Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Merci de nourrir les poissons en mon absence

dimanche, 25 décembre 2005

Le photographe de Sarkozy

voudrait bâillonner la liberté

 

d’expression sur l’Internet

 

Le 19 décembre 2005, le 9ème collectif des sans-papiers et Act Up-Paris lançaient l’affiche « Votez Le Pen », avec un portrait de Nicolas Sarkozy pour dénoncer la guerre menée aux étrangèrEs et la dérive du ministre de l’Intérieur vers un discours et une politique d’extrême droite toujours plus affirmée. Une affiche largement collée dans les rues de Paris et disponible en téléchargement sur le site Web d’Act Up-Paris.

Le 21 décembre 2005, les représentants légaux du photogra- phe, utilisant des menaces de poursuites judiciaires pour «con- trefaçon» d’une photographie de Sarkozy, ont contraint Act Up-Paris de retirer le visuel de cette affiche de son site Web...

Lire la suite...

J'appelle toutes les lectrices et lecteurs de ce si joli blog tout bleu à télécharger les fichiers de cette affiche et à les diffuser le plus largement possible afin d'imposer notre liberté d'expres- sion puisque cela devient de jour en jour de plus en plus nécessaire.

medium_affiche-sarkozy_rouge.jpg

Cliquez sur l'image pour avoir la version originale en noir et blanc, puis copier et diffuser le plus largement possible.

mardi, 20 décembre 2005

Votez ACT UP

 

Une affiche

 

pour dénoncer

 

un discours raciste

 

 

medium_sarkozy-lepen.jpg

 

Ce week-end, les militantEs d’Act Up-Paris et du 9ème collectif des Sans-Papiers ont commencé à coller en région parisienne une affiche présentant une photo de Nicolas Sarkozy avec pour seul slogan « Votez Le Pen ».

13:30 Publié dans politique | Lien permanent | Commentaires (0)

vendredi, 11 novembre 2005

Métropolis-sous-Bois :

 

La vraie vie

 

c'est du cinéma

 

C’était il y a un mois, à la taverne de l’Atalante, j’étais assis au comptoir, comme d’habitude, touillant mes idées grises à la pe- tite cuillère dans le marc de café, sous mes yeux à lunettes un journal parlait de cinéma en gros caractère, plein de gras et de bâtons, nous devions être un mercredi, probablement, et le film dont Ramuntxo voulait me causer n’était à l’affiche nulle part. Nulle part à Bayonne je veux dire, nulle part sur la Côte bas- que, nulle part ailleurs dans la vraie vie, je crois. Il me causait d’un film qu’il était très fier de pouvoir programmer sur la pro- chaine gazette. Un film culte. LE film culte. LE film essentiel. LE film fondateur. LE chef-d’œuvre. Quatre syllabes tonitruantes pour le titre et une inspiration géniale qui se frotte les dents, sûrement pour mordre l’histoire en plein cœur, et se ferme par un claquement de langue pour nommer l’auteur : Me-tro-po-lis de Fritz Lang. Oui, euh, évidemment, j’en avais entendu parler, lui dis-je, hésitant, troublé par la flamme carnivore de ses doc- tes propos, oui, des réminiscences indéfinies, il me semblait en avoir, vagues souvenirs d’un cinéma de minuit en noir et blanc dans le silence d’une adolescence insomniaque, oui, j’avais dû lire des trucs aussi, pour le moins survoler des analyses fonda- mentales, dans le vrai Libé d’autrefois, ou ailleurs, aligner des mots et des pensées derrière une réputation de référence intel- lectuelle, le si fameux Metropolis de Fritz Lang !... ça touillait de travers dans ma tête, d’un peu plus je lui avouais mes fantas- mes de félin underground !… en fait, dans ma vraie vie à moi, il me paraît toujours trop «compliqué» d’assumer les multiples circonvolutions de mon esprit, ben oui, j’ai longtemps confondu Fritz the Cat avec l’auteur génial de toutes ces oeuvres cul- tissimes dont je n’avais goûté aucune image. Metropolis est le premier et unique film de Fritz Lang que j’ai vu, donc, à cette heure, grâce à Ramuntxo et à son prosélytisme personnalisé.

