardi, 06 septembre 2005
Comment se loger décemment
près d’un office du tourisme ?
Le Pays basque n’est pas…
Le jeudi 11 août dernier, un quidam ano- nyme aurait découvert, dans une pou- belle toute proche de l’office de tourisme de Bayonne, une bombe artisanale toute aussi anonyme mais, selon les sources officielles, bien peu explosive. Bon. L’évé- nement n’a rien de si extraordinaire que ça, même si… et même si… Des engins explosifs ou réputés tels faisant long feu, ce n’est pas chose rare en Pays basque nord, surtout ces dernières années. Il ar- rive même parfois, mais là beaucoup plus rarement, que ceux- ci fonctionnent et occasionnent des dégâts matériels. Ces der- niers temps, manifestement en lien avec une crise du logement sans précédent décuplée par un niveau de spéculation immo- bilière encore jamais atteint, plusieurs agences immobilières ainsi que des complexes hôteliers ou résidentiels ont été ciblés par les poseurs de bombes. Parfois avec succès. Mais encore jamais, tout du moins depuis (faudra que je vérifie) des lustres et des lustres, un office de tourisme n’avait été visé. Faudra que je vérifie aussi l’existence de poubelles publiques aux abords du bâtiment bayonnais visé par cet attentat car, il me semblait bien que, depuis fort longtemps déjà, il est devenu impossible de se débarrasser civiquement d’un papier dans la rue. Bref, pendant les quelques jours qui ont suivi cet évé- nement, le landernau médiatique côte basquais aura pas mal spéculé sur l’identité présumée de ses auteurs et, avec le recul que m’autorise le rythme aléatoire de mes écrits sur ce si joli blog tout bleu, quoique très moyennement influencé par cet air du temps-là, durant cette courte période où l’actualité est encore actuelle, j’ai également eu envie de savoir qui et quoi, et surtout à quelle stratégie politique il faut attribuer ce dépôt d’encombrant sur lequel enquête la cellule anti-terroriste du parquet de Paris, poil au quiqui.
Je ne vais pas citer l’organisation qui aurait téléphoniquement revendiqué (revendication que je crois tout à fait crédible, mais là n’est pas mon propos…) cette action en alertant les pompiers, mais juste souligner que le porte-parole de la ligue dissoute en question aurait conclu son avertissement par un impératif «le Pays basque n’est pas à vendre». Bon. Outre que ce slogan manque quelque peu de modernité à mon sens, à première vue, je trouve que la ligne stratégique d’une condamnation franche et déterminée de la spéculation immobilière perd en lisibilité ce qu’elle gagne en confusion en prenant pour cible un objectif matériel spécifiquement orienté sur la promotion touristique en général. En clair, un office de tourisme ne fait pas le même boulot qu’une agence immobilière. Et tous les boums n’ont pas le même sens. Bon. Ceci dit, il est vrai que quand on s’oppose à la marchandisation du Pays basque (ne suis-je pas moderne ?), cela ne concerne pas seulement le foncier ou l’immobilier, le label «Euskal Herria» recouvre tout, tout et même le reste, depuis le fromage de brebis à la confiture de cerises noires jusqu’aux «innovations» en provenance de la technopole Izarbel, en passant par les danses du groupe Luixa à Béhobie ou carrément les fêtes de Bayonne… À ce propos, et tant qu’à spéculer sur le sexe des poubelles piégées, il me semble qu’une telle stratégie symboliste aurait été renforcée dans son efficacité par une «explosion promotionnelle» AVANT les fêtes de Bayonne, juste quelques jours avant, disons une semaine, dans l’idéal. Mais je me fourvoie très certainement quant aux véritables motivations du ou de la ou des poseurs de bombe. À cause d’une toute petite difficulté de lisibilité je me mets à tout mélanger, à mettre tout sur le même plan, dans le même sac, le tourisme vert à la ferme et les golfs dix-huit trous avec vue imprenable sur les Pyrénées, les fonctionnaires impuissants de l’office HLM et les 95 kollabos d’Orpi, les gentils de Kukuxumusu et les mercantiles de 64, les corridas en août et le surf en février, le Musée basque de Bayonne et le Mac Drive de St Jean de Luz, le prix d’une bouteille d’Irouléguy et celui d’une cartouche de cigarettes à Dantxaria… les limites sont parfois bien confuses mais il faut toutefois bien comprendre que refuser de vendre son pays ne signifie nullement s’opposer à la marchandisation de son image identitaire. D’ailleurs, hein, cette frontière au milieu du Pays basque, nous les Basques, nous n’en voulons pas. Parfois je me trouve un peu cynique… et confus autant.
