Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Merci de nourrir les poissons en mon absence

vendredi, 26 août 2005

Dopo Mezzanotte :

Hommage du cinéma au cinéma

 

Un piccolo gioiello*

 

Gorgio Pasotti et Francesca Inaudi

Imaginez un film qui se déroulerait à l’intérieur d’une toute peti- te pièce de monnaie, une pièce de 2 cents d’euro italienne, sur l’avers, plus précisément. Sur l’emblématique tour turinoise, le Môle d’Antonelli, une suite de panneaux avec de drôle de chif- fres, c’est la fameuse «suite de Fibonacci». Cette tour d’où Amanda contemple la ville qu’elle semble ne pas reconnaître --et ce n’est absolument pas un hasard de la mise en scène mais dans cette tour réside toute la portée symbolique de ce petit joyau de film, le Môle accueille désormais le «Musée national du cinéma»--, c’est le domaine de Quasimodo, un Quasimodo ita- lien bien évidemment, donc forcément beau. Forcément beau et poète, Martino est le gardien de nuit du musée. Avers de la pièce italienne de 2 cents d'euroSon Esméralda, il l’a filmée à la sortie du bus qui la mè- ne travailler, puis derrière la vitre du fast- food où elle attend tous les soirs de pou- voir fermer la boutique juste avant minuit, l’heure fatidique à laquelle son bus du re- tour sera le dernier, il l’a filmée partout où il peut la voir vivre afin d’en faire l’hé- roïne de son film qu’il fabrique à petits coups de manivelle de cette machine à remonter jusqu’à ce temps originel où le cinéma n'avait pas besoin de paroles. Dopo Mezanotte c’est avant tout une très jolie histoire d’amour et de cinéma et de jeunesse et d’espoir et d’Italie du nord et du Monde en 2004, tout ça de par la magie du format Panavision qui permet encore de rêver les yeux grands ouverts dans un fauteuil de cinéma. Dopo Mezzanotte c’est aussi un Ange qui passe -–et qui meurt forcément à la fin-- dans le vacarme de nos vies. Dopo Mezzanotte est le petit bijou cinématogra- phique de cette rentrée à l’Autre cinéma. Imaginez ! Imaginez un cinéma ouvert après minuit sur une berge de l’Adour ! Et des bus urbains circulant toute la nuit ! Imaginez que c’est vous le héros du film et que vous embrassez votre amoureuse au sommet de la plus haute tour de la ville ! Plus besoin d’imaginer que vous êtes Buster Keaton !... Imaginez que le nombre des entrées suive la logique de Fibonacci et qu’il fasse de 0, 1, 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, 34, 55, 89, 144, 233, 377, 610, 987, 1597, 2584, 4181, 6765, 10946... spectateurs ravis et charmés, en toute lo- gique, pour saluer et goûter ce si poétique hommage du cinéma au cinéma !

Imaginons !

 

Robinson Crusoé

 

*un petit bijou

16:15 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0)

lundi, 15 août 2005

À la poursuite des poupées russes

Vacuité toi-même !

 

Je ne tenais pas particulièrement à le voir. J’étais même un peu étonné que Ramuntxo le programme à l’Atalante. En fait, pour- quoi étais-je étonné ? Vaste question quasi-existentielle pour moi, le cinéphile autoproclamé, pour le cinéma en général, pour les salles art et essais et pour mon ciné préféré en particulier. Cette question --que je n’ose ici formuler clairement-- s’inscrit peut-être dans une interprétation intuitive des propos qu’a tenu ici le programmateur passionné et passionnant sus-nommé... Mais je serais très probablement amené à en reparler, vite, la campagne pour les adhésions et ré-adhésions de l’association gestionnaire, Cinéma et Cultures, commence. Bon, bref, Les poupées russes, le film de Cédric Klapisch, je l’ai vu hier après-midi et j’ai vraiment, vraiment, beaucoup, beaucoup aimé.

