jeudi, 31 mars 2005
Les ennemis étoilés :
film résistant et d'amour
D’un côté de l’Adour, au sud, les ennemis de la version originale, les marchands de pop-corn à huit euros, les distributeurs de publicité hurlante, les promoteurs de la croissance infinie et toute la planète Hollywood. Et pas une seule tête qui dépasse. Au sud de l’Adour il y a cette mairie de droit divin avec vue sur l’hôpital qui se fout de la charité. Et cette fac de droit comme un i avec sa chaire de dictateur d’avant la guerre des boutons. Et puis aussi cette toute petite librairie peinte en vert avec des pentes partout. Ce sont eux les ennemis étoilés. Ce sont eux qui envoient les huissiers réveiller à l’aube les érémistes et les salariés précaires en grève, ces huissiers qui font s’enfuir les chattes qui boivent aux robinets et terrorisent les femmes enceintes. Ces huissiers vêtus de tristesse pour contrôler la solidité des chaînes aux grilles cadenassées du cinéma de quartier. Je les hais, ces huissiers, presque autant que j’aime cet Atalante qui amarre son écran unique au rivage nord de l’Adour. Le cinéma c’est la vie qu’ils disaient ! Et moi je me suis repris à aimer la vie depuis que j’ai su reconnaître les feux bleus de la résistance dans ses yeux qui illuminent désormais toutes mes soirées cinéphiles. Je me suis repris à aimer tous les petits et les sans grades qui résistent aux géants étoilés... Hier, j’ai fermé ma pompe plus tôt pour passer au Champion. Sur le trottoir devant l’Atalante, il y avait leur petite table de camping où j’ai déposé ma solidarité : une boite de chocolats. Et ce soir, j’y suis remonté. Ma Jument bleue connaît maintenant la route par cœur. Sans même réfléchir, j’ai accepté son invitation fraternelle. La lutte se doit d’être joyeuse et fraternelle. Avant la grande fête de la résistance au Boucau, les salariés en grève mangent ensemble, et là, je suis avec eux dans ce restaurant du quartier. Et là, tout sourire, elle m’indique la chaise, face à elle…
Bayonne, le 23 novembre 2002 à 20 heures.
Le plébéien bleu de nuit
20:45 Publié dans écrits sur fond bleu | Lien permanent | Commentaires (0)
Ma Muse s'amuse
Le sang des nuages coule, coule
Coule le long des parois de l’inconscience
Coule, coule jusqu’à moi
Coule sur mes joues, coule sur ma peau
Coule dans ma bouche
Toutes tes humeurs, tes odeurs secrètes qui s’écoulent
Coule et me saoule, le sang
Ton sang peut-être
Ton sang sûrement
La vie, quoi !
La vie dans tes veines
Ta vie c’est ma veine à moi
Ta vie
Ma vie
Dans l’herbe verte et drue
Drue comme mon désir qui coule
Coule sur tes fesses
Coule en perles et contre tout
Coule pour inventer peut-être un nombril tout neuf
Un nombril tout neuf peut-être
Le mien et le tien rivés dans l’étreinte
Nos ventres collés par le plaisir
Plaisir qui roule, en boule, au creux de nos ventres
Et coule à nouveau, tout neuf
Jusqu’à ce rêve assoupi d’un moment
--je suis sage quand je dors–-
Ton sang sur mes joues
Ton sang dans ma bouche, ton sang sur mes dents
Coule dans mes veines
Coule, coule, coule depuis les nuages.