medium_femme_et_enfants.jpg

C’était il y a un tout petit peu moins d’un mois. Donc. Ma vraie vie ignorait encore la fiction de mon cinéma intime et je suis allé le voir, LE film, à l’Autre cinéma, un après-midi, LE Metro- polis de Fritz Lang. Nous étions trois ou quatre dans la salle ; le culte ne fait plus guère recette que dans la vraie vie, où vice versa. La lumière s’est éteinte à trois cent mille kilomètres par seconde pour ne conserver que le meilleur, en panavision, vingt quatre fois par seconde. Cinq mille quatre cent et quelques se- condes, mes nerfs optiques transmetteurs auront bien fonc- tionné sur le mode alternatif, au rythme monotone des sanglots blonds de l’héroïne teutoniquement virginale et du demi million d’images expressionnistes, la magie de la lanterne aidant, je n’aurais sommeillé que quelques broutilles de secondes. Et encore, ce devait être devant un écran noir. Quand l’écran est redevenu blanc de vide retrouvé, j’étais le dernier, collé au fond de mon fauteuil «réservé», en première ligne, effrayé, et déçu, et dégoûté, honteux en même temps, mal dans ma tête, mal entre mes mains, je faisais un rejet viscéral de la média- tion et mon cœur a continué de battre calmement, pourtant. J’étais même passé à côté de l’émotion ! L’émotion que l’Art est censé distiller jusqu’au bleu des veines les plus intimes. Eh merde ! Ramuntxo semblait tellement convaincu que j’adhére- rais à 100 % ! Depuis presque un mois maintenant, le culte me paralyse les doigts vengeurs et je ne sais plus que digresser pour ne pas dire trop franchement ma haine. Ma haine de cette médiation entre les mains et la tête, ma haine de la négation de la haine, ma haine de l’idéologie fasciste en pente douce, ma haine de tous les médiateurs de cœur qui s’autoproclament démocrates ou socio ou chrétiens ou libéraux, ma haine de la soumission acceptée, de la soumission entremise, ma haine de la concurrence entreprise, ma haine de mon impuissance à formuler intelligiblement ma haine…

medium_metropolis-robot.jpg

Peut-être ressens-je cette même Haine qui se rallume cycli- quement dans les banlieues de la mégalopole ! Le pire c’est que Fritz Lang aurait, parait-il, toujours renié la «fin» de son film. Cette «fin» par trop visiblement simpliste et moralisatrice (du happy end hollywoodien avant la lettre) qui justifierait tous les moyens de nier l’évidence de la lutte des classes… ça y est, le mot est lâché, je vais encore me faire lyncher… Cette médiation du cœur, martelée au début, martelée au milieu et martelée à la fin de ce cuculte (la colère me fait bégayer des doigts) filmé en contreplongée allégorique pour tordre le cou à toutes les faucilles «proloterriennes»… Cette «fin» là efface toute inter- prétation critique, tout espoir d’explosion émancipatrice, le «il faut que» se réalise par la volonté médiatrice du réalisateur lui-même. Hitler et Goebbels ne s’y sont pas trompés qui, à la sortie d’une projection du film, proposèrent à Fritz Lang de diriger le cinéma allemand, entre temps devenu vociférant. Proposition d’embauche en c.d.i. de débauche pour un Reich de mille ans. Fritz a refusé, il se savait mortel, et s’est enfui pour l’Amérique, le jour même. La médiation n’était plus donc aussi indispensable, il faut croire, ou était-ce trop tard ; le cœur avait désormais impérativement besoin d’un océan entre lui et la tête, son épouse, qui avait déjà rejoint depuis belle lurette la direction du parti nazi ; de par le monde, les mains et les bras se tendaient d’une raideur menaçante pour saluer les vain- queurs annoncés…