Cécile de France et Romain Duris : 2 très bons acteurs

Vala. C’est clair et net, presque concis. J’ai même adoré. Ouais, quasiment tout du long, j’ai pris beaucoup de plaisir. Peut-être, à un moment donné, je ne sais même plus quand exactement, ai-je eu une impression de longueur, furtivement, mais c’est très vite passé (25m x 25m x 250m), impression tout de suite diluée dans un éclat de rire que j’ai eu tant de plaisir à laisser fuser comme pour provoquer en exhibant sans retenue ma joie. Joie de vivre, je veux dire. Oui, la joie de vivre, c’est de ça dont il s’agit dans cette quête permanente de l’amour à l’inté- rieur de l’amour qui cache l’amour en attendant (espérant) le prochain (pourvu que ce ne soit pas le dernier !... et en même temps, pourvu que ce soit LUI, le Vrai, l’Entier, l’Absolu, l’Amour de ma Vie !), l’amour suivant qui n’efface pas le précédent mais qui se trouvait à l’intérieur, le suivant à l’intérieur du précédent comme dans une bien étrange poursuite gigogne. Le Xavier interprété par Romain Duris, je l’ai trouvé tout ce qu’il y a de plus euphorisant avec ses 30 ans qui sont là, juste au bout de cette rue trop droite, trop carrée, trop perpendiculaire, trop symétrique, trop académique, fasciné par la démarche chalou- pée de la plus belle fille du monde. Non, je ne vais pas raconter le film même si j’en meurs d’envie, histoire de retrouver la ba- nane que m’aura offerte Isabelle (interprétée par la géniale Cécile de France) et la dévorer à nouveau par les deux bouts en même temps. à pleine dents comme on mord dans la vie parce qu’un chiffre inscrit à rebours sur une échelle nous fait flipper. C’est immanquable, obli-ga-toire, tout le monde flippe de se voir, de se savoir vieillissant. Et là moi j’ai pris un grand bol de cette vie qui anime les maxillaires, désengorge la glotte et remplit les poumons. Je ne suis vraiment pas du genre à bouder mon plaisir et quand je suis VRAIMENT content… eh bien je pourrais mordre ceux qui veulent gâcher mon plaisir, ma joie. Ouais, je pourrais mordre Jean-Marc Lalanne, critique ci- néma aux Inrockuptibles et Emmanuel Burdeau, son homologue des Cahiers du Cinéma. Bon, OK, c’est un peu facile de vouloir se défouler ainsi mais la facilité n’effraie pas un plébéien bleu et puis ces in-disants culturels mériteraient bien un de ces jours d’être jetés en pâture à une populace déchaînée après la dé- faite de Zinédine Zidane face à Yannick Noah par exemple. C’est juste un exemple, il pourrait bien y avoir un million d’au- tres raisons de condamner les pseudo alibis intellectuels de notre cinéma intelligent à nous qu’on a : leur propre vacuité par exemple… ou leur non-existence tout simplement. Vala. Ça fait du bien à mon ulcère… N’empèche que c’est vachement beau St Pétersbourg !

 

Robinson Crusoé

samedi, 23 juillet 2005

Le coup d'éclat du grand soir

Dans les yeux clairs

de Maritxu



Il y a très exactement 15 jours (j’aime bien avoir parfois, com- me ça, des formulations journalistiques), je rédigeais une note pour exprimer mon enthousiasme suite à la projection de Les Yeux Clairs à l’Autre cinéma, mais en même temps pour re- gretter que nous n’ayons eu droit qu’à 4 séances et que, donc, pour mézigue, il s’en était fallu de vraiment très peu que je passe à côté d’un de ces si jolis films français qui se font mal- heureusement de plus en plus rares. Cette courte note, je l’écrivais sous la forme d’une lettre ouverte, d’une Supplique à Ramuntxo… Est-il encore nécessaire que je rappelle ici qui est Ramuntxo, mon programmateur de cinéma préféré, le directeur de l’Atalante et de l’Autre cinéma à Bayonne, très probablement l’un des meilleurs cinéma art et essai de la planète bleue ? Voici donc qui est rappelé, ou tout simplement précisé. Bref, Ra- muntxo était en vacances quand je lui demandais si il pouvait expliquer le fait qu’un si joli film puisse aussi vite disparaître des écrans sans même pouvoir donner une chance au bouche à oreille de lui offrir le succès qu’il mérite. Et là Ramuntxo est revenu et il m’a écrit, au plébéien bleu je veux dire, en privé, un courrier qui m’a beaucoup ému à plus d’un titre, mais là n’est pas le moment que je me répande sur mon émotivité génétiquement immuable, un très amical courriel que je choisis de reproduire ici dans la colonne des notes et non pas celle des commentaires, parce que ses explications, quoique s’adressant peut-être un peu trop spécifiquement à des initiés, méritent d’être lues par un maximum de passionnés de cinéma. Et com- me je suis convaincu que pour traîner ses yeux du côté de ce si joli blog tout bleu il faut vraiment être, aussi, cinéphile, je me dis que mes visiteurs ne seront pas non plus insensibles à son propos :

Salut, mon bon vieux Xan !

