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Merci de nourrir les poissons en mon absence

dimanche, 10 juillet 2005

Je roule des mécaniques

Quand l'espoir s'habille en noir



Je roule des mécaniques
Nique-nique
J’enroule la mécanique
Sur le ruban d’asphalte à ligne continue
Aligne-aligne, aligne les kilomètres
Des kilos de fourmis dans les jambes
Des kilos de fourmis dans les poignets
J’empoigne mon destin et le rive à la mire de l’horizon
Loin-loin, plus loin que la ligne droite
Plus loin encore m’attendent les virages
Une série de virages serrés
Serrer-serrer, serrer les dents sans jamais freiner
Sans jamais-jamais, jamais douter du destin
Le dédain pour la peur qui me va comme un casque
Un casque avec la pointe en dedans
Qui me va qui me vient et qui ne s’enfuit jamais
Jamais-jamais
Jamais tant que la route s’enroule sous mes roues
Jamais quand je roule
Quand s’écroule mon destin
Jamais la peur ne me fera freiner
Jamais la peur
Mais l’Amour
L’amour de la vie l’amour de ta vie…
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Je plante droit la machine
Chine-chine
La main crispée sur mon instinct
A l’entrée de la courbe, je rentre deux vitesses
Freiner-freiner, freiner enfin
Freiner enfin et me retourner
Pour regarder tes yeux bleus dans le casque
Tes yeux qui rient tes yeux qui pleurent
Dans tes yeux qui n’ont pas peur
Tes yeux qui me feront toujours confiance
Me retourner avant de nous jeter tous les deux
Tous les deux ensemble soudés à la mécanique
Nous jeter ensemble sur la plus belle trajectoire
Roule-roule, roule ma Jument bleue
Je nous relève d’un regard lancé au loin
Mon regard qui commande à la mécanique
Qui commande au destin
Mon regard c’est le tien qui se pose déjà
Loin vers la sortie de l’autre courbe
Loin-loin au-dessus de mon épaule loin
Et c’est toi maintenant qui nous jette vers l’espoir
L’espoir qui s’habille aussi en noir pour se protéger
Pour se protéger et y croire encore
Y croire encore, ce soir.


vendredi, 08 juillet 2005

Le film qu'on ne peut plus voir q:o/


Supplique à Ramuntxo



medium_les_yeux_clairs.jpg

C'est vraiment mon coup de coeur de ce début d'été, le Très Joli film de Jérôme Bonnell avec la délicieuse Nathalie Boutefeu et le si poétique Lars Rudolph. Les yeux clairs est sorti le 27 avril der- nier sur les écrans français mais nous ne l'avons eu que très tar- divement à Bayonne où Ramuntxo de l'Atalante ne nous l'a pro- grammé qu'à partir du 30 juin pour 4 petites séances, dont une seule à 21 heures. Vraiment pas une configuration pour auto- riser le moindre succès bayonnais à ce petit joyau intimiste... A ce jour, il n'est plus projeté nulle part en France. Ni ailleurs, d'ailleurs. Vraiment les boules ! Je viens de retirer son affiche de mon petit diaporama des films à voir en ce moment pour la met- tre sur cette note. Très Jolie affiche, tout à fait dans l'esprit du film... Un film que j'ai conseillé en vain autour de moi puisqu'il est désormais impossible de le voir. Mmmm il est comme ça des moments vraiment difficiles dans la vie !
Je sais que tu me lis parfois, Ramuntxo, alors s'il-te-plait, songe à reprogrammer pour la rentrée, à l'Autre cinéma, et cette fois plus longuement ce tendre enchantement... et tant que tu y es, j'aimerais beaucoup aussi avoir l'occasion de découvrir et de fai- re découvrir Le chignon d'Olga, le précédent Très Joli long-mé- trage de Jérôme Bonnell.
Merci d'avance.

Le Robinson bleu

14:35 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0)

jeudi, 07 juillet 2005

Soyons vigilants le 9 août 2005 :

