« 2005-05 | Page d'accueil
| 2005-07 »
mercredi, 08 juin 2005
La médiature du cercle fermé
La forfaiture
Dimanche 29 mai 2005, 55% des Français se prononcent contre la ratification du Traité Constitutionnel européen.
Lundi 6 Juin 2005, la nouvelle ministre française des affaires européenne, Catherine Colonna, déclare officiellement que la France trouve souhaitable que la processus de ratification continue.
C'est apparemment ce qu'on appelle représenter son pays. En d'autres temps, on appelait ça un crime de haute trahison.
Alors que la médiature fait mine de s'inquiéter du fossé qui la sépare de plus en plus évidemment de l'écrasante majorité des Français, alors qu'elle tente par tous les moyens de justifier ses privilèges et sa morgue par des pseudo-analyses consternantes d'aveuglement sur les résultats du référendum, et soulage ses angoisses charlatanesques par l'annonce des remèdes en peau de lapin qu'elle ne croit même plus de taille à endiguer la Colère que son assourdissant mépris fait mûrir depuis des années, sa bêtise fondamentale est entrain de solder les comptes de la démocratie, et elle ne s'en aperçoit même pas.
La médiature : je n'ai trouvé que ce terme pour désigner le conglomérat de privilèges économiques, politiques et surtout médiatiques qui rassemble ce qui s'auto-proclame encore les "élites" de notre pays (et de la plupart des pays d'Europe occidentale) : une grande majorité des élus des collectivités territoriales, nationales et des instances de l'Union européenne en font évidemment partie, mais également la plupart de leurs techniciens-technocrates, des haut fonctionnaires et bien sûr l'écrasante majorité des "communicants" de tout bord qui jouent sans cesser à renvoyer la balle en attendant que l'ascenseur revienne, sondeurs, marketeurs, publicitaires, journalistes.
La médiature n'est pas innombrable, et elle est unie dans une suffisance d'elle-même qui dépasse largement ses clivages économiques internes et ses divergences de méthodes et quelquefois idéologiques. C'est elle qui nous repaît depuis des années d'une "opinion" dont elle ne dissocie plus la mesure de la fabrication, qu'elle saucissonne par pragmatisme en "segments" et autres CSP qui salopent l'esprit et désespèrent le cœur. C'est elle aussi qui nous repaît de "Démocratie" sans jamais questionner ni le concept, ni les moyens mis en œuvre par la République pour le réaliser, ni surtout l'adéquation du fonctionnement réel de nos institutions et du pouvoir en général avec le premier principe de la démocratie, celui de la délégation majoritaire du pouvoir des citoyens à leurs représentants et de la légitimité de ceux-ci en tant qu'ils agissent conformément à ce mandat.
En omettant depuis les temps déjà lointains de l'utopie fondatrice de questionner et d'évaluer régulièrement le concept et le fonctionnement de la démocratie, la médiature, dont le règne se confond à peu près avec elle, a d'abord imposé le principe démocratique comme meilleur (jusque là on peut être d'accord, Monsieur Churchill), puis comme seul principe possible de gouvernement d'une société. Puis, plusieurs guerres récentes dont celle d'Irak en sont le résultat, comme fin en soi, épuisant du même coup sa fragile nature dans cette aporie qu'il est dès lors possible d'imposer la démocratie à un peuple.
Pendant les quelques semaines où, la médiature prenant soudain la mesure de la rébellion inattendue de la majorité des Français, elle fit assaut de toutes les intimidations, de tous les anathèmes, de tous les trucages et de toutes les divisions pour tenter d'endiguer la vague du NON, c'est en même temps cette évolution du principe démocratique vers sa fin qu'elle consacrait, vidant le concept de ses dernières forces en ne cessant de l'invoquer pour mieux le ternir, et d'une façon d'autant plus définitive qu'elle s'y employait devant ce peuple même qui l'avait fait renaître.
Les Français ont majoritairement dit NON à la ratification du traité constitutionnel. Au lieu, comme on l'attendrait, que nos représentants s'emploient à faire respecter par l'Union cette décision pourtant très claire, on nous propose des emplâtres à base de priorité à l'emploi et de remaniement ministériel bidon, pendant que nos analystes appointés se font frissonner le clapoir sur le thème "ne serions-nous pas en situation pré-révolutionnaire?". La trahison patente et assumée de la dernière volonté démocratique de ce peuple par un Président de la République en état de forfaiture sonne bel et bien le glas de l'espérance démocratique. Il reste à espérer que le peuple Français trouve dans la force et la patience de son histoire la volonté de construire, par-delà la tempête qui s'annonce, des lendemains qui ne désenchantent que ceux qui l'auront poussé à bout.
Serge Rivron, le 7 juin 2005
10:05 Publié dans politique | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 06 juin 2005
Mon Pays basque bisque rage !
Idigoras est mort,
pas moi !