T'as toujours la patate, le mordant aux dents et la langue sur la clavier ! Et puis les yeux sur les toiles... T'es allé voir ce que j'avais de mieux à proposer ce (petit) mois-ci : un docu sur le Jazz, sic, et puis aussi El Cielito et pis Les Yeux d'Olga, pour qui je n'ai pas eu ceux de Chimène, me dis-tu ... Certainement... Quatre séances et hop, à la baye ! Oui, la loi du genre, malgré un prix Jean Vigo dont j'ai repris les termes publics dans ma présentation sur la Gazette.
C'est quoi, LES YEUX CLAIRS ? "Un film que j'ai conseillé en vain autour de moi puisqu'il est désormais impossible de le voir. Mmmm il est comme ça des moments vraiment difficiles dans la vie !" dis-tu sur ton site... "Ça, c'est mort..." pourrait aussi le qualifier, puisque cette expression est devenue l'expression la plus couramment utilisée entre exploitants de cinéma. "C'est mort", donc lire : "Bonnell, dégage ! T'encombres ! Tu gê- nes " ? Avec quoi, il gêne, le Jérôme ? Avec son film à 12 copies France ? Avec sa moyenne de 34 entrées par semaine et par copie depuis sa sortie ? Non... Il gêne pour autre chose, cer- tainement... Il gêne au milieu de ces gros films moisis qui se prélassent dans des abîmes d’épouvantable... Il gêne la tyrannie du rire organisée par des rejetons consanguins de Zidi au QI de betterave de cantine, rayonnants de bêtise solidaire... Il gêne pour son goût dans le gruau, peut-être... Il n'aurait pas dû me gêner, moi, à L'Atalante. Mais je l'avais point vu... Et aujour- d'hui, toujours pas... Et puis, le film, il n'est plus là... Normal... C'est-à-dire : dans la norme. On l'a flingué, le Bonnell, on l'a balancé... Un bijou, ça se montre, on y fait gaffe : on n'a jamais eu la possibilité de le voir avant sa sortie et je pense n'avoir reçu à son sujet aucun coup de fil du distributeur (je ne suis pas une star, mais tous les distributeurs connaissent les 15 salles en France qui passeront ce film)... Bonnell ? Premières balles ! Elles viennent du marché, et de nos espoirs déçus, de nos coups der- rière la tête, exploitants, distributeurs, producteurs... Mauvaise période, Bonnell : lui et son film, ils n'y sont pour rien, mais bon, ça a bastonné sec ces temps-ci. Et il a pris un coup au passage, lui aussi... Le problème n'est même pas de savoir qui a com- mencé les hostilités, entre blasés, cyniques, furieux ou plus cu- rieux : son film, il est allongé, là, je suis d'accord... Et je ne sais pas les relever, ces films. Je sais plus... J'ai su, mais je sais plus... Voilà... Pas la peine de réfléchir plus loin, Xan : Comment on fait ? Comment on dit ? J'ai pris des jours de vacances et ça s'éclaircit un peu... Il nous faudra un coup d'éclat, Xan... Je sais pas quoi, mais après une victoire, on se sentira plus forts, plus nets, plus précis. Et là, on appellera le Bonnell, on lui présentera nos excuses et il viendra faire un tour chez nous, promis... Mais j'attends le truc... Merci en tous cas pour ton appel. Continue...

Ramuntxo


Bon, mon toujours sacrément jeune et moderne Ramuntxo (au fait, je ne te l’ai pas encore dit, mais j’ai horreur que l’on m’ap- pelle «mon bon vieux» car je ne suis ni «bon» ni «vieux» ni «troglycérine») !
Je ne suis pas certain d’avoir tout bien bien compris dans ta let- tre. Mais, hum, ça m’arrive assez couramment quand je lis un peu vite tes éditoriaux dans la gazette, donc je relis et je relis encore, et là, cette histoire de «coup d’éclat», bon, après tout, toi-même tu dis que tu ne sais pas bien de quoi il pourrait s’agir… Et puis je suis aussi très surpris que tu «attendes», com- me si ce «truc» pourrait nous tomber du cielito ou je ne sais d’où ! Tu connais mon avis sur la question comme disait Mon- sieur Hontas, pour moi, ce «truc» ça sera la passion du cinéma que nous serons de plus en plus nombreux à vouloir diffuser. Le CINÉMA, le SI je le décide, le NÉ pour être libre et le MA passion que j’essaie d’exprimer sur fond bleu parce que c’est plus joli, je trouve. Tu vois, Ramuntxo, un moment j’ai cru que tu faisais allusion à l’éventualité d’un super génial film à succès pour la rentrée qui rattraperait à lui seul toutes les gamelles de l’année… Tu vois ! Là j’ai plein de titres qui me viennent à l’esprit… mais comment être certain qu’un seul pourrait être le bon. Celui qui sauvera le Cinéma et le Monde et boostera de façon expo- nentielle les entrées à l’Atalante et à l’Autre cinéma ? Si c’est vraiment à ce film-là que tu songeais, j’aurais peut-être une contre-proposition à te faire, d’ailleurs elle figure déjà depuis quelques jours, assez discrètement je l’avoue, dans mon dia- porama des films à voir en ce moment (là, en haut et à droite, tu vois ces images qui se succèdent toutes les deux secondes !). Un film qui s’intitulerait «Coup d’éclat» avec «Truc» et la ma- gnifique «Maritxu» (Gaby Sylvia) surtout au générique, tout en haut à gauche, disais-je. Clique donc sur l’affiche, ci-dessous, et tu entendras également un extrait du tube que deviendra très vite la musique du film.
l'écho répond : aiiiiiime aiiiiiiime

