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mardi, 21 juin 2005

La Horde Sauvage

Je vais tuer Butch Cassidy


Butch Cassidy dirigea le Wild Bunch au moins jusqu’à l’été 1901 durant lequel eut lieu la dernière attaque de train qui leur est attribuée... Butch Cassidy et le Kid. Billy the Kid. Non, pas Billy, ce n'est pas le même, je confonds, tout se mélange dans mon esprit. Avec Butch Cassidy c'était Sundance Kid. Ouais, Sundance. Je me souviens de Cassidy, pas de Sundance, ce nom de Butch Cassidy résonne encore étrangement… comme tous ces noms expectorés, chiques épaisses et noires du fin fond de la mémoire mythologique du western, crachoir en or de l’histoire conquérante. Histoire des fondateurs de l’Amérique de nos Maîtres du monde. Crachoir en or, western cracheur de balles aux calibres faiseurs d’immortalité. Ouais, au chapitre de l'universalité, le western c’est aussi un genre cinématogra- phique, désormais marque déposée entre MacDo et PizzaHunt. Un genre pour lequel je n’ai jamais été franchement initié, même si mon premier vrai jouet d’enfant fut une panoplie de Davy Crockett. Un genre que j’ignorais par dépit, quasiment, jusqu’à découvrir Seuls sont les Indomptés, réputé être le western crépusculaire par excellence.
Butch Cassidy, ouais. Gosse, il me semble que j’avais toujours ou pres- que ce nom à la bouche. Tout seul dans ma chambre, ou rêvant au bord de la Nivelle, je me répétais à l’infini ces deux mots en tentant d’adopter du mieux qu’il me sem- blait le plus western des accents américains. Butch Cassidy, bang-bang ! Butch bang ! Cassidy, bang-bang ! Butch Cassidy, le Vrai, l’Unique, eh bien, je n’avais pas la moindre idée de qui il avait pu être en réalité. Je crois ne m’être jamais posé la question de son existence réelle ou imaginaire. Un héros qui fait bang-bang, c’est forcément mort, même si, finalement, le statut de héros le rend quelque part immortel. Et qu’il soit mort, probablement que ça me rassurait. Quoique, les enfants, hein, même après une vraie fusillade, bang-bang, ça peut recommencer à jouer à Butch Cassidy et le Kid. Le jeu ça sera toujours plus amusant que la réalité, même si la réalité est de temps en temps un million de fois plus violente que notre cruauté enfantine, il me sem- ble. Tout du moins il devait me sem- bler quelque chose dans le genre à l’époque de ma conquête de l’ouest à moi. Maintenant il m’arrive encore de penser comme un enfant cruel et victorieux, bang-bang, mais plus tous les jours. De plus en plus rarement, même. En fait, je penserais plutôt de plus en plus souvent exactement le contraire… Quoiqu’il en soit, on ne traumatise pas un gosse aussi facilement qu’un adulte.
La Horde Sauvage, le film de Sam Peckinpah, s’inspire directe- ment de cette histoire mythologique-là, l’histoire de la Wild Bunch, l’histoire de cette violence inouïe de l'anarchisme des grands espaces dont l’Amérique des vainqueurs s’est bricolé un panthéon cinématographique à grands coups de bang-bang… Les bang-bang-bang des vainqueurs sauront toujours recycler à leur bénéfice le nostalgique bang-bang des indomptés.
Sam Peckinpah, marrant ça, comme au bon vieux temps, ces trois sylla- bes font bang-bang dans ma bou- che. Depuis que j’ai vu, il y a quel- ques jours à peine pour la première fois cet anti-western culte, bang-bang, The Wild Bunch, bang-bang-bang, Sam Peckinpah m’est devenu si familier que je me sens maintenant capable de m’en aller faire mon lonesome cowboy pour reconquérir… ma propre humanité. Je ne suis plus l’enfant qui a besoin de se construire, les mythes ne seront désormais à mes yeux plus jamais autre chose que des mythes. Même fondateurs, ces bang-bang, ces mythes tonitruants ne sont que les pires des men- songes qui se racontent dans les livres d’écoles. Histoire des brutes et des assassins en l’occurrence. Histoire des plus rustres soudards qu’ait inventés l’humanité. Bang-bang-bang. Merci et bravo Monsieur Sam Peckinpah, votre film est le plus beau, le plus fort et le plus cinémascope que j’ai jamais vu !