Maitazale
20:35 Publié dans poésie sur fond bleu | Lien permanent | Commentaires (3)
mercredi, 30 mars 2005
La chèvre et le chou, et le piquet, et la corde
Juste une petite réminiscence de l’après-midi de dimanche, jour de l’Aberri eguna dont j’ai parlé dans une très récente note un peu abusivement classée au chapitre politique. Dans cette note j’annonçais que j’irais retrouver des potes à Hendaye (en fin d’après-midi n’avais-je pas précisé) et donc, en quelque sorte, cette année encore, je boycotterais le rassemblement organisé par AB (Abertzaleen Batasuna) sans toutefois causer de boycott mais en prétextant avec ma mauvaise foi coutumière les averses et la distance assez importante (je me trouvais à Hendaye à l’heure où je rédigeais cette note) pour finalement signifier un malaise plus grand si j’avais opté pour cette occurrence-là. Mardi, en relisant ma note, j’ai cru bon d’ajouter un lien au mot Irouléguy afin de relater un peu lapidairement (Le Journal du pays Basque ne semble pas très copain-copain avec Abertzaleen Batasuna, ou alors je me fais des films et le rédacteur est tout simplement un journaliste) l’action de désobéissance civile réalisée sur le nouveau complexe touristique de Pierre & Vacances à Uhart-Cize. Et là, plus j’y songe, plus je me convaincs que j’ai eu tort de ne pas prendre la route cet après-midi là avec ma Jument bleue. Je ne crois pas que l’appellation d’action de désobéissance civile soit la meilleure pour qualifier une stratégie que, dans le temps, nous aurions naturellement revendiqué comme de l’action directe. Oui, l’action directe ne consiste pas systématiquement en du vandalisme assumé politiquement, même si je dois confesser que ma libido révolutionnaire me ferait plutôt frétiller à grands coups de poings dans la gueule des patrons et que j’ai toujours éprouvé une certaine fascination pour les feux de joie... Bon, OK, là il s’agit de lutte de masse et ça change tout, mais AMHA ça ne justifie aucunement de sombrer dans l’euphémisation pour ne pas effrayer le "bon-père-de-famille" ou la "ménagère-de-moins-de-cinquante-ans" (je sais, en terme de qualification sociologique, je suis encore resté à l’heure d’hiver). Et quant aux réelles facultés subversives des jeunes générations, n’ayant pas d’enfant à charge, je reconnais une certaine ignorance en la matière. Il est flagrant que la revendication d’une maîtrise du foncier et de la spéculation immobilière justifie une très crédible lutte de masse potentielle en Pays basque nord, en particulier. Il est très heureux que des abertzale prennent l’initiative de cette bataille éminemment populaire. Mais il est tout aussi flagrant que les permis de construire accordés le sont très généralement dans le cadre de la stricte de légalité et que, donc, les moyens de lutte ou d’opposition à mettre en œuvre se confronteront toujours aux barrières de l’illégalité. Il serait heureux que nous réfléchissions à une généralisation de l’opposition citoyenne à une légalité qui ne sert toujours qu’une minorité de privilégiés au détriment des classes populaires (je sais, ça sent la naphtaline, mais j’adore ces senteurs surannées qui m’évoquent encore le souvenir nostalgique de mes rêves de puberté politique), oui il est heureux qu’Abertzaleen Batasuna semble réfléchir très concrètement à la mise en place d’une telle stratégie de masse pour revendiquer autre chose que le département. Mais pourquoi bredouiller encore et jouer les timorés au prétexte de mettre les gens en confiance. Les gens ne sont pas TOUJOURS cons, parfois ils ont habités de furtifs éclairs de lucidité. Je vous jure que c’est vrai bien que cela paraisse relever de la magie, de l’inexplicable. Les gens parfois ont la perception de la réalité et savent discerner ce qui est bien de ce qui est dangereux, désagréable ou tout simplement mauvais pour eux. Ils préfèrent parfois choisir l’illégalité, si toutefois la remise en cause de leur confort matériel est proportionnée à l’inconfort généré parfois par une légalité qu’ils ne veulent faire leur . Dingue, non !… A moins qu’ils ne soient le dos au mur ou au ras de la falaise (si on habite sur la côte) et qu’alors ils n’aient réellement plus le choix. La magie là serait de susciter une collectivisation de ces désespoirs individuels, collectivisation qui comme on ne l’a pas oublié sait seule rendre l’espoir aux masses. Hum ! Et là je ne plaisante pas. Bref, à quoi bon ménager la chèvre, le chou, le piquet et la corde alors que, dans le fond, on n’a qu’une seule envie : arracher tous ensemble et dans la bonne humeur toutes ces foutues plantations de maïs transgénique en faisant la bisque aux bleus, aux juges et à tous ces foutus barbelés dans nos prairies à nous qu’on a !