Ne crois pas que je me moque, que je tente ainsi de maintenir à distance respectable une certaine angoisse, non ! J’y crois. Je crois que l’audace paiera toujours. Et de l’audace cinémato- graphique, à Bayonne, tiens j’en vois déjà pas mal avec ces autocollants de Dig qui fleurissent partout, ce film documentaire sur le rock que tu programmeras tout l’été. Ramuntxo, moi je ne crois pas aux miracles, ni trop au hasard d’ailleurs. Par contre, la persévérance et la passion, je suis plus que jamais convaincu qu’elles seront forcément la trame essentielle du scénario de notre Victoire. Ou de notre Victoire. Il n’y a pas d’alternative à la vie et à l’intelligence.

Le plébéien bleu cielito



vendredi, 08 juillet 2005

Le film qu'on ne peut plus voir q:o/


Supplique à Ramuntxo



medium_les_yeux_clairs.jpg

C'est vraiment mon coup de coeur de ce début d'été, le Très Joli film de Jérôme Bonnell avec la délicieuse Nathalie Boutefeu et le si poétique Lars Rudolph. Les yeux clairs est sorti le 27 avril der- nier sur les écrans français mais nous ne l'avons eu que très tar- divement à Bayonne où Ramuntxo de l'Atalante ne nous l'a pro- grammé qu'à partir du 30 juin pour 4 petites séances, dont une seule à 21 heures. Vraiment pas une configuration pour auto- riser le moindre succès bayonnais à ce petit joyau intimiste... A ce jour, il n'est plus projeté nulle part en France. Ni ailleurs, d'ailleurs. Vraiment les boules ! Je viens de retirer son affiche de mon petit diaporama des films à voir en ce moment pour la met- tre sur cette note. Très Jolie affiche, tout à fait dans l'esprit du film... Un film que j'ai conseillé en vain autour de moi puisqu'il est désormais impossible de le voir. Mmmm il est comme ça des moments vraiment difficiles dans la vie !
Je sais que tu me lis parfois, Ramuntxo, alors s'il-te-plait, songe à reprogrammer pour la rentrée, à l'Autre cinéma, et cette fois plus longuement ce tendre enchantement... et tant que tu y es, j'aimerais beaucoup aussi avoir l'occasion de découvrir et de fai- re découvrir Le chignon d'Olga, le précédent Très Joli long-mé- trage de Jérôme Bonnell.
Merci d'avance.

Le Robinson bleu

14:35 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0)