Aujourd'hui

Radio Londres

est en panne



Ce matin, en me levant, je ne sais pas comment ça se fait, mais je n’ai pas allumé la radio. Il est des gestes comme ça qui font partie de la programmation génétique chez les plébéiens quelle que soit leur couleur de peau, des gestes automatiques qui en entraînent d’autres, un peu moins automatiques, et on fi- nit par se brosser les dents, tous les matins après le petit dé- jeuner thé-au-lait-deux-tartines-beurrées-et-confiturées sans même avoir encore pris conscience que peut survenir la fin du monde, là, comme ça, sans coup de semonce, juste parce que la radio dans la salle de bain, grésillant pendant que je prends ma douche, pourrait m’annoncer que je suis un Américain, un Madrilène ou, euh, disons un Londonien. Après, la radio, c’est comme le reste, dans l’air du temps, ça peut dépendre, des lieux, des époques, des modes et puis aussi du camp dans le- quel on se situe, que l’on choisit ou que l’on soutient. On peut écouter Radio Paris qui n’est plus trop allemand ou Radio Lon- dres qui l’est parfois et donc ment aussi… bref, this morning, i don’t know why but i was completely deaf. Du dentifrice entre les oreilles, on peut imaginer pire comme trouble obsessionnel compulsif. N’empêche que, ce matin, avant d’aller chez le den- tiste, j’ai tout de même eu l’idée d’allumer l’ordi (comme quoi toutes les modifications génétiques ne sont pas possibles, même accidentellement), de me connecter à mon si joli blog tout bleu pour constater que mes stats sont légèrement en hausse (y’a pas de miracle, si je n’écris pas, la curiosité de mes visiteurs s’estompe très vite), de consulter les titres de l’information sur cotebasque.net puis sur rezo.net, et enfin d’ouvrir ma boîte Outlook pour lire mes courriels. Txus est très matinal, lui, il n’était même pas sept heures du mat’ quand il a posté. Un envoi groupé afin de relayer la lettre ouverte de Xipri, lettre que je reproduis in-extenso ci-dessous. Donc, avant d’enfiler mon blouson, j’ai un peu speedé pour le mettre en ligne un peu proprement -- depuis que j’ai réussi à trouver la modification du code html pour justifier mes notes, je passe un temps fou pour césurer à la main –, faut dire que ça tombait plutôt bien, ces derniers temps j’ai eu plusieurs critiques à propos de mon blog pour me reprocher de ne plus y parler de «politique basque». Ce genre de critiques, à chaque fois ça me fout mal, mais alors vraiment mal, surtout que je n’ai aucune excuse. Aucune. L’actualité politique basque je la suis. Peut-être pas de façon frénétique, mais disons que pour le moins je me tiens informé : au passage j’en profite pour faire un peu de promo en revendiquant haut et fort mon abonnement en cours à Ekaitza

Ouais, d’ailleurs, ce matin j’ai bien lu l’info sur le ouèbe de France 3 Aquitaine à propos de l’extradition de Eneko Aizpuru. Évidemment que ce genre d’infos me fout complètement en rogne, j’interdis à ceux qui me connaissent et m’apprécient plutôt plus que moins d’en douter. Je suis très souvent en rogne comme ça, mais en même temps, ça arrive tellement souvent ce genre d’infos-là, depuis tellement longtemps déjà que je me suis habitué à ne même plus m’inventer d’excuses pour ne pas gueuler, pour ne plus mordre. De temps en temps encore je mords, mais avec le sentiment désastreux que je me déchire moi-même le ventre pour rien. Et ce matin, le courriel du ca- marade Txus m’aura un peu secoué dans le sens des poils dressés sur les bras par l’émotion. Merci camarade ! Un jour durant, j’aurai réussi à faire renaître en moi la conviction de participer à un élan de justice et de solidarité militante, de pou- voir agir même avec des moyens dérisoires face aux médias de la domination et du décervelage. L’événement essentiel de ce jeudi 7 juillet 2005, grâce à cette lettre ouverte ci-dessous, ne se limitera heureusement pas aux 800 € que j’ai dû dépenser pour m’offrir deux belles dents en céramique jaune, assortie à mon sourire satisfait de plébéien bleu.
Ce midi, pour une raison tout aussi inexplicable que ce matin, ma radio était encore en panne. Ou plutôt, disons que cette fois je l’ai éteinte. A moins que ce ne soit Mamour ? Je ne sais plus, peu importe. Demain, et après-demain, et après-après demain, et la plupart des jours qui suivront, mes courbes de biorythme se décroiseront et j’aurai toutes les peines du monde pour ne pas devenir Américain, Madrilène ou Londonien. Mais le 9 août prochain je serai Donostiar, ça c’est sûr. Nous serons tous Donostiar, j’espère.

Xipri Askatu !


Le plébéien bleu

medium_tortura.jpg


Zipriano FERNANDEZ-GARCIA
Prisonnier politique basque
1564-B/202
CP de Lannemezan
Rue des Saligues
BP 166
65307 Lannemezan cedex


Chers amis,


Arrêté le 25 octobre 1999 à Pau, j’ai été condamné en 2001 à 8 ans de prison ainsi qu’à une interdiction défini- tive de territoire français, mesure qui constitue une dou- ble peine et qui remet en cause le statut de citoyen eu- ropéen des Basques.
J’arrive en fin de peine le 9 août prochain et bien que je ne sois passé devant aucune commission qui aurait exa- miné les modalités de cette expulsion, on peut être cer- tain qu’elle aura lieu, et que la police française me re- conduira à la frontière espagnole(1). Dès lors, ma liberté sera soumise à la seule appréciation de la police espa- gnole. Normalement, je devrais être laissé en liberté sur le territoire espagnol, la justice de ce pays ne m’ayant pas réclamé. Mais la réalité de notre terre basque (ré- pression policière, judiciaire, économique…) nous fait toujours craindre le pire. Qui plus est, dans mon cas, même si j’entends que les dernières expulsions de compagnons basques se sont « bien » passées, je garde dans mon esprit et sur ma peau le souvenir de mon pas- sage par la caserne de la Guardia Civil d’Intxaurrondo, dans ma ville de Donostia (San Sebastian), en octobre 1987, avec ses tortures, les électrodes, les sacs en plas- tique appliqués sur la tête jusqu’à l’évanouissement, les simulacres d’exécutions sur une petite colline toute pro- che, les coups et les humiliations sans limites.
Bref. Même si je ferai une grève de la faim, pas très longue(2), je ne peux me sentir que démuni face à une telle menace, et c’est pourquoi je vous demande de rester vigilant quant à ce qui m’arrivera le 9 août, et de bien vouloir intervenir auprès des autorités compétentes s’il le faut.
Je vous remercie par avance pour votre aide.