Robinson Crusoé





De The Wild Bunch à

The Weather Underground



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Soixante-neuf, année tectonique. Alors que le monde entier semble vouloir se mobiliser pour dénoncer l’impérialisme yan- kee, après une décennie d’enlisement extrême-oriental, le Pré- sident Nixon décide de renforcer de façon exponentielle l’intervention états-unienne au Vietnam. De New York à Los Angeles, de Washington à Chicago, la contestation estudiantine s’organise, le Non à la guerre rassemble des centaines de milliers de jeunes Américains. Blancs de la middle-class cons- cientisés par les protest-songs et jeunes ouvriers noirs, sous-payés ou chômeurs, toutes couleurs confondues dans une même condamnation des crimes contre l’humanité perpétrés par les G.I.’s de la bannière étoilée, la jeunesse américaine rue dans les brancards. Face au mépris avec lequel Nixon leur répond, la radicalisation de cette jeunesse éclairée semble inévitable. Soixante-neuf, plus besoin de météorologues pour nous dire d’où vient le vent. De la répression des manifestations, en solidarité avec le combat des Noirs, de Martin Luther King aux Blacks Panthers, dans l’euphorie libertaire et rock de Woodstock se forment les premiers groupes de Weathermen. Alors que le meilleur propagandiste de la révolution mondiale, de la multiplication des Vietnam, Che Guevara, allait bientôt mourir assassiné, cette même année, dans la solitude de sa montagne bolivienne, quelques dizaines de jeunes Américains vont porter la guerre au cœur même de leur Patrie pour lutter, à leur sens, plus efficacement contre la guerre. Les premières bombes de la résistance explosent à New York, Los Angeles, Chicago et Washington, posées par les fils et filles de la classe privilégiée.

Même pays, même année, soixante-neuf, Sam Peckinpah se bat pour conserver au montage de son film certaines scènes qui heurtent les «bonnes consciences» hollywoodien- nes. En Europe, les spectateurs qui auront la chance de voir, l’année suivante, la version intégrale de The Wild Bunch (La Horde Sauvage) seront bien évidemment choqués par l’extrême violence de la représentation d’un des mythes fondateurs des États-unis, par l’extrême réalisme des scènes de fusillades, mais seront à mille lieues d’imaginer même les raisons de la censure des images de l’assassinat d’une femme adultère, par exemple. Dans l’inconscient du peuple américain formaté depuis des générations, seule la violence qui s’oppose à l’ordre établi (c'est-à-dire la défense des intérêts de la classe dominante) est criminelle. Et cela, à l’instar des Weather underground, Sam Peckinpah l’a très bien compris. Dans la scène finale, les derniers mots du dialogue entre Sykes et Thornton est en cela édifiant. «Quels sont tes projets ?» demande Sykes blessé, juché sur son cheval à la tête d’une bande de Mexicains et Indiens résistants. Assis par terre, appuyé contre un morceau de mur, Thornton sourit : «Rester ici bas, aller de-ci de-là… Et essayer d’éviter la prison.» échange de sourires complices, Sykes invite son vieil ami : «Bien, les gars et moi, on a un peu de travail [sous-entendu faire la révolution en défendant les Indiens]. Tu veux nous suivre ? C’est pas bien payé, mais ça devrait te suffire.» Pour le spectateur averti de l’époque, l’invitation de cette scène finale aurait pu paraître des plus éloquentes. Je n’ai trouvé aucune information à ce propos pour conforter mon sentiment, mais je suis tout de même convaincu que si la censure n’avait rien trouvé à redire concernant cet échange clairement apologiste de la résistance des peuples opprimés (on aurait pu facilement voir une ressemblance entre le Mexique de 1913 et le Vietnam de 1969, il me semble), c’est très probablement que le spectateur américain moyen et contemporain n’aurait pas su déchiffrer la métaphore. Le saurait-il aujourd’hui ? On peut légitimement en douter en comptabilisant sur internet la quantité de sites qui reprennent le titre de la mythique Wild Bunch pour défendre et illustrer les discours les plus hystériquement patriotiques et réactionnaires drapés dans des miles et des miles de triomphantes bannières étoilées.

Mille neuf cent quatre-vingt un, Bernardine Dorn préfère se rendre, «pour le bien de ses enfants». L’aventure révolutionnaire des Weather Underground trouve provisoirement une conclusion désespérante avec l’avènement du libéralisme revanchard et négationniste. Le début des années quatre-vingt, aux États-unis comme en Europe, sonnera le glas des utopies. Vingt-huit décembre quatre-vingt quatre, le meilleur des mondes aura fini par tuer Sam Peckinpah, à Mexico. Le dernier des Weathermen, David Gilbert (Thornton ?), est arrêté et foutu en tôle pour le restant de ses jours.

Juin deux mille cinq, à deux jours d’intervalles, dans la même salle de l’Autre cinéma, je vois The Wild Bunch, du génial Sam Peckinpah, le plus grand western de tous les temps (Jean-Georges va encore m’accuser d’être sentencieux), et l’un des plus optimistes documentaires de ce début de troisième millénaire, The Weather Underground, de Sam Green et Bill Siegel. Et voilà que je me mets à vouloir être optimiste à mon tour, la «dérive» des continents est loin d’être terminée, le monde continue à bouger dans le sens de l’espoir. Les vieux résistants refusent de se «repentir» et ils ont bien raison. Aux États-unis ou ailleurs.

Le plébéien bleu



18:55 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0)

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