mardi, 21 juin 2005

La Horde Sauvage

Je vais tuer Butch Cassidy


Butch Cassidy dirigea le Wild Bunch au moins jusqu’à l’été 1901 durant lequel eut lieu la dernière attaque de train qui leur est attribuée... Butch Cassidy et le Kid. Billy the Kid. Non, pas Billy, ce n'est pas le même, je confonds, tout se mélange dans mon esprit. Avec Butch Cassidy c'était Sundance Kid. Ouais, Sundance. Je me souviens de Cassidy, pas de Sundance, ce nom de Butch Cassidy résonne encore étrangement… comme tous ces noms expectorés, chiques épaisses et noires du fin fond de la mémoire mythologique du western, crachoir en or de l’histoire conquérante. Histoire des fondateurs de l’Amérique de nos Maîtres du monde. Crachoir en or, western cracheur de balles aux calibres faiseurs d’immortalité. Ouais, au chapitre de l'universalité, le western c’est aussi un genre cinématogra- phique, désormais marque déposée entre MacDo et PizzaHunt. Un genre pour lequel je n’ai jamais été franchement initié, même si mon premier vrai jouet d’enfant fut une panoplie de Davy Crockett. Un genre que j’ignorais par dépit, quasiment, jusqu’à découvrir Seuls sont les Indomptés, réputé être le western crépusculaire par excellence.
Butch Cassidy, ouais. Gosse, il me semble que j’avais toujours ou pres- que ce nom à la bouche. Tout seul dans ma chambre, ou rêvant au bord de la Nivelle, je me répétais à l’infini ces deux mots en tentant d’adopter du mieux qu’il me sem- blait le plus western des accents américains. Butch Cassidy, bang-bang ! Butch bang ! Cassidy, bang-bang ! Butch Cassidy, le Vrai, l’Unique, eh bien, je n’avais pas la moindre idée de qui il avait pu être en réalité. Je crois ne m’être jamais posé la question de son existence réelle ou imaginaire. Un héros qui fait bang-bang, c’est forcément mort, même si, finalement, le statut de héros le rend quelque part immortel. Et qu’il soit mort, probablement que ça me rassurait. Quoique, les enfants, hein, même après une vraie fusillade, bang-bang, ça peut recommencer à jouer à Butch Cassidy et le Kid. Le jeu ça sera toujours plus amusant que la réalité, même si la réalité est de temps en temps un million de fois plus violente que notre cruauté enfantine, il me sem- ble. Tout du moins il devait me sem- bler quelque chose dans le genre à l’époque de ma conquête de l’ouest à moi. Maintenant il m’arrive encore de penser comme un enfant cruel et victorieux, bang-bang, mais plus tous les jours. De plus en plus rarement, même. En fait, je penserais plutôt de plus en plus souvent exactement le contraire… Quoiqu’il en soit, on ne traumatise pas un gosse aussi facilement qu’un adulte.
La Horde Sauvage, le film de Sam Peckinpah, s’inspire directe- ment de cette histoire mythologique-là, l’histoire de la Wild Bunch, l’histoire de cette violence inouïe de l'anarchisme des grands espaces dont l’Amérique des vainqueurs s’est bricolé un panthéon cinématographique à grands coups de bang-bang… Les bang-bang-bang des vainqueurs sauront toujours recycler à leur bénéfice le nostalgique bang-bang des indomptés.
Sam Peckinpah, marrant ça, comme au bon vieux temps, ces trois sylla- bes font bang-bang dans ma bou- che. Depuis que j’ai vu, il y a quel- ques jours à peine pour la première fois cet anti-western culte, bang-bang, The Wild Bunch, bang-bang-bang, Sam Peckinpah m’est devenu si familier que je me sens maintenant capable de m’en aller faire mon lonesome cowboy pour reconquérir… ma propre humanité. Je ne suis plus l’enfant qui a besoin de se construire, les mythes ne seront désormais à mes yeux plus jamais autre chose que des mythes. Même fondateurs, ces bang-bang, ces mythes tonitruants ne sont que les pires des men- songes qui se racontent dans les livres d’écoles. Histoire des brutes et des assassins en l’occurrence. Histoire des plus rustres soudards qu’ait inventés l’humanité. Bang-bang-bang. Merci et bravo Monsieur Sam Peckinpah, votre film est le plus beau, le plus fort et le plus cinémascope que j’ai jamais vu !

Robinson Crusoé





De The Wild Bunch à

The Weather Underground



medium_weathermen.jpg

Soixante-neuf, année tectonique. Alors que le monde entier semble vouloir se mobiliser pour dénoncer l’impérialisme yan- kee, après une décennie d’enlisement extrême-oriental, le Pré- sident Nixon décide de renforcer de façon exponentielle l’intervention états-unienne au Vietnam. De New York à Los Angeles, de Washington à Chicago, la contestation estudiantine s’organise, le Non à la guerre rassemble des centaines de milliers de jeunes Américains. Blancs de la middle-class cons- cientisés par les protest-songs et jeunes ouvriers noirs, sous-payés ou chômeurs, toutes couleurs confondues dans une même condamnation des crimes contre l’humanité perpétrés par les G.I.’s de la bannière étoilée, la jeunesse américaine rue dans les brancards. Face au mépris avec lequel Nixon leur répond, la radicalisation de cette jeunesse éclairée semble inévitable. Soixante-neuf, plus besoin de météorologues pour nous dire d’où vient le vent. De la répression des manifestations, en solidarité avec le combat des Noirs, de Martin Luther King aux Blacks Panthers, dans l’euphorie libertaire et rock de Woodstock se forment les premiers groupes de Weathermen. Alors que le meilleur propagandiste de la révolution mondiale, de la multiplication des Vietnam, Che Guevara, allait bientôt mourir assassiné, cette même année, dans la solitude de sa montagne bolivienne, quelques dizaines de jeunes Américains vont porter la guerre au cœur même de leur Patrie pour lutter, à leur sens, plus efficacement contre la guerre. Les premières bombes de la résistance explosent à New York, Los Angeles, Chicago et Washington, posées par les fils et filles de la classe privilégiée.