Toujours à propos de tourisme, de Pays basque à vendre ou à marchandiser, de 11 août et d’engin explosif, et afin d’illustrer ma conclusion provisoire sur le sujet, je prendrai nettement moins de précautions rhétoriques pour citer un «collègue» bloggeur bayonnais (le label «Euskal Herria» c’est aussi son satellite internétesque gros d’une toute petite dizaine de blogs répertoriés dans l’arrondissement de Bayonne), le seul à s’être permis un commentaire «à chaud», un certain Aitor je crois. Lui aussi c’est «le Pays basque n’est pas à vendre» qui l’aura fait réagir. Là s’affiche notre unique pixel de complicité, car moi, plébéien de condition et bleu de couleur, je ne me suis pas contenté de vouloir réagir, j’ai attendu, j’ai réfléchu et je n’ai écru qu’après avoir essayé de comprendre. Et maintenant je dois avouer que je n’ai pas tout compris. Bien sûr, quand Aitor répond au slogan de Pindar (signature utilisée par les premiers patriotes basques du nord à l’avoir popularisé, dans les années 70, à ma connaissance) par un tout aussi ridicule que méprisant «je croyais qu’il était déjà propriété française», il m’énerve gra- ve et c’est très exactement à la suite de cet énervage virtuel que j’ai finalement compris ce qui me semble devoir être l’es- sentiel de la motivation d’un aspirant saboteur d’office de tou- risme en Pays basque. Quand le bloggeur anonyme (pas moi, l’autre, bien évidemment) prétend tourner en ridicule le slogan patriotique au prétexte que tout le Pays basque serait déjà vendu à la France (et qui donc l’aurait vendu, qui, des noms ?), c’est avant tout et tout simplement pour nier l’existence d’une patrie des Basques. Voilà. Le Pays basque existe-t-il, a-t-il ja- mais existé, existera-t-il un beau jour ou un grand soir ? Là est la question, la vraie question, la seule question serais-je tenté d’exagérer en paraphrasant Shakespeare. Excusez du peu. Au passé comme au présent et au futur, ma réponse est sans am- biguïté OUI. Oui le Pays basque existe et non Aitor, tu n’es pas marrant, je ne dirai pas ce que je pense de ton acuité intellec- tuelle… poils aux aisselles. Bref, une question en entraînant une autre, j’y ai finalement pas mal réfléchi et, afin de m’adapter aux limites imposées par le format de mon si joli blog tout bleu, j’ai choisi de formuler personnellement ma réponse par la pluralité optionnelle d’un QCM.
Le Pays basque n’est pas…
(cliquez sur votre réponse)
1° ) à vendre.
2° ) à louer.
3° ) français.
4° ) ni espagnol.
5° ) béarnais.
6° ) bleu.
22:50 Publié dans Blog, écrits sur fond bleu, politique | Lien permanent | Commentaires (4)
Misère et malheur préfèrent le noir
La colère aussi
Des dizaines de morts à Paris dans les incendies d’immeubles insalubres ou pour le moins vétustes, cette nuit du 29 au 30 août, et juste avant l’été aussi. Des centaines voire des milliers de victimes en Louisiane et à la Nouvelle Orléans, la nature se venge en inventant des catastrophes que seuls les hommes sa- vent fomenter. Des dizaines, des centaines de milliers de géno- cidés de la guerre économique sur tout un continent, la terre d’Afrique est noire. Noire, la même couleur que toutes ces victimes dont les corps se mettent à pourrir spontanément dans nos consciences, ces victimes d’une même et unique guerre mondialisée. Dans l’échelle dégringolante de victimisation, nos sociétés « occidentales » ont plus que jamais peur du noir. Être noir c’est toujours pire que tout. Le pire des malheurs, ici et maintenant plus qu’hier et dans l’œil du voisin, être noir signifie malheur, misère et mort. Les trois «M» de la haine. Et maintenant, comme toujours, dans nos boites à images toutes faites, dans nos boites à voix de son maître, dans nos boites à plus d’idées ronronne l’hypocrite compassion, cette compassion médiatique à grand spectacle formatée pour échanger des bons sentiments contre un aveu général d’impuissance. La machine continue à tourner, folle cette roue de l’infortune qui cherche et trouve ses coupables parmi les victimes.
L’«Innommable» est au premier rang, comme toujours, tous les spots sont pour lui, tous les micros lui sont tendus et il continue à distiller sa haine du noir : il faut raser les squatts, chartériser les mal-logés ou les délogés ; pour supprimer la misère et le malheur, chassons-les bien loin de chez nous, broyons les noirs, tous les noirs, les femmes et les enfants d’abord, et le bonheur, la confiance reviendront. La campagne électorale bât le beurre de l’argent et de toutes les peurs du noir, l’«In- nommable» se rendra sûrement au chevet de son mentor Jacot le Rictus, président de toutes les bananes par intérim, pour distraire sa cour flagorneuse, devant les caméras éblouies de tant d’humanité il mime un combat de boxe charentaise avec son ami de cent jours… et me reviennent en mémoire déjà ces mots de haine ordinaire, minables :
Déjà les boites se sont remises à jacasser. Les coupables, il faut des coupables, pas responsables mais coupables, les jeu- nes des banlieues sont les coupables. Le pire, le plus effrayant que nature, c’est qu’il s’agirait de filles, de jeunes filles, d’une simple dispute entre jeunes filles qui aboutit au nouveau drame. Mais ce n’est pas le même immeuble, on est plus à Paris là, ni au Val de Grace, on mélange les catastrophes dans le grand chaudron de l’information et le citoyen spectateur du premier étage fulmine contre les noirs, peu importe. On n’a pas précisé la couleur des jeunes filles, pour une fois, par pudeur (sont elles voilées ?), ou pour laisser un peu tourner sur son élan la roue folle de l’imaginaire populaire… ou alors parce qu’on n’a pas d’images à vomir on rajoute, sibyllin, qu’être français peut avoir des origines plurielles, et bleu, et blanc, et beurre, mais pas noires, ou alors loin, très loin, très exotique, très «y’a bon banania», et rassurez-vous, bonnes et moins bonnes gens, les coupables sont identifiés, l’«Innommable» saura bien les punir, nous en débarrasser.
Je hais l’«Innommable». De plus en plus fort. Parce qu’il me fait de plus en plus peur. Il y a quelques semaines, par défi et par goût du «bon mot» j’avais affirmé, en tout petit comité, devant des amis, que mon destin, ou plutôt celui du plébéien bleu était de l’assassiner. Normalement, je ne suis pas quelqu’un qui croit à la destiné, mais j’aime le noir, la couleur noire, j’aime à dire que ma colère est noire et donc belle. Malheureusement je ne sais pas assassiner, faudrait peut-être que j’apprenne…
Le plébéien noir de colère
10:10 Publié dans écrits sur fond bleu, politique | Lien permanent | Commentaires (0)