Xipri


(1) Si cette expulsion en tant que telle est légale puis- qu’une interdiction de territoire a été prononcée, le pays de destination devrait tout aussi légalement être choisi par la personne expulsable, ce qui n’est jamais le cas lors des expulsions de Basques arrivant en fin de peine.
(2) Les Basques qui vont être expulsés font générale- ment une grève de la faim afin d’arriver à la frontière espagnole dans un état physique le plus faible possible, du moins ne permettant pas à la Guardia Civil de les tor- turer.

mercredi, 06 juillet 2005

C’est à Ba-ba, c’est à Yo-yo...

C'est à Neu-neu, c'est à Bayonne :



Bayonne élue à l’unanimité

des plébéiens bleus

pour accueillir

les Jeux Olympiques 2012



Grand OUF de soulagement ce midi à 13 h 49 : ce sera donc Bayonne, plus précisément un des quartiers Nord les plus hup- pés, London, qui accueillera la XXXème édition des olympiades dites modernes. J’avoue très franchement et sans plus aucune pudeur stylistique que j’étais carrément bleu de terreur au mo- ment où le président du CIO, en direct devant plusieurs millions de journalistes hystériques, Jacques Rogge a décacheté l’enve- loppe contenant le nom de la ville élue par les Maîtres du Monde et de ses anneaux de couleurs. C’est à Ba-ba… c’est à Yo-yo… c’est à Neu-neu a-t-il ânonné, m’arrachant un cri de joie et de résurrection tout autant mêlés que tonitruants. Oui, plus l’éché- ance approchait, plus je sentais monter en moi l’évidence des sept années de malheur que signifierait pour la tribu des plé- béiens bleus la désignation de Paris... Paris se rhabille présen- tement, les paillettes et les confetti seront bien vite balayés alors que moi je mets la dernière main à l’arc de triomphe que j’ai improvisé, Argote street, pour célébrer comme il se doit le salvateur événement.

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Il m’aura fallu près de trois heures pour redescendre de mon petit nuage, grâce à Jacques Chirac, je ne serai pas tout de suite obligé de prendre le maquis ou contraint de vendre mon âme à coca-cola ou à mac’do. Oui, c’est Mamour qui me l’a dit, je pou- vais la remercier, remercier les 82 % d’électeurs français qui avaient voté pour Jacques Chirac en 2002. Alors merci Mamour, merci d’avoir supporté ma surtension de toutes ces dernières heures. Merci les Jacques, Rogge et Chirac, merci les Pierre et les Paul aussi, merci le Tour de France qui saura bien vite con- soler les 87 % de Français qui « souhaitaient » ces J.O. à Paris plutôt qu’à Bayonne. Ils m’auront sans nul doute sauvé la vie. En 1998, déjà, par la simple faute d’une allergie au Mondial de foot-ball j’avais été lapidé par ma famille même. D’ici 2012, j’avais 7 années, près de 2600 jours pour me faire écorcher vif, trucider, assassiner deux mille six cent fois. OUF ! Ce n’est probablement que partie remise, mais tant qu’il y a de la vie, y’a de l’espoir… et l’essentiel c’est de participer, non ?

Le plébéien bleu-blanc-beurre

PS. Jean Grenet écourtera-t-il ses vacances en Corse pour venir fêter à Bayonne Nord, comme il se doit cette joyeuse victoire de la Plèbe bayonnaise sur le parisianisme olymfric ?...
Le pape de Livinhac est également cordialement invité, bien en- tendu, à venir "bénir" nos réjouissances à Argote street !

vendredi, 01 juillet 2005

Bayonne candidat aux JO 2012 ?

Xabi LXIII pape à Livinhac


À cinq jours de la désignation du candidat gagnant l'accueil des jeux olympiques 2012 par les cent vingt membres du CIO à Sin- gapour et comme ce vendredi 1er juillet était aussi la date prévue pour notre débri- efing de la fête des langues à Decazeville, là je repense à certains très bons moments du week-end dernier. Tout se bouscule en- core dans ma tête, les souvenirs trinquent joyeusement à la santé de l’amitié et une curieuse confidence de Xabi fait en quelque sorte le joint avec cette actualité. Je ne sais plus où nous étions précisément, rien que les deux ou avec le commando basque au complet, peu importe. Je ne sais pas comment on en vient comme ça à évoquer le principal traumatisme de son enfance. Souvent, ça doit être pour faire naître une relation compassionnelle ou plus simplement pour faire son intéressant. Bon, là, évidemment, en me racontant ce truc, Xabi, il faisait son intéressant, son athlète champion olympique du traumatisme et de la mémoire. Ce truc, c’était un 1er juillet aussi, en 1963. Ça devait se passer à De- cazeville ou à Livinhac, chez la grand-mère de Xabi, peut-être à l’heure du repas familial en écoutant les infos à la radio ou à la télé. La veille, à Rome, le pape Jean XXIII venait de mourir et les cardinaux de l’Église catholique étaient donc tous réunis en conclave afin de désigner son futur saint-père-successeur. C’est ce que devaient raconter, sans nul doute, l’ensemble des jour- nalistes sur toutes les chaînes de radio et La Chaîne de télévi- sion (tiens, à propos, je trouve assez juste de parler de chaîne même si le maillon est unique, mais, bon, le rapport avec l’olympisme est là plutôt alambiqué, j’avoue…). Et le petit Xabi de 5 ans d’âge à la sensibilité déjà exacerbée ne manqua pas d’être ému tout autant qu’interloqué par cette information. Tous les gamins de 5 ans ne sont pas aussi curieux, j’en connais mê- me qui se foutent du pape comme de l’an 40, mais Xabi n’était pas de ce bois-là, Xabi a toujours été (du moins depuis qu’il tra- vaille à la Ville de Bayonne) un inquiet. Et comme on ne s’im- provise pas inquiet, ni journaliste d’ailleurs, notre Xabi de 5 ans d’âge interrogea sa grand-mère, cet historique 1er juillet 1963, posant la seule question qu’aucun journaliste d’aucune chaîne n’avait su pour lors formuler : «Mami, cékikiva être le prochain pape ? Faut quoi pour être pape ? Tout le monde il peut être pape ?». On imagine la tension autour de la table familiale.