Bon, va falloir que j’en recause de cette nouvelle stratégie à eux qu’ils ont, les militants d’AB. Là je regrette un peu mon inertie. Un peu beaucoup même. J’espère qu’ils m’offriront d’aussi bonnes occasions de m’intégrer à une « lutte de masse qui rue dans les brancards ». Ce n’est pas bon pour mon transit de vivre avec des frustrations, d’autant que, dimanche en fin d’après-midi, à Hendaye, j’ai loupé mon rencard avec les potes et je n’ai pas osé boire un coup tout seul. Je me démerde vraiment trop mal en espagnol…
Le plébéien bleu
17:00 Publié dans politique | Lien permanent | Commentaires (0)
mardi, 29 mars 2005
Le cauchemar de Darwin
Cela aurait pu être un «documentaire de plus» sur l’Afrique, le sida, la malnutrition, l’exploitation des famines, les enfants errants, sur les dégâts collatéraux de la mondialisation quoi ! Sur les guerres et ceux qui en vivent, le commerce des armes, l’exploitation de toutes les misères du monde et j’en passe des ressassées mais néanmoins plus dérangeantes que jamais. Là je pense à certaines réactions de spectateurs (les désabusés chroniques sont encore largement minoritaires heureusement) à la sortie de la soirée de vendredi dernier au cinéma l’Atalante de Bayonne : «le film ne nous apprend rien, tout cela on le sait déjà». Peut-être. Mais alors quel aigre constat d’échec, d’impuissance face à la misère du monde, à l’exploitation et à toutes les injustices ! Alors dans ce cas, à quoi bon continuer d’aller au ciné, à quoi bon allumer sa radio ou sa télé (à ce propos, saviez-vous que, du 2 au 9 avril, une semaine sans télé est organisée par les antipub ?… mais là je digresse), à quoi bon surfer sur internet pour s’informer tous azimuts sur la complexité du monde, à quoi bon ouvrir tous les jours son journal, à quoi bon s’abonner à Ekaitza ? Bref, apparemment je n’ai pas vu le même film que ces incorrigibles je-sais-tout. Cet admirable documentaire n’a pas été primé partout par hasard. Je me permets de le souligner même si le plus souvent je ne me limite pas aux recommandations des «experts». Son tout autant génial que quasi-inconnu réalisateur autrichien, Hubert Sauper, nous offre probablement là son œuvre la plus marquante. Dérangeante. Explosive. Moi qui me targue d’être plutôt blindé et peu impressionnable, j’ai pris un grand coup de poing dans l’estomac, à l’instar des près de 180 personnes présentes dans la salle ce soir-là, un uppercut précis et très appuyé à l’épigastre qui m’a complètement coupé le souffle et secoué les neurones dans le sens où ça rend intelligent et hypersensible. Il m’aura fallu du temps pour recouvrer mes esprits après ce si violent choc des images, pour savoir redonner tout leur vrai poids aux mots qui expriment les maux, mais ça revient, la conscience surnage après ce tsunami d’émotions fortes et autour de la bouée nous sommes des dizaines et des dizaines, tous les spectateurs témoins et désormais acteurs de cette exceptionnelle soirée inventée par la révolte de Ramuntxo (irremplaçable directeur de l’Atalante et de l’Autre cinéma). Le titre en français tout comme l'affiche du film.jpg expriment du plus clairement qu’il soit le cauchemar dont il nous faut sortir, la spirale infernale qu’il nous faut enrayer. Nous tous, spectateurs-citoyens du monde, nous voici à notre tour révoltés. Et putain que ça fait du bien ce genre de révolte-là où on sent que l’on peut faire quelque chose, que l’on doit faire quelque chose ! La perche du Nil ? Vous avez entendu parler de la perche du Nil ? Non ? A l’étal de votre poissonnier, dans votre supermarché, il y en a partout, c’est pas cher du tout, et très bon parait-il. Il n’y a pas d’arêtes (vraiment génial pour les enfants, donc) et sa chair tient idéalement à la friture sans avoir besoin de fariner. La trouvaille génétique du siècle, en plus ça permet de faire vivre ces pôvres petits Africains… A part que, hum, c’est la pire saloperie qui soit, le truc à boycotter de toute urgence, à vomir dans l’instant si il vous en reste dans l’estomac. La campagne de boycott est déjà lancée, des responsables de supermarchés de la côte ont déjà consenti à la retirer de leurs rayons. Nous ne pouvons pas accepter que L’Europe des marchands organise ce deal de l’enfer : des armes et la mort pour les enfants de l’Afrique contre des poissons prédigérés pour les nôtres. Ce film, il faut que nous soyons un maximum à le voir. Classé par son directeur comme «documentaire d’Utilité Publique», l’Atalante le programmera encore plusieurs semaines, ne le loupez sous aucun prétexte et surtout, parlez-en autour de vous !