D’une manière générale, le ouèbe se fout bien pas mal du Pays basque. Ce vendredi 3 juin, sur le ouèbe francophone, je n’ai trouvé que deux sites suisses pour rendre compte du décès de Jon Idigoras. Hormis, bien entendu, les sites basques engagés. Toute la France se fout bien des emphysèmes emportant à 69 ans les militants et patriotes basques ; à droite ou à gauche, en haut ou en bas, le citoyen internaute de langue française n’avait peut-être même jamais lu ou vu quoi que ce soit concernant cet homme à l’abord bourru mais chaleureux. En fait, très probablement, de ce côté-ci du «clavier azerty», je dois être le seul à avoir songé à mettre les drapeaux en berne en guise de deuil. J’espérerais bien un démenti, mais, malheureusement, il n’y en aura pas… Drôle d’idée tout de même que de se mettre en berne pour Jon Idigoras, que de se proclamer en deuil ou de décréter, heu, disons au moins trois quarts d’heure de bordel tonitruant mais respectueux en son honneur.
Le pire c’est que ça ne l’aurait même pas amusé, tout le contraire même, peut-être, je ne suis pas sûr… peut-être qu’en vieillissant, hum, je ne sais pas, peut-être ? Bref, ce n’est pas que je cultive une quelconque affection à l’adresse de Jon Idigoras maintenant que le voici mort, guère plus que de son vivant, mais encore sous l’émotion de l’annonce de sa disparition j’ai bien envie de l’inscrire à mon Panthéon privatif. Un Panthéon dont je n’avais encore jamais causé à quiconque, tout du moins en ces termes. Probablement parce que je n’avais pas même la conscience de sa possible existence. Peut-être n’est-il que furtif ? Ou virtuel ? Ça serait bien la mode ici ! Toujours est-il qu’il n’a qu’un seul étage et pas de vitrine, pas le moindre parking souterrain, ni catacombe, et surtout aucun ascenseur. L’échafaud n’est pas aboli dans la rancœur et la haine des anti-basques, alors gaffe. Mon Panthéon à moi que j’ai aujourd’hui, il est en rez-de-chaussée et sans même un toit à se mettre sur le cadavre. Quasi-pathétique. En fait, Jon Idigoras, je l’ai très peu connu personnellement. Et pas du tout intimement. Pour ceux qui ne le connaissent pas du tout, ni de près ni de loin, et je vous suppute majoritaires parmi les lecteurs du plébéien bleu, j’ai mis en liens quelques sites causant de lui, de sa vie, son œuvre, tout ça. La plupart sont en espagnol, désolé ! q:o/ Voilà… que disais-je ?
Oui, assez pathétique ce souvenir dans ma mémoire toujours aussi confuse (un de ces quatre il faudra que je tente d’analyser les troubles récurrents de ma mémoire, psy-machinchose range ton portefeuille, c’est la mienne !), pathétique cette image où il tient le bout du comptoir à la Conso, entouré de sa garde rapprochée, entre deux attaques du GAL, un verre de Montilla à la main. J’interprète son regard dans le mien comme animé par la haine, et moi je baisse les yeux. Ça serait vraiment très long à expliquer tout ça, tout ces sentiment contradictoires qui m’habitaient alors et me visitent encore cycliquement. Lui, le député de Herri Batasuna, il était bien entendu une cible de choix pour les tueurs appointés par le terrorisme d’État. Moi aussi, à l’époque, j’étais menacé par ces mêmes porte-flingues, tout du moins me le figurais-je en faisant quotidiennement et paranoïaquement le tour de mon véhicule chaque fois avant d’y monter. Nous participions ensemble aux mêmes manifestations de dénonciations, aux mêmes obsèques à répétition. Pour les ennemis du peuple basque, nous figurions sur la même liste des gêneurs à abattre, lui en tête, moi en queue, mais au-dessus de sa moustache-barricade, ses yeux me mitraillaient chaque fois qu’ils me voyaient. Les miens l’ont-ils aussi mitraillé par défi et par dépit, je ne le sais plus ? Peut-être. Qu’importe ! Il est décédé ce vendredi 3 juin sans que je n’aie jamais eu la chance de lui serrer la main.
Cette année, manifestement, j’ai un réel problème avec mes deuils. Je ne sais pas les identifier. D’aucuns penseraient que je fais ici le deuil de ma jeunesse perdue ou de mes idées politiques patriotiques et basques… et révolutionnaires… et rouges, oui, et rouges. Que nenni. Le rouge c’est aussi la couleur des enragés et le plébéien bleu est aujourd’hui tout rouge de cette rage qui lui donne si bon teint. Oui, j’enrage parce que Jon Idigoras est mort, et le peuple basque est bien loin d’être libéré, émancipé, autodéterminé, indépendant, ou comme on voudra, mais je crains que les choses n’aient guère avancé politiquement en Pays basque ces vingt dernières années. La déchirure au sein de notre peuple est plus large que jamais, les plaies encore plus profondes et nombreuses, le peuple espagnol nous hait comme jamais et les Français nous ignorent de plus en plus ostensiblement, ou alors si ils ne nous ignorent pas, ils font comme les Espagnols, ils nous haïssent.