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Et la grand-mère, transmettrice en chef du Savoir, de sourire et de répondre du tac-au-tac, sans la moindre hésitation : «Tout le monde mon petit. Tout le monde peut être élu pape de l’Église catholique. Tout le monde. Même toi mon mignon. Même toi.» Ça devait avoir produit comme une explosion atomique dans sa petite tête déjà bien remplie d’un cerveau tout neuf. Le pauvre enfant, la nuit du 1er au 2 juillet 1963 fut la plus blanche des nuits pour Xabi, plus blanche encore que la fumée qui, bien heu- reusement pour notre traumatisé, le lendemain, en désignerait un autre pour révolutionner le Vatican en lui inventant un clone… Vingt ans plus tard, Xabi débarquait à Bayonne, avait-il guéri cette première et inoubliable nuit d’insomnie ? Quarante-deux ans plus tard, Xabi revient encore à Bayonne, maintenant et probablement définitivement chez lui en Pays basque, après une semaine à jouer l’enfant prodigue en Aveyron. Sait-il combien son patron, Jean Grenet, est lui aussi en état traumatique ? Du moins c’est ce que moi je m’imagine, là, présentement. Com- ment Jean Grenet va bien pouvoir annoncer à Xabi que Bayonne peut être élue comme la ville qui accueillera les jeux olympiques de 2012 ? Je vois déjà Xabi trépigner, «et les fêtes de Bayonne, hein ? Ça va pas être possible, ça tombe en même temps, ça chevauche… les arènes seront prises… et les pelouses du stade sont déjà prévues pour servir de camping aux festayres», Xabi trépigne intérieurement, bien sûr, ça ne se voit pas, c’est pas un expansif, encore moins extraverti, mais n’est-ce pas à ses trépi- gnements tout intériorisés que l’on reconnaît les véritables in- quiets ? Et là j’imagine que Grenet lui répondrait comme ça, du tac-au-tac, comme sa grand-mère il y a 42 ans, «mon bon Xabi (le maire de Bayonne se prend parfois de condescendance pour ses fonctionnaires), avais-je le choix ? Borotra, sous la pression du lobby des Ours blancs a posé sa candidature pour les jeux d’hiver… Et puis, après tout, tout le monde a bien le droit d’être candidat, non !»
En début d’été, comme ça, parfois, j’ai de ces délires complè- tement flippants. Je me dis que la candidature de Paris n’a vrai- ment pas la moindre chance d’être retenue. Ça serait vraiment trop drôle, avec Chirac comme VRP en chef, c’est invendable. Et puis Madrid, pas mieux, le 11 mars, les menaces concrètes d’ETA… vraiment aucune chance non plus. Il n’y aurait que Lon- dres pour faire un peu d’ombre à Bayonne. Très peu. Mais on ne sait jamais, Xabi n’est toujours pas pape, alors… Croisons les doigts, verdict le 6 juillet, nous serons déjà en rouge et blanc pour l’ouverture des San Fermin.

Le plébéien bleu et blanc

Plaisir décence à la station service

Virginie, tu vas

au ciné en bagnole ?