medium_051028054019abzmy2x40pompierss.jpg
Quatre-vingts ans plus tard, c’était il y a un peu plus de quinze jours, au cœur de ma tête pleine de vain, LE film résonnait encore de cette «fin» qui pourrait être celle de l’Histoire et j’avais la très douloureuse impression que plus personne ne comprenait rien à rien. Surtout moi. Comme un cliché d’ex- tralucidité, internet me montra Clichy faisant feu de tout bois, et je n’avais toujours rien écrit de ma haine pour Metropolis. Où donc résidait l’anticipation, dans LE film je veux dire, la pré- monition de cette métaphore de la vraie vie ? Dans LE film, déjà les mêmes grosses ficelles de l’allégorie et du sensationnel, comme au journal de 20 heures quand nous tous, bons cochons de bourgeois précaires et sans le sou, faisons slurp-slurp avec la soupe de Monsieur le ministre de l’Intérieur, et beurk, et encore slurp-slurp, et bravo, et quel courage il y a à dire tout haut ce que pense la bassesse ! Dans la vraie vie, depuis très exac- tement 18 jours, ou 18 ans, ou 18 siècles, la plèbe de nos sociétés explose en émeutes de la faim, émeutes de l’urgence absolue, émeutes de l’absolue précarité, émeutes de la haine absolue. Metropolis aurait pu noyer sa plèbe révoltée pour ne pas croire au miracle de la médiation sociale, mais le caméraman a préféré ouvrir la bonde de l’illusion pour sauver l’humanité ; Sarkozy propose aux caméras de karchériser la «racaille», et nous répondons tous en chœur, slurp-slurp, rallumez la lumière, les braves gens ont peur du noir ! Déjà, il y a quatre-vingts ans, le cinéma inventait la vraie vie, cette vraie vie qui incendie encore aujourd’hui nos voitures dans le poste de télévision. Déjà, il y a quatre-vingts ans, LE cinéma proposait un Sauveur, un médiateur pour sauver cette vraie vie qui se déchire entre riches et pauvres, entre gens d’en haut et gens d’en bas, entre eux et nous… Mais LE cinéma n’a rien su empêcher, Fritz Lang est mort avec ses regrets et nous ne comprenons toujours rien à la vraie vie. Je ne comprends toujours rien, mais au moins je suis convaincu que le pire adviendra de nouveau, que le pire sera irrémédiablement accepté par les majorités silencieuses à Metropolis-sous-Bois. Et, enfin, je réussis à écrire ma haine de la télévision.

 

Robinson Crusoé

 


vendredi, 28 octobre 2005

Lettre à Pimentalai et à Arduraduna

 

Vive le piment !

 

Vive le Pays basque !

 

Et vive Monsieur le Maire !

 

Dimanche ce sera Aministiaren Eguna (Jour de l'Amnistie) à Makea. Des Basques, des abertzale (patriotes basques) y feront la fête et revendiqueront aussi. On n’y revendiquera plus l’am- nistie pour les prisonniers politiques basques, bien sûr, mais la libération conditionnelle pour Filipe Bidart. Les temps ont chan- gé mais certains mots, certaines idées demeurent, semble-t-il encore, et heureusement, comme inaltérables. Très chers Pi- mentalai et Arduraduna, je ne pense pas vous y rencontrer. D’ailleurs, vous y croiserais-je que je ne vous reconnaîtrais pas rapport à l’anonymat par lequel vous vous «protégez» sur la blogosphère. Par contre, je suis convaincu que pour le moins vos pensées et vos préoccupations ne seront éloignées des miennes que de quelques kilomètres ce jour-là. J’ai lu avec attention vos dernières notes sur vos blogs respectifs et comme le sujet me passionne aussi, j’ai bien envie de vous répondre sur la question, comme aurait dit Monsieur Hontas.