Même pays, même année, soixante-neuf, Sam Peckinpah se bat pour conserver au montage de son film certaines scènes qui heurtent les «bonnes consciences» hollywoodien- nes. En Europe, les spectateurs qui auront la chance de voir, l’année suivante, la version intégrale de The Wild Bunch (La Horde Sauvage) seront bien évidemment choqués par l’extrême violence de la représentation d’un des mythes fondateurs des États-unis, par l’extrême réalisme des scènes de fusillades, mais seront à mille lieues d’imaginer même les raisons de la censure des images de l’assassinat d’une femme adultère, par exemple. Dans l’inconscient du peuple américain formaté depuis des générations, seule la violence qui s’oppose à l’ordre établi (c'est-à-dire la défense des intérêts de la classe dominante) est criminelle. Et cela, à l’instar des Weather underground, Sam Peckinpah l’a très bien compris. Dans la scène finale, les derniers mots du dialogue entre Sykes et Thornton est en cela édifiant. «Quels sont tes projets ?» demande Sykes blessé, juché sur son cheval à la tête d’une bande de Mexicains et Indiens résistants. Assis par terre, appuyé contre un morceau de mur, Thornton sourit : «Rester ici bas, aller de-ci de-là… Et essayer d’éviter la prison.» échange de sourires complices, Sykes invite son vieil ami : «Bien, les gars et moi, on a un peu de travail [sous-entendu faire la révolution en défendant les Indiens]. Tu veux nous suivre ? C’est pas bien payé, mais ça devrait te suffire.» Pour le spectateur averti de l’époque, l’invitation de cette scène finale aurait pu paraître des plus éloquentes. Je n’ai trouvé aucune information à ce propos pour conforter mon sentiment, mais je suis tout de même convaincu que si la censure n’avait rien trouvé à redire concernant cet échange clairement apologiste de la résistance des peuples opprimés (on aurait pu facilement voir une ressemblance entre le Mexique de 1913 et le Vietnam de 1969, il me semble), c’est très probablement que le spectateur américain moyen et contemporain n’aurait pas su déchiffrer la métaphore. Le saurait-il aujourd’hui ? On peut légitimement en douter en comptabilisant sur internet la quantité de sites qui reprennent le titre de la mythique Wild Bunch pour défendre et illustrer les discours les plus hystériquement patriotiques et réactionnaires drapés dans des miles et des miles de triomphantes bannières étoilées.

Mille neuf cent quatre-vingt un, Bernardine Dorn préfère se rendre, «pour le bien de ses enfants». L’aventure révolutionnaire des Weather Underground trouve provisoirement une conclusion désespérante avec l’avènement du libéralisme revanchard et négationniste. Le début des années quatre-vingt, aux États-unis comme en Europe, sonnera le glas des utopies. Vingt-huit décembre quatre-vingt quatre, le meilleur des mondes aura fini par tuer Sam Peckinpah, à Mexico. Le dernier des Weathermen, David Gilbert (Thornton ?), est arrêté et foutu en tôle pour le restant de ses jours.

Juin deux mille cinq, à deux jours d’intervalles, dans la même salle de l’Autre cinéma, je vois The Wild Bunch, du génial Sam Peckinpah, le plus grand western de tous les temps (Jean-Georges va encore m’accuser d’être sentencieux), et l’un des plus optimistes documentaires de ce début de troisième millénaire, The Weather Underground, de Sam Green et Bill Siegel. Et voilà que je me mets à vouloir être optimiste à mon tour, la «dérive» des continents est loin d’être terminée, le monde continue à bouger dans le sens de l’espoir. Les vieux résistants refusent de se «repentir» et ils ont bien raison. Aux États-unis ou ailleurs.

Le plébéien bleu



18:55 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0)

dimanche, 19 juin 2005

Robinson Crusoé balance à tout va

Traiter un film de «merde»

peut-il être légal ?