Une station service anonyme en Allemagne, la couleur jaune me dit quelque chose mais il n’y a pas de nom de marque sur les pompes… mais en fond, par contre, on distingue bien le sigle et la marque du pétrolier Shell sur le camion citerne qui passe, par hasard, c’est presque du subliminal, juste au moment où Fanny, l’héroïne des Yeux clairs, le très joli film de Jérôme Bonnell, est en train de faire le plein de sa voiture. Enfin, plutôt la voiture de son frère qu’elle a empruntée… mais cela n’a au- cune importance, je ne veux pas parler du film ni de cinéma pour l’heure mais de cette station service où est arrêtée Na- thalie Boutefeu. En général, dans les films, les réalisateurs montrent très ostensiblement l’habillage des stations services afin que le spectateur puisse identifier tout de suite la marque du pétrolier qui n’aura pas manqué, très certainement et en échange de ces quelques images diffusées sur grands écrans, de participer aux frais de production. C’est très distinctement et plusieurs fois que l’on aura l’occasion de lire le nom de la mar- que, sur la pompe, sur le pistolet ou à l’enseigne de la boutique où l’acteur sera censé s’acquitter de sa facture d’essence… dont on ignorera toujours le montant. Question à mille louis : dans quel film, français ou étranger, avez-vous pu lire le montant d’une livraison de carburant sur une pompe ?... Mince, je ne sais pas comment orthographier le ding-ding-ding du xylopho- ne, Word me le souligne tout en rouge. Bref, grâce à cette di- gression cinéphilique, j’en viens au sujet qui préoccupe le cito- yen consommateur que je suis, tout particulièrement en ce 1er juillet, date symbolique à laquelle, en France, on a coutume d’é- voquer les augmentations. Et pas seulement celle du Smic, mal- heureusement. Là je veux causer des augmentations specta- culaires des prix du gaz et du pétrole à la pompe. Bon, bien sûr, ces augmentations n’ont pas eu lieu du jour au lendemain, dans la nuit du 30 juin au 1er juillet. De toutes façons, la plupart des stations sont fermées de nuit ou dotées d’automates 24h/24h, donc personne pour changer les prix cette nuit-là… ou alors ce sont des robots qui font le sale boulot… je ne sais pas… peut-être après tout. L’an prochain, je me mettrai à l’affût aux abords de la station du Leclerc, avec des jumelles de vue nocturne et je saurai. Je saurai qui est responsable de ces foutues augmentations qui me poussent à aller faire mon plein en Espagne.

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Enfin, là je simplifie un peu, bien entendu. Je sais parfaitement que là c’est un autre problème, que les augmentations affectent proportionnellement les carburants en France comme en Espa- gne, que ce qui fait la différence de prix ce n’est pas l’augmen- tation mais la disparité des taxes. Disparité qui a pris un tour quasiment exponentiel depuis Maastricht, étonnant, non ! Mais, bon, je digresse à nouveau, je ne veux pas causer de cette dis- parité-là aujourd’hui : rien de neuf sous le soleil de l’unification européenne à ce chapitre. C’est juste la notion d’augmentation du prix de l’essence qui m’intéresse. Il y a je ne sais plus com- bien d’années mais sûrement un bon paquet, je devais encore être gamin, génétiquement parlant je veux dire, ouais c’était aux alentours de 1973, le premier «grand choc pétrolier», déjà à l’é- poque, on avait commencé à parler de prix plafond de l’essence, de prix maxi au-delà duquel les consommateurs à deux ou qua- tre roues décideraient immanquablement d’arrêter de consom- mer, ou alors s’amputeraient de leurs roues pour laisser repous- ser leurs jambes. On voit tout de suite très bien le lien existen- tiel entre la société de consommation et celle de l’automobile, vous me l’accorderez. Donc, dans cet ancien temps-là, déjà, on parlait de l’essence à 10 francs le litre. En même temps ça fai- sait très peur et ça semblait tout à fait impossible, irréaliste, comme dans un film d’horreur. Donc, en même temps, on culti- vait la classique et efficace terreur populaire du «on va man- quer» et en même temps on se disait que ça ne pourrait pas arriver, ou alors pas tant que nous serions vivants. Et après, hein, c’est plus pour nous, hein, on s’en fout. Pas notre problème ! Bref, l’essence à 10 balles ça nous causait, mais pas si clairement que ça finalement. Par rapport à notre pouvoir d’achat de l’époque, ça faisait vraiment trop. Trop peur et sûrement pas assez, quoique… Faudra un de ces quatre que je donne mon avis sur l’arme de la peur, l’arme de destruction massive des neurones absolue, mouais, un de ces quatre, j’en causerai… Quand le SP 95 sera à 1,50 euros à la pompe, c'est-à-dire approximativement les 10 balles fatidiques. Et c’est manifestement pour très bientôt si l’on en croit Virginie qui écrit sur le forum Le bar de la Côte (en un style copié-collé des plus alarmistes et militants à la fois). Bon, pour le très bientôt, là, Virginie, je veux bien te croire, quoique, c’est pas encore sûr, les Européens pourraient bien décider de recycler à leur compte l’idée jospinienne de la taxe flottante afin de réguler en même temps les cours du marché et la fameuse disparité dont je causais ci-dessus. Ils pourraient… si ils y voyaient un quelconque intérêt pour les compagnies pétrolières. Mais là, désolé, je ne vois pas.
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Les Exxon-Mobil, BP et autres Total ou Shell se repaissent habituellement plus goulûment de la plus entièrement sauvage «libre concurrence». Ils se repaissent aussi bien des terreurs populaires du «on va manquer» que des optimistes inconscients du «on trouvera bien toujours une solution, faisons confiance au progrès et à la science». D’ailleurs ne sont-ce pas ces Maîtres du pétrole qui ont inventé l’ «horreur économique» ? Et n’est-ce pas Virginie qui se met à leur service en nous prenant pour des gogos ? Franchement, si je ne craignais pas que les pièges les plus grossiers soient souvent les plus efficaces, je me marrerais. Le «plan génial» pour lutter contre l’essence à 10 balles qu’elle nous propose n’exige pas le moindre effort de la part du citoyen consommateur de la Côte basque. Son truc à Virginie, c’est hyper simple (je n’ai pas dit simpliste, hein) : faire confiance aux marchés, les mécanismes régulateurs du marché sauront faire baisser les prix si, de Bayonne à Hendaye, nous décidons de boycotter les stations Esso et Shell. Ainsi, les deux plus grandes compagnies pétrolières au monde (Esso étant une filiale de Exxon-Mobil), avant de sombrer définitivement dans la faillite par la faute de nos réservoirs conséquemment remplis chez des concurrents (heu, disons Total par exemple), oui, les dirigeants de Shell et Exxon se concerteront immanquablement pour déci- der de baisser leurs marges et donc leurs prix à la pompe afin de nous reconquérir, nous, clients responsables qu’ils avaient un moment négligé de satisfaire pleinement. Merci Virginie de nous démonter une fois de plus combien nous pouvons vivre heureux dans cette société de consommation dont les consommateurs sont et demeureront à jamais les seuls Maîtres incontestables et incontestés. Bon, hum, à part que le message-chaîne que tu relaies ainsi du le forum de Cotebasque.net, ce n’est pas autre chose que de la pub indirecte pour Total ou BP. Rien d’autre. Aucun espoir de ce côté-là, malheureusement serais-je tenté d’ajouter (mais je résiste car je suis un citoyen conscient et mi- litant de l’écologie-sociale de père en fils). Le pire, Virginie, c’est que les plus grandes compagnies pétrolières au moooooonde ont déjà été moult fois dans le «rouge» et ce bien avant que n’ait débuté la campagne de boycott à laquelle tu participes avec tant d’allégresse. Et ça ne change rien aux cours du pétrole ni au prix à la pompe. Ça serait même très précisément le contraire. Quel- le engeance ! Vraiment on ne peut plus se fier à rien ! La régula- tion automatique des marchés, peau de balle on aura l’indécence à 10 balles. Vraiment, Virginie, je suis désolé de te dire ça aussi crûment, pour économiser sur notre facture d’essence seule la décence de l’économe sera efficiente : consommer moins, de moins en moins, et de moins en moins encore, car tout natu- rellement, un jour, du pétrole, il n’y en aura plus. Un jour. Bon, ça ne sera peut-être pas déjà pour le 1er juillet de l’an prochain. Sûrement pas, même. Je pense, j’espère… En attendant, sans t’affoler, mémère, prends plutôt ton vélo pour aller au cinoche… moi j’y vais à pieds, mais j’ai beaucoup de chance !