medium_blog_ezpeleta.tiki.jpg

Ben moi je ne me marre pas du tout. Le cynisme ne donnera jamais une réponse satisfaisante à qui veut réellement cons- truire. Puisqu'il s'agit de construire le Pays basque de demain, si je ne m'abuse, non ? Ma position concernant le département basque est connue depuis fort longtemps (en tant que Xan An- salas qui ne se sert d’un pseudo que par commodité littéraire), en fait, je n’en ai jamais changé : et si un jour on m’invite à voter, euh, je déclinerai l’invitation. J’essaie généralement de demeurer courtois. Du moins sur la forme. Quant au fond, j’ai toujours estimé que cette revendication départementaliste, et je l’ai répété très récemment sur mon si joli blog tout bleu, outre qu’elle ne saurait jamais s’avérer autre chose qu’une impasse (et là je ne veux aucunement parier sur l’avenir en prétendant que jamais un tel découpage départemental ne serait appliqué –les Français ont bien «concédé» une communauté de commu- nes à la basquitude--), cette revendication, donc, ne s’inscrit pas dans une stratégie de construction nationale. Vouloir rem- placer un découpage départemental par un autre ce n’est rien d’autre qu’un simple détricotage-retricotage de la cotte de mail- les centralisatrice de l’état français. Sur une base argumentaire inverse de la tienne, je pourrais aussi, par facilité intellectuelle, me laisser aller au cynisme en soulignant qu’il est regrettable de souffrir ce mépris des tenants du pouvoir politique pour une expression tout ce qu’il y a de plus minimaliste (et je ne songe pas là seulement au département) plutôt que sur le fond d’une véritable revendication identitaire telle que, euh, disons l’auto- nomie, par exemple. Mais on m’accuserait encore d’exhiber éhontément mes amertumes et autres nombreuses frustrations alors que, sincèrement, je ne cherche qu’à comprendre ce qui nous arrive, nous abertzale d’Iparralde qui, fut un temps, nous disions tous (ou presque) et uniformément socialistes. Com- ment en sommes-nous venus à exprimer notre radicalité en décalage constant et exponentiel entre les mots et les actes ? Fut un temps où nous n’étions que quelques dizaines de plus ou moins marginaux à crier Independentzia et Sozialismoa dans les rues du Petit Bayonne ou à lancer des cocktails molotov contre les CRS pour libérer le peuple basque en nous clamant révolutionnaires. Mais ils étaient encore moins nombreux à l’époque pour s’acharner à amarrer le frêle esquif du natio- nalisme basque au Nord à un serpent de mer vieux de deux siècles… et ce, au nom du pragmatisme. Ils étaient moins nom- breux que nous, mais socialement beaucoup mieux installés, beaucoup plus bourgeoisement assis. La logique infernale action-répression-action, dans laquelle, nous les radicaux, nous sommes irrémédiablement enfermés, aura plus gravement encore sapé les idées que les volontés militantes. En face d’une répression que nous pensions censée dévoiler le vrai visage du monstre oppresseur, nous avons appris à nos dépens que les victimes n’attirent qu’un temps la compassion des opinions pu- bliques. Et encore aurait-il fallu que ces opinions soient infor- mées et puissent d’une certaine façon s’identifier aux victimes que nous étions ! Ce qui ne fut que très minoritairement le cas… Alors, de grands stratèges révolutionnaires ont estimé que les mots de notre révolte tout comme ceux de nos réels espoirs devaient se tempérer du culte de l’innocence afin de mieux camper notre statut de victimes. Nous devions devenir de gentilles brebis face aux méchants loups et ainsi l’existence avérée des prédateurs-oppresseurs justifierait que certaines brebis s’éloignassent quelque temps du troupeau pacifiste pour défendre la «maison du père». Nous avons appris à cultiver la dichotomie révolutionnaire entre la résistance déclinée sur un mode toujours plus humaniste voire «victimaliste» et l’expres- sion de notre radicalité au travers d’actions de moins en moins compréhensibles sur le front «militaire». Évidemment, au Nord, nous avons essentiellement subi cette stratégie de fuite en avant militariste car nous n’avons jamais concrètement eu entre les mains les leviers d’un véritable front de lutte spécifique à Iparralde. Ainsi nous nous sommes peu à peu noyés dans nos propres larmes d’impuissance et ceux qui ont surnagé, les socialement mieux intégrés, les pragmatiques, les A + B = 2 départements au lieu d’un, ils ont saisi l’opportunité de décider majoritairement qu’était venu enfin le temps de revenir en arrière, de faire table rase du futur pour les idées abertzale. Et là, aujourd’hui, ils auraient enfermé les clés de cet avenir hypothétique au fond d’une urne qui devra s’ouvrir dimanche prochain à Ezpeleta. Selon que les Maires du Pays basque nord estimeront qu’un référendum est nécessaire ou non, les abertzale pourrions ou non réhabiliter la «désobé- issance civile». Je suis désolé, camarades, mais, à l’envers cette fois, vous ne faites que reproduire cette même dichotomie qui ne saura que nous marginaliser en édulcorant toujours davantage notre basquitude. Comment pouvez-vous être à ce point oublieux des impasses et des fuites en avant de notre histoire récente ? Si les Maires disent Non dimanche, que fait-on ? (je crains que ce cas de figure n’ait pas été sérieusement envisagé) On envoie nos jeunes faire les Démos le jour et les Segi la nuit ? (ils se retrouveront bien un jour prochain, ensemble devant les tribunaux parisiens, pour tenter de défendre la revendication départementaliste criminalisée) Ou alors on reprend tout à zéro depuis le serment d’Itsasu contre celui du Jeu de paume ? Et si les Maires disent Oui, combien de temps et jusqu’à quel niveau de radicalité devrons-nous assumer de nous engager en mettant entre parenthèses nos véritables aspirations nationalistes ?...