Robinson Crusoé
18:45 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 27 mars 2005
Affection pathologique
Aberri eguna, jour de la patrie, jour des pas-tristes qu’on disait quand on était jeunes. Oui, j’allais oublier de préciser pour les yeux in-avertis (à force d’être entre soi on finit par oublier complètement d’essayer de se faire comprendre) que ça se passe au Pays basque. Des deux côtés de la frontière, au nord où ça cause très-très majoritairement french, et aux suds (concernant le Pays basque on peut aisément conjuguer le sud au pluriel, mais je ne vais pas d’entrée tout compliquer, hein, alors je fais provisoirement l’impasse sur cette précision, provisoirement dis-je), au sud donc où la langue de Cervantès roule des pelles d’enfer à celle d’Iparraguirre puisque le bilinguisme est tout ce qu’il y a de plus légalisé et officialisé. Je remonte juste à Iparraguirre pour identifier culturellement la langue basque (mais il est à mon humble avis loin de figurer la meilleure référence pour tendre à l’universalité, quoique…) car cela nous situe à la même époque que celle de Sabino, le père fondateur du nationalisme basque et donc de l’idée de patrie et de fête qui va avec. Si, au sud, les premiers Aberri eguna remontent au début des années 30 (avec une énorme parenthèse d’interdiction totale durant toutes les années franquistes), en Pays basque nord il aura fallu attendre l’année 1963 et ensuite la fin des années 70 pour que cette célébration patriotique acquiert une certaine légitimité faute de légalité institutionnelle. Bref, je n’ai pas ouvert mon logiciel Word pour rédiger un article historique mais seulement, hum… disons une courte note impressionniste à teneur plus personnelle que politique. Si j’ai un peu plus la forme demain, et encore les boules sur ce même sujet, peut-être que j’y reviendrai plus longuement. Oui, donc, disais-je, les Aberri eguna ça serait en quelque sorte la fête nationale des Basques. Pour les Français qui me lisent, je serais tenté de comparer à un 14 juillet mais sans les estivants ni le Tour de France , avec, en plus, ou plutôt à la place du défilé militaire du matin à la télé, des petits rassemblements militants par tribus, chacun derrière son mégaphone et dessous sa banderolle-perso, histoire de clamer haut et fort à la face du monde qui s’en fout, hum… de clamer quoi au juste ? Dios ! j’ai déjà oublié la teneur essentielle et fondamentale des fractures définitives qui émiettent chaque année davantage l’envie de patrie, de liberté, de solidarité, de gauche et de toutes ces révolutions permanentes qui fleurissent au printemps dans le cerveau des êtres humains. Oui ça me revient, ce midi, à Hendaye, l’orateur a conclu son discours par un des vœux pieux les plus traditionnels (et donc désormais traditionalistes) en Pays basque : « nous devons œuvrer tous ensemble pour que l’année prochaine nous puissions enfin tous ensemble célébrer tous ensemble un Aberri eguna unitaire pour tous, ensemble… Là j’ai traduit en français. En basque il insistait davantage sur le côté « unitaire » que sur le « tous ensemble », mais comme moi le « tous-en-sable, tous-en-sable, ouais, ouais… » me rend beaucoup moins triste, je m’autorise une bien innocente malhonnêteté, mais, bon, le sens demeure… et ça ne sonne pas plus juste. Dommage !