Le plébéien bleu pétrole

11:40 Publié dans digression | Lien permanent | Commentaires (0)

jeudi, 30 juin 2005

Decazeville fête toutes les langues :

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C’est si joli un Mescladis !

Tous les feux de la St Jean se sont réunis pour enflammer le ciel de Decazeville en cet après-midi de la fête des langues 2005. Nos feux de la St Jean à nous, à Hazparne, à Donibane, les feux que nous avons chargés dans notre convoi d’amitié jusqu’à Mois- sac pour y mettre aussi le feu à l’été au milieu de la nuit du 24… chez Bernadette et Serge. Ce samedi 25 juin, chez David, chez Franck, Chez Dominique et Jean-François, chez Christophe, chez Aldo et chez Robert, chez Benoît et Lili et chez Xabi aussi, tout le ciel de l’Aveyron est repeint en bleu pour nous accueillir, nous les Basques déjà habités depuis plus de 10 000 ans par l’esprit du Mescladis.
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Nous voici à nouveau invités à nous ressourcer, pour la quatri- ème année consécutive, au pays du cœur du cœur, Decaze, la capitale du Mescladis, à l’ombre chaleureuse des humains qui marchent debout, qui chantent dans toutes les langues du mé- tissage et qui nous sourient parce qu’ils sont fiers, et qui sont fiers parce que nous leur sourions sous la chaleur. Combien ? Trente-sept degrés à l’ombre ? Quelle ombre ? Ici pas la moin- dre ombre qui ne soit humaine et vivante, la température de cette ombre du Mescladis c’est celle des corps réunis pour s’em- mêler, se mélanger les langues…
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À cinq heures de l’après-midi, je ne suis pas dans le poème de Garcia Lorca, il n’est jamais partout en même temps la même heure, la jeune femme au fichu fleuri me sourit furtivement, ses mains travaillent mécaniquement une pâte épaisse et blanche. Elle est Kurde, tout du moins s’active-t-elle sur le stand kurde à fabriquer comme à la chaîne des sortes de talos. Ce soir nous aurons une «terrible» concurrence me dis-je en poursuivant mon tour de «reporter-photographe» sur la place. Je n’ai pas osé m’approcher, pas osé leur parler, j’ai pris la photo d’un peu trop loin encore trop intimidé par la chaleur du Mescladis ; je n’ai pas osé aller aux nouvelles, faire connaissance, au moins me pré- senter… nous le ferons un peu plus tard à l’initiative de Xabi en distribuant notre cageot de cerises de Moissac à tous les parti- cipants que nous irons visiter sur leurs stands. Ça sera une ini- tiative unanimement appréciée, à chaque fois on nous deman- dera si il s’agit bien de cerises d’Itxassou et nous répondrons chaque fois par un petit sourire gêné que non, que nous ne pou- vions pas, trop loin, la chaleur, le transport, tout ça… Peu im- porte l’explication, tout le monde ne retiendra que le goût sucré des cerises, l’échange des sourires, l’énergie et la franchise par- tagée des poignées de mains.
Quelques pas plus loin, je prends un peu de recul pour mettre le soleil hors cadre. Les photos des stands arabophones et portu- gais seront inexploitables à cause du contre-jour. L’anglais pire encore. Je m’improvise bien piètrement « reporter »…
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Face aux jolies petites Italiennes, là c’est encore ma timidité maladive. Enfin, je dis Italiennes mais leurs cartes d’identité cla- ment très certainement leur citoyenneté française, leur naissan- ce à Decazeville dans l’Aveyron ou dans la région. D’ailleurs, elles ne parlent pas l’italien, comprennent juste quelques mots mais connaissent par coeur les chansons traditionnelles. Ce sont leurs mères ou leurs grands-mères qui sont nées en Italie, qui parlent encore italien entre elles. Elles sont assises au fond du stand, alors je m’enhardis quelque peu. Leur mélodieuse langue des Pouilles me fait des papouilles au creux de la trompe d’Eus- tache et, clic-clac, c’est dans la boîte. Mince, juste elles ont tourné le dos, le petit drapeau masque la Mama, et puis surtout je ne sais pas mettre le son sur ce si joli blog tout bleu qui de- meure tristement muet.
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Mille et une ombres