medium_beaujolais_nouveau.jpg

Ces derniers temps, en parlant de cinéma sur mon si joli blog tout bleu, j’ai de plus en plus de mal à oser dire du mal des films. Et pourtant, des «films de merde», j’en ai vu quelques uns et même quelques unes, pour dire la «merde» qui peut parfois polluer mes écrans habituellement préservés. Pour donner une idée de ce que j’aurais pu évoquer dans cette colonne si j’osais m’y lâcher en toute liberté et quiétude, disons que ces dernières semaines j’aurais au moins descendu «Last Days» en priorité, et puis aussi, sur un tout autre registre, «Travaux». Peut-être que j’aurais osé dire un peu de mal de «Villa Paranoïa» en con- tredisant ainsi les choix de mon programmateur unique et pré- féré. Peut-être que j’aurais dénoncé un «Crime trop Farpait» contre la folie cinéphilique dans la dernière livraison commer- ciale d’Alex de La Iglesia. Peut-être même que j’aurais osé mettre un bémol dans l’enthousiasme des spectateurs de «La Luz Prodigiosa», au risque de m’enclore définitivement derrière mes barbelés de cinéphile marginal, incompris parce qu’incom- préhensible. Bref, pour de multiples raisons, Robinson Crusoé a pris son vendredi, jour du poison, et préfère s’autocensurer.
La première raison de cette autocensure c’est que je ne veux surtout pas prendre le risque de nuire à la fréquentation de mes salles préférées. Non pas que je me fasse des illusions sur le nombre de lecteurs que je pourrais influencer avec mes notes et autres digressions ici… mais on ne sait jamais. Ma sensibilité aux aléas étant de plus en plus exacerbée, je me dis que la conjoncture morose, voire déprimée étant, que vu la météo dramatiquement estivale, ça suffit bien déjà, il n’est pas besoin d’en rajouter, les CGR et consorts s’y entendront suffisamment pour colatéraliser encore davantage les dégâts.
La deuxième raison, c’est tout simplement la Raison que je ma- jusculise. Je me dis que c’est dégueulasse de vouloir descendre un film au prétexte qu’on ne l’a pas aimé, ou qu’on s’est fait chier, ou qu’éventuellement il aurait pu carrément nous fâcher, heurter notre sensibilité, nos convictions, tout ça. C’est trop facile et puis surtout j’ai pris conscience que de recourir à la violence des mots peut nuire gravement à ma crédibilité parce que la plupart de mes contemporains qui voient les mêmes films que moi ont aimé voire adoré «Last Days», ne se sont pas fait chier un seul instant durant les «Travaux»… Je deviendrais peut-être un peu plus raisonnable, disons, euh, peut-être. Ou hy- pocrite. Ce qui est synonyme. Farpois. Bref, et pour être tout à fait franc, j’ai tout simplement peur de me faire lapider à l’Atalante si je dis du mal de «Villa Paranoïa» et trucider à la maison par Mamour si j’écris une ligne de critique négative sur le film de Miguel Hermoso. Ça devient tellement dangereux là que je n’ose plus citer le titre de ce film à la lumière si prodigieuse. Les cons qui prétendent que le danger peut s’avérer le meilleur des stimulants, la plus indispensable des drogues, eh bien je leur réponds qu’ils peuvent bien me traiter de con, mais moi quand j’ai peur, je fuis… Non sans avoir mordu quelque peu avant, bien entendu.
La foultitude d’autres raisons qui me feraient aujourd’hui m’autocensurer, en fait et en vrac, ce sont la flemme, le beau temps, mes difficultés d’écriture, ma nouvelle moto, la flemme, le bruit du clavier qui empêche Mamour de dormir au petit matin, le ciel gris, la flemme, parfois le doute aussi, je dois l’avouer --seul sur son île déserte on peut bien se laisser aller à l’introspection critique, hein--, la flemme oui, la flemme avant tout… et puis merde, il peut bien y avoir une vie au-delà du blog, non !
medium_miss_beaujolais.jpg

Voilà, tout ça parce que je viens de lire une dépêche de Reuters à propos de Beaujolais et de liberté d’expression. Je me disais que si les cinéculteurs se mettaient à faire des procès aux cri- tiques qui balancent sur leurs films de merde… eh bien, qu’est-ce qui se passerait ? Heu, je ne sais pas, ça ferait vendre du papier comme on dit, et puis on parlerait de leurs films de merde, et peut-être que les gens iraient les voir, leurs films de merde je veux dire, parce que les gens sont comme ça, c’est vachement curieux et voyeur un gens. Et grégaire surtout. On comprendrait alors pourquoi Robinson Crusoé n’aime pas les gens. Et pas le Beaujolais non plus, d’ailleurs. Par contre, le cinéma

Le plébéien bleu alias

jeudi, 09 juin 2005

Plympton et le plaisir inavouable

Hair High


Samedi 4 juin 2005, vingt-trois heures quarante-cinq, salle Antton Ezeiza de l’Autre cinéma à Bayonne, premier rang, fauteuil du milieu, les pieds loin devant moi, je lève mon bras droit et ne dis pas «je le jure» mais fais signe à Thomas, le projectionniste, de renvoyer la bobine. En vain. Hum. Il est tard et il a beaucoup de route à faire pour rentrer. Hair High en boucle, ce sera pour une autre fois. Dans un autre monde, sur une autre planète… ou peut-être tout simplement un des jours suivants. Moi, je fantasme déjà sur la nuit Plympton que je vais «exiger» à Ramuntxo. Hum-hum, ça aura quand même très probablement du mal à passer malgré mon «énaurme» influence sur sa géniale programmation. Nous n’étions que deux dans la salle ce soir-là. Deux fanatiques. L’autre… il vaut mieux que je ne le dénonce pas.