Aberri eguna, journée des patriotes, jour des pas tristotes : 20 ans après, l’envie de lutter n’est pas encore définitivement émoussée, heureusement. Pour fêter ça je m’en vais de ce pas boire un coup avec les potes. Bon, comme il pleuviote je ne vais pas prendre la route d’Irouléguy, même si « l’action ne présente aucun danger », mais retourner à Hendaye (il y a potes et potes). Quoiqu’il en soit je m’y sentirai très probablement moins mal à l’aise.
Désaffection qu’il disait, le gars, dans l’édito d’Ekaitza !
Oui, encore un pluriel bien singulier.
Aberri eguna = affection de la patrie. Affection pathologique aussi je le crains. Putain que j’aimerais pouvoir aimer et me battre pour cette patrie sans me noyer dans le nationalisme !
Je suis un gars si affectueux, moi.
Merde ! Il repleut.
Le plébéien bleu
17:40 Publié dans politique | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 25 mars 2005
Western indomptable
Grosses vestes et casquettes de cuir noir, très connotés States des années soixante, deux cops très ordinaires manifestement, très blancs et transpirants, bondissent d’une jeep qui vient de s’arrêter dans un nuage de poussière grise face à un rocher barrant le chemin à peine carrossable pour ce véhicule dont la modernité, quarante années plus tard, nous étreint de nostalgie sur pellicule monochrome. D’un geste large et symétrique, franchement coordonné par la mise en scène, chacun lance au loin, de part et d’autre de cette frontière, une si symbolique et envahisseuse canette de coca-cola. La traque est lancée. Le fugitif court dans la montagne : un cow-boy, un vrai de vrai, tirant derrière lui une si sauvage et magnifique jument noire à la longue crinière blanche. Un authentique cow-boy, symbole universalisé de l’Amérique et de son rêve de liberté individuelle sans entrave. Le dernier cow-boy très certainement. Le dernier homme résolument libre d’une époque révolue… En gros plan sur l’écran géant, c’est bien sa fossette au menton devenue mythique. Ses yeux lumineux. Qui mieux que lui aurait pu incarner ce rêve désespérément en fuite ? En embuscade, son fusil winchester vise le rotor de l’hélicoptère qui cherche à le débusquer. L’oiseau de malheur et d’acier est touché, le rêve perdurera encore quelques minutes dans ce ciel si bleu et si pur en noir et blanc, quelques minutes encore avant d’être assassiné par le « progrès » qu’on n’arrête pas, effacé du macadam par une pluie torrentielle. Kirk Douglas ne se rendra jamais, c’est lui l’insoumis, celui qui refuse toutes les barrières dans la prairie tandis que des avions à réaction tracent les nouveaux barbelés dans leur sillage stratosphérique… Confortablement enfoncés dans nos fauteuils, nous venons de franchir avec eux le sas intemporel entre le monde des camions et des autoroutes… et le Western. Oui, nous voici en plein Western majuscule. Tout est atypique et paradoxal dans ce film… dans ce chef d’œuvre.
Je me souviendrai longtemps aussi de ce shérif entre deux époques qui, entre l’ordre des commerçants et des juges et la liberté d’un chient errant, choisira de sourire encore à la « déraison ». Merci Monsieur Walter Matthau. Merci Monsieur le lonesome cow-boy, merci Monsieur Kirk Douglas pour ce superbe et inoubliable western pour lequel vous vous êtes tant battu.