medium_pimentalai_tiki.jpg

Oui, je sais, la radicalité ce peut et ce devrait être avant tout la lutte de masse. Vive l’utopie, bordel ! Hum ! Quel idiot je fais ! Mais non, les pragmatiques ne croient plus non plus à la lutte de masse mais au lobbying : mobiliser les élus, les décideurs politiques et économiques, les vedettes des médias, tous les VIP, c’est ça la real politik du tiroir caisse.

 

Le plébéien bleu

 

PS. Pour celles et ceux qui persistent à rêver d’une politique à hauteur des yeux et du cœur (c'est-à-dire dans les nuages) des hommes et des femmes de ce pays qui ont bien les pieds sur terre, je lance ici une invitation à partager notre optimisme viscéral en tentant d’offrir une alternative crédible aux fos- soyeurs pragmatiques. Je sens qu’on va peut-être me casser la gueule… sauf si je préviens qu’on risque de le faire q ;o)

lundi, 17 octobre 2005

Lettre ouverte

à Peio Etcheverry-Aintchart

 

 

Départementez

 

en basque

 

medium_bayonne_en_1790.jpg

La France une et indivisible est toutefois découpée (territoria- lement et administrativement) en 96 départements, dits métro- politains, totalement inégaux tant par leurs superficies (des 105 km2 pour le département de Paris jusqu’aux 10 000 km2 de la Gironde) que par leurs populations (les 2 555 020 habitants du Nord qui vont bien rarement partager le soleil qu’ils ont dans le cœur avec leurs 73 059 compatriotes de Lozère qui, eux, en ont aussi un peu dehors). Il est à noter que la Corse, qui est une île au milieu de la Méditerranée, se compose de deux départe- ments français et métropolitains qui, bien entendu, ne sont pas une division de la France susdite, universelle, mère de l’Europe et fille aînée de l’église, mais tout au contraire, l’expression ad- ministrative de son unité politique et de sa continuité territoriale assuré, entre autres, par le service publique de le SNCM. La Bretagne, quant à elle, qui n’est qu’une grosse presqu’île beaucoup plus évidemment métropolitaine, focalise depuis quelque temps une polémique concernant son intégrité régio- nale regroupant 4 ou 5 départements français : le Breizh Atao pourrait ainsi pour certains se traduire par un 4 + 1 = 1 qui paraphraserait en langue départementaliste et en quelque sorte le Zazpiak Bat des Basques (beaucoup de Nantais sembleraient désirer exhiber un chapeau rond au quotidien, parait-il, tandis que nombre de Bretons officiels verraient d’un bon œil leur blanche hermine courir les marais de Loire-Atlantique). Et l’Occitanie, hum, comment dire, à l’échelle de ce découpage en puzzle, ça serait en quelque sorte une nébuleuse en forme de passoire linguistique qui s’étendrait sur pas moins de 32 départements du sud de la France et une demi-douzaine de galaxies régionalistes, mais, bon, je ne suis pas certain d’avoir compté les gascons du B.A.B… Enfin, the last but not the least, le Pays basque n’est rien du tout au point de vue départemental français. Zéro département. À égalité avec le Béarn, zéro partout. Mais 0 + 0 parfois égale autre chose que la tête de Toto et une révolution jacobine passant par là, les identités basques et béarnaises s’en trouvent historiquement niées au nom d’un dessein nationaliste qui n’aura jamais été librement accepté par les citoyens autochtones. En additionnant ces deux négations, la départementalisation du 4 mars 1790 aura décrété que, de Pau à Bayonne, les Pyrénées seraient désormais égalitairement, fraternellement et républicainement basses. Il aura fallu attendre l’année érotique du siècle dernier pour que nos montagnes, enfin absoutes laïquement de toute bassesse, soient autorisées à se mélanger lascivement avec l’océan qui lui, hésite toujours à se marier avec la terre des Basques- non-identifiables selon que le golfe baignant nos plages soit attribué à la Biscaye ou à la Gascogne : la géographie est une science complexe quand on en a une lecture politique. Et que dire de la politique qui n’est bien souvent plus une science humaine mais une barbarie scientifique ! Bref, hier soir, j’ai dé- couvert dans ma boite à courriel un spam émanant du secré- tariat d’Abertzaleen Batasuna, à moins que ce ne soit de celui des Démos… me demandant de participer activement à la re- lance d’une campagne en faveur de la création d’un départe- ment Pays basque. Malaise.