en pleine lumière


Il faut que je presse le pas, mon «commando» m’attend à la buvette. Leurs longues ombres impatientes me font des signes de loin. Un instant, devant le chapiteau des organisateurs, j’hé- site à participer au forum, un débat passionné sur la pluralité des langues que je prends en cours et puis que je déserte tout aussitôt. Je m’en veux déjà. L’année prochaine je me préparerai mieux. Je m’y engage solennellement. Je promets aux uns et aux autres, mais là je ne suis pas prêt, je ne sais pas improviser à l’oral, le sujet me passionne, bien évidemment, la situation diglossique en Pays basque, la part essentielle de la langue dans la transmission de la culture, tout ça, je suis convaincu que nous avons tous des ombres différentes et la que la langue est l’om- bre indissociable de notre culture. Hasard de ma visite des stands, je passe juste devant celui de l’espéranto au moment où je me fais ces réflexions. Clic-clac, je les ai mis dans la boîte. Ils sont un peu tristes, je trouve, à vouloir inventer une novlangue, une ombre unique pour tous. La magie du corps culturel c’est qu’il peut multiplier les ombres, presque jusqu’à l’infini, pour enrichir la culture dans la diversité qui lui donne vie et sens. Oui, l’année prochaine, c’est promis. Au nom du «commando» des Basques, je préparerai une intervention pour participer à cette théorisation de l’esprit du Mescladis. Sauf à perdre définitive- ment la mémoire, je ne peux oublier un tel engagement !…
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J’allonge encore le pas… Je n’oublierai pas non plus de prendre une casquette. D’une année sur l’autre, parait-il, il y a de moins en moins de platanes. Les derniers rescapés sur la place aux voitures ont déjà signé leur arrêt de mort dans le goudron fondu : un instant j’ai pourtant songé à pétitionner pour les sau- ver. Mais la nuit, quand elle viendra enfin pour faire se mêler toutes les ombres dans la fête musicale du Mescladis, je ren- contrerai Jean-Claude et la pétition, je la signerai, au moins virtuellement, un million de fois, pour réinventer des arbres de vie là où les racines plongent leurs doigts impatients dans les verres d’anisade, pour trinquer et trinquer encore. François, Alberto, Ginette, range ton portefeuille c’est la mienne. Je dois faire chauffer la poêle, la plancha est déjà chaude, Marie s’active aux talos, ils m’attendent, Jean-Luc fait patienter les affamés, Xabi confie à Maddi la responsabilité de notre stand culturel, en nocturne. Le «commando» est au complet, chacun à son poste, sur tous les fronts à la fois. Le feu est dans nos cœurs. Le feu. La joie dans nos veines. Cette année nous avons amené un très bon rouge bio de Navarre. Mille fois j’ai dû répéter son nom en langue basque. Mille fois on a dû, toute la nuit, me le traduire dans toutes les langues du Mescladis. Mille fois on a trinqué. Et là je ne me souviens plus de son nom… Les filles ont dansé à s’en casser les jambes, les garçons ont chanté à s’en déchirer la voix, tous les talos ont été mangés.
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L’an prochain, promis, je ne renâclerai pas pour que nous ame- nions davantage de matériel. Nous amènerons davantage de li- vres, davantage de tee-shirts et des casquettes aussi, et des briquets aussi, plein de briquets différents avec plein de flammes dedans, nous amènerons aussi cent talos de plus et dix bou- teilles de txakoli, et du patxaran, et nous ramènerons dans nos mains et dans nos lèvres la même amitié encore renforcée par la joie de retrouver, plus chaleureux que jamais, nos amis du Mescladis.

Le plébéien de toutes les couleurs

21:20 Publié dans copinage | Lien permanent | Commentaires (3)

mardi, 28 juin 2005

Breizh Euskal Herria*

Ils ont des chapeaux ronds

Vive la castagne !

Ils ont des chapeaux ronds

A bas les matons !