Même si Acme l’aura emporté à la fin, provisoirement me plais-je à affirmer, par défi, merci Ramuntxo, merci Guy*, votre cinéma continuera encore longtemps de nous offrir espoir et beauté. Un grand film ça ne se raconte pas, ça se voit et ça se revoit.
Robinson Crusoé
* Guy, distributeur des films Actions Gitanes qui nous a déjà offert Le Tramway nommé désir et Reflets dans un œil d’or… et offrira encore aux spectateurs de l’Autre cinéma, nous l’espérons, de nombreux joyaux cinématographiques.
13:05 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0)
Omagh, victimisation...
...et bons sentiments
Après plus d’un quart de siècle d’un conflit politique «inex- tricable» exacerbé par l’occupation militaire britannique, pour la première fois, tous les principaux belligérants se sont engagés depuis quelques mois dans un réel et crédible processus de paix … peut-être même se reprend-on à rêver d’insouciance jusque dans les rues commerçantes d’Omagh, en Ulster. Il est 15 h 10 ce 15 août 1998 lorsqu’une voiture piégée explose au milieu de la foule. Vingt-neuf morts. Des centaines de blessés. De loin le plus sanglant attentat perpétré par la résistance irlandaise. Oui, en effet, c’est une fraction dissidente de l’IRA (manipulée par les services secrets selon certaines sources) qui revendiquera l’action meurtrière et par la même signera son arrêt de mort politique (celui de la dissidence), sans heureusement parvenir à faire tout de suite condamner l’espoir d’une solution pacifique. Voici pour le contexte historique qui inspire l’œuvre cinématographique, Omagh, le film de Pete Travis actuellement diffusé au cinéma l’Atalante de Baiona. Un film « poignant et essentiel » affirme la Gazette de l’Atalante. Peut-être presque trop « poignant et essentiel » même, tellement l’adhésion totale et entière du spectateur semble évidente, inévitable, quasi-obligatoire sous peine de Dieudonnéisation (autre manière moderne de l’excommunication) du critiqueur. Omagh, le film, aux yeux de ce critiqueur-là, s’avère avant tout une construction artistique de très grand talent pour déconstruire les fondements de la Justice dans une société où le droit des victimes devient désormais une religion. Religion qui, bien sûr, a su bannir la vengeance de son dictionnaire politiquement correct. Mais qui, avec Michael Gallaguer (le père d’une des victimes, président « admirable » de pondération de l’association des victimes) réclame «la mise hors d’état de nuire des responsables de l’attentat, de leurs financeurs et de tous ceux qui les soutiennent, de près ou de loin» au nom d’une certaine vision de la justice (sans plus rien de majuscule désormais)… qui ressemble quand même beaucoup à certaines « chasses aux sorcières » menées en Euskal Herri par un certain Balthazar Garzon au nom d’une semblable «justice-aux-victimes». Paul Greengrass, le réalisateur de Bloody Sunday, précédente «oeuvre de mémoire» toute aussi «poignante et essentielle» (film désormais culte à l’instar de la chanson de U2) a co-écrit le scénario d’Omagh. En osant critiquer celui-ci, donc, on devrait se souvenir avoir encensé (ou presque) celui-là. Mais il est cette fois une différence essentielle entre les deux traitements d’une même poignante «œuvre de mémoire», les «assassins» désignés (et leurs complices) n’ont cette fois plus le droit de se défendre par le biais de l’alternance des images de reporter caméra à l’épaule. C’est ainsi que Greengrass se met cette fois à déconstruire la Justice tout en prétendant seulement rechercher la vérité aux côtés de son héros « justicier ». En filigrane, le critiqueur que je suis a même cru comprendre que le processus de paix pourrait être l’empêcheur de rendre la justice en rond de jambes aux victimes que, potentiellement, parait-il, nous pourrions tous être. Et la boucle est ainsi bouclée sur la plus cinématographique des politisations sécuritaires…au nom de la justice : Sympa Trique serais-je tenté de conclure à l’irlandaise.
Robinson Crusoé
09:15 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0)