medium_hair_high_1.jpg

Jeudi 9 juin 2005, dix-neuf heures quarante-cinq, comptoir de la Taverne, à l’Atalante. Avec Jean-Phi et Bruno, on rigole graveleusement à propos de godets et puis très vite, Filadelfio relançant la discussion apéritive, notre cinéphilie chronique reprend le dessus. Évidemment, je lui cause de Hair High et de Bill Plympton. Ses sourcils se soulèvent anachroniquement et un sourire entendu les souligne. «Bill Clinton ?!» qu’il m’interroge, surpris ! Il est Italien, ça explique, et nous re-sombrons dans le grave.
Lundi 13 juin, vingt-et-une heures, je ne sais pas encore quelle salle à l’Autre cinéma, je m’assiérai à ma place habituelle pour revoir Hair High et lever mon bras droit à la fin de la projection… avant de m’enchaîner définitivement à mon fauteuil en guise de protestation contre les dernières séances. Je vais jouer mon Eddy Mitchellena et ça n’est pas du flan, si la salle n’est pas pleine comme un œuf je raconte le film sur mon si joli blog tout bleu.
Meuh non ! les films, moi je ne les raconte pas. D’ailleurs, je ne saurais pas. J’en parle toujours sans vraiment en parler. C’est mon truc de critique à moi que j’ai. Soit je descends soit j’encense, mais sans jamais déflorer. Et puis, du Plympton, ça ne se déflore pas, ça se… non, vraiment trop grave. Trop grave de passer à côté d’un tel plaisir inavouable !

Robinson Crusoé

21:25 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2)

mercredi, 08 juin 2005

Azraël est un mangeur de pipas :

medium_sommeil_amer.jpg


Être ou ne pas être,

c’est pareil !


medium_sommeil_amer_1.jpg

«Qu’est-ce qu’il est beau !» m’a dit Mai en sortant de l’Autre cinéma cet après-midi. Avec Mamour nous nous étions assis en face de la sortie, au soleil, sur la rambarde au bord de l’Adour, le temps que ces dames fument une cigarette. Dehors, il fait sacrément bon, vraiment. Une magnifique journée de juin… Je les ai laissées partir seules à la plage. Enfin, sans moi je veux dire car il doit y avoir du monde sur le sable à cette heure. Là, moi j’ai plutôt envie d’ombre et de solitude. Sûrement pour recompter les plumes d’Azraël (pour mémoire et afin d’éviter toute confusion, je rappelle que le chat cruel qui terrorise les schtroumfs n’a pas de plumes ni d’ailes et que lui n’est surtout pas beau mais tout simplement ridicule). Une, deux, trois… plus une, plus une encore, Mai parlait bien évidemment de Abbas Esfandiari qui joue son propre rôle dans le génial film iranien Mohsen Amiryoussefi… et moi je persiste à vouloir compter les plumes sur les ailes arrachées de l’ange de la Mort. Celui de la tradition musulmane, bien entendu, Azraël, l’associé d’Esfandiar. A moins que ce ne soit l’inverse. «Être ou ne pas être, c’est pareil» déclame théâtralement le héro thanatopracteur. Et ce n’est pas un clin d’œil hasardeux pour moi. Azraël et Esfandiar c’est du pareil au même. Ils sont tous les deux complètement magiques. Magique surtout ce cinéma qui nous est venu d’Iran par un bel après-midi presque estival. Et si drôle aussi. Il me manque énormément de références culturelles pour déchiffrer tout l’humour qui se lâche ici comme des perles d’explosions joyeuses, mais je le pressens avec bonheur et c’est là toute la magie du cinéma… Quatre, cinq, six, et la septième porte bonheur, je vais chercher dans les pages jaunes les adresses de toutes les pompes funèbres du coin. Et puis je vais inviter tous les thanatopracteurs de chez nous à voir ce film qui les rend héroïques et beaux… Qui sait, les rituels, religieux ou non, ont peut-être du bon ! J’y songerai en mangeant des pipas bruyamment, sans complexe… Vivants ou morts, courez donc voir ce film et le bonheur vous lavera. Moi je me sens tout frais et tout propre, mais je m’emmèle encore en recomptant les plumes d’Azraël.
Il fait encore grand soleil par ma fenêtre, l'heure est aux grandes décisions existentielles : je vais donc aller conter fleurette à Mamour sur la plage...

Robinson Crusoé