J’enrage d’impuissance. Même entre Basques nous continuons à nous entre-haïr et pas souvent cordialement. Là non plus, les choses n’ont pas avancé. Et j’ai même peur que des dizaines de milliers d’Idigoras mitraillent encore du regard des dizaines de milliers d’anti-Idigoras qui le leur rendent bien. Et même dans le dos, comme des lâches, eux… Et pire encore que tout, je me dis que ce sont finalement tous ces milliers de deuils virtuels qui ont obscurci et obscurcissent toujours et peut-être encore pour des décennies l’horizon si verdoyant du Pays basque des poètes. Putain, où ai-je foutu cette maudite gomme à déterrer les vivants, où ai-je mis cette volonté gramscienne d'optimisme qui seule sait tempérer le pessimisme de la raison, tout ça, patin couffin ? J’enrage. Ils étaient des centaines de milliers d’Espagnols à manifester à Madrid pour que l’on continue à bouffer du Basque ad vitam aeternam et jusqu’à ce que mort s’en suive. Et Idigoras est mort. Merde ! Y’en a marre !...
J’aurais bien bu un Montilla, mais on n’en trouve plus de ce côté-ci de la frontière. Désolant.
Le plébéien bleu
20:55 Publié dans digression, écrits sur fond bleu, politique | Lien permanent | Commentaires (3)
La nouvelle Jument bleue at home
Miroir, miroir, dis-moi laquelle est la plus belle, la Nouvelle ou l'Ancienne ?
Le chevalier bleu
12:45 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (1)
samedi, 04 juin 2005
Il faut canonner* l'abbé Tise !
À l’occasion d’un des nombreux micros trottoirs qui auront ponctué la campagne référendaire, sur France Inter que je persiste (on se demande bien pourquoi) à écouter régulièrement à l’heure des infos, un journaliste dont je n’ai pas noté le nom (qu’il m’en soit fait excuse) avait tendu le sien (de micro) à un certain Henri Grouès, originaire de Lyon selon ses biographes. Le plus du tout alerte nonagénaire (je l’ai également vu sur une quelconque chaîne de télévision, France quelque chose, et logiquement il aurait dû m’inspirer quelque compassion charitable, ou quelque chose dans le genre, eut égard à son délabrement physique si avancé, mais non, ça serait même plutôt le contraire et c’est de ce contraire que je veux causer ici) interrogé à propos de son appel à voter Oui au TCE déclarait, péremptoire et catholique : «À ce moment de l’histoire de France et du développement de l’Europe, si je disais Non, je me sentirais comme faisant une mauvaise action». Bon, là, très franchement, quand j’ai écouté ça depuis ma douche, je m’en suis foutu plutôt allègrement (il m’arrive de chanter sous la douche, et même de danser sous la pluie, et pourtant je ne suis pas la réincarnation de Franck Sinatra croyez-moi). Vala. Mais quand il a ajouté «je resterai vigilant pour que les pauvres de l’Europe soient servis les premiers», là je n’ai pas su résister, j’ai fermé le robinet et éclaté de rire. Y’en avait partout, pire que dans Psychose (j’aime beaucoup rire sous la douche aussi). Bref, ça c’était l’avant, et il y a eu un après, bien entendu, un micro trottoir ça revient toujours sur les lieux du crime, c’est connu. 55 % de Non dans leurs gueules plus tard, la voix éraillée et chevrotante crachotait à nouveau péniblement dans le haut-parleur de mon radio-réveil cette fois. Au petit matin, à même pas onze heures, je vous dis pas l’effet érectoire. Et là, le très vieil impotent préféré des Français chialait quasiment de dépit et de désespoir mélés. «Ce sont les pauvres qui vont payer» prophétisait-il de malheur. Et puis il a dit aussi quelques autres conneries du même tonneau, mais je n’ai rien noté, comme d’hab’, il a insulté les citoyens du Non en voulant tous les fourrer dans l’escarcelle au facho officiel de la République. Et moi «merde» que je me suis dit, «il va se faire canonner avant la dernière heure cessetui-là, et pas par Benoit XVI». «Facho de mes deux toi-même, c’est-celui-qui-dit-qui-l’est !»...
J’ai parfois des réveils virtuellement violents. Virtu-el-le-ment, virtu-el-le-ment, France Inter est allemand…
Le plébéien bleu de colère
* j'ai bien voulu dire "canonner" et non pas "canoniser", ça me vaudra sûrement l'enfer et la damnation, mais je ne sais pas dans quel ordre : Villepin ou Sarkozy en premier ?
17:00 Publié dans digression | Lien permanent | Commentaires (3)