Quel âge avais-je quand je chantais cette rengaine dont, je le parierais, vous aussi, maintenant, de toute la journée, vous au- rez du mal à vous défaire ? Dix ans ? Douze ans ? Avec le recul et en tentant de me re-figurer du plus précisément que je peux ma conscience de l’époque et la culture rebelle qui pouvait être la mienne, au tout début des années 70, il m’étonne tout de même beaucoup que j’aie pu réellement comprendre ce que je chantais. Parce que je comprenais ce que je chantais, ça j’en suis certain ! Quoique ne connaissant absolument personne ni dans ma famille ni dans le voisinage qui fut allé en prison, je savais pertinemment ce qu’était un « maton » et je puis même affirmer que, dès ma prime enfance, le nom de la «Villa chagrin» m’était familier.


Ils ont des chapeaux ronds

A bas les cur’tons !



Ça aussi je le chantais, vers le même âge, mais encore plus souvent à tue-tête. Je devais même carrément le crier, le hur- ler, je me connais, mes colères comme mes passions, j’ai be- soin de les cracher à la face de l’humanité toute entière, tout du moins je me figurais pouvoir le faire au quartier Fargeot. Tout fier d’avoir enfin compris que les curés c’était les méchants, ce «cur’tons» je le criais chaque fois à m’en faire péter les cordes vocales. Treize ans pas douze, je devais avoir treize ans.




Ils ont des chapeaux ronds

A bas les Bretons !



Ça aussi je l’ai chanté. Et je ne comprends toujours pas pour- quoi tellement, les Bretons, la Bretagne, tout du moins le nom de Bretagne et puis, pas les chapeaux ronds mais les coiffes, les hautes coiffes de dentelle des vieilles Bretonnes faisaient partie de mon décors. C’est con un gosse ! Le pire c’est que j’avais vu, pendant des années, tous les mercredi, le gwen-ha-du au mur de la salle à manger de mon copain Jean-Michel avant même que d’imaginer l’existence de l’ikurrina. Au quartier Fargeot, au moins la moitié des femmes travaillant dans les conserveries de poissons étaient venues de Bretagne. Et puis les Portugaises, moins nombreuses que les Bretonnes, on disait aussi Bigou- dènes, mais une colonie conséquente tout de même. Et puis les frontalières, celles qu’on appelait les Espagnoles, celles qui tra- versaient la frontière à Irun tous les jours pour aller travailler, gagner leurs pesetas, à mobylette ou en train, combien étaient-elles ? Leur nombre fluctuait vraiment beaucoup, si je me sou- viens bien, suivant les époques sans que je ne comprenne jamais pourquoi, ni ne me pose la question, d’ailleurs. Mais elles pouvaient être vraiment très nombreuses, souvent même les plus nombreuses. Il y avait même certaines conserveries où le personnel de la chaîne était exclusivement constitué de fronta- lières, chez Arcoès si je me souviens bien. Je ne suis pas sûr. Ma mère, elle, travaillait chez le maire, le maire de St Jean de Luz je veux dire. A SO.LU.CO il y avait nettement plus de Bas- ques qu’ailleurs, on disait Basquaises à l’époque, mais elles n’é- taient vraiment pas très nombreuses. On n’entendait pas beau- coup parler basque à la sortie de l’usine de ma mère quand j’al- lais la chercher à la fin de son travail. Une petite poignée de fil- les de la campagne comme elle, venues d’Ascain, St Pée sur Nivelle, Urrugne, parce qu’elles s’étaient mariées à la ville, comme on disait encore au début des années 70, parfois même avec des Bretons, des pêcheurs, dans tous les sens du terme probablement et du coup devenaient pécheresses.




Ils ont des chapeaux ronds

Et moi un béret à la con !



Ma mère, elle, je le jure, n’aura jamais encouru l’excommunica- tion. D’ailleurs, grâce à la puissance de sa foi je peux me van- ter, à la face du monde, d’être aussi basque que le meilleur des ardi gasna, 100 % basque. Bon, les Bretons sont fiers aussi, et têtus, alors… «Ils ont des chapeaux ronds, vive la castagne, ils ont des chapeaux ronds, à bas les Bretons», étrange rengaine qui me sonne douloureusement au lendemain de la clôture de ce procès à Paris. Le procès de la «solidarité» entre Basques et Bretons, et vice versa. Entre 2 et 20 ans de prison pour les 14 co-inculpés dans l’affaire dite de Pléven. Vingt ans de prison pour un vol d'explosifs, no coment. Je n’en étais pas, des co-inculpés, des co-condamnés je veux dire. J'en bégaie. Jean-Michel, «vive la castagne !», il n'en était pas non plus. J'aurais reconnu son nom dans les journaux, c'est sûr. Qu’est-il devenu, d’ailleurs, Jean-Michel ? Plus tard, adulte, jeune adulte, il était devenu boulanger, il travaillait de nuit, beaucoup, trop. Il se faisait exploiter que c’est pas croyable ! «à bas les Bretons !» Cette rengaine à la con, c’était nos aînés qui devaient la chanter et qui nous l’ont transmise. Jusqu’au début des années 60, au quartier Fargeot il y avait deux bals les samedis soirs. Le bal des xuri et le bal des gorri, ça se mélange pas les blancs et les rouges. Et si ça se rencontre, forcément, c’est la castagne… Vive les Bretons ! Vive la castagne ! Au quartier Fargeot aussi, fils de Basques et fils de Bretons, nous avons traversé des océans ensemble, nous avons rêvé ensemble, de jolis rêves en vert et rouge et en noir aussi, «ils ont des chapeaux ronds, à bas les matons !»

Le plébéien bleu

* Bretagne Pays basque