medium_ikurrina_autonomia.2.jpg

Ce matin, en faisant le tour de mes liens sur la planète blog, j’ai constaté que Georges de Ezpeleta Gure Herria avait dû recevoir le même spam mais, lui, a choisi de le copier-coller sans rien y changer ni ajouter le moindre commentaire personnel ; du brut de décoffrage juste agrémenté d’un titre clamant l’urgence de la démarche, c’est son choix, tout à fait honorable et que je tiens à saluer ici. Mais ce n’est pas le mien. Je n’ai jamais réussi à me convaincre que la création d’un département basque à côté d’un département béarnais, ou béarno-bigourdan pourrait, et ce même dans la plus minime mesure, faire avancer le schmilblick de la survivance pour la basquitude et tous ceux qui y sont viscéralement attachés, à la mode plébéienne en vert et rouge, ou pour tous les autres, dans leur joyeuse diversité, comme ça leur chante et danse, aux pieds des Pyrénées. Et cela dure depuis, ouf, vingt-cinq ans maintenant. Personne ne sera parvenu à me convertir à la religion, à la pensée unique départementaliste. Je dois être bien têtu, buté ou obtus, je sais plus, je n’ai jamais su changer d’avis par pragmatisme ! Et quand on me dit que cette pétition à été conçue pour être signée par les anti-département, hum, du moins par ceusses qui seraient en outre grands démocrates et tellement beaux joueurs qu’on les prendrait même pour des cons (y’en existe vraiment, hein, Peio ?), j’ai encore moins envie de rejoindre le troupeau à poils laineux. En fait, tout bien pesé, un départe- ment à la dimension des trois provinces du Pays basque nord (le Hiruak Bat des Français-basques*) n’est peut-être pas dan- gereux en soi pour la basquitude, les quelques arguments culturalistes en sa faveur pourraient même être recevables si cette revendication n’était pas devenue le nouvel et unique cheval de bataille politique des abertzale (je simplifie un peu trop, mais vraiment très rares sont les abertzale qui osent publiquement se désolidariser du départementalisme). Tu vois, Peio, je suis réellement admiratif devant toute l’énergie que tu déploies sur le terrain politique départementaliste, les tactiques ponctuelles que tu t’acharnes à enchaîner dans un plan global de pragmatisme pour perdurer, coûte que coûte, politiquement, c’est vraiment très fort mais, imagine un peu, admettons, so- yons optimismes par conviction, utopistes, quoi, et figurons- nous ce beau jour où le Conseil d’état entérinera la création d’un nouveau département que l’on appellerait, disons, soyons fous, Euskal Herri. Bon. Génial. Un département. Voilà. Et main- tenant qu’on est tous bien réveillés, que les Français-basques ont gagné, que plus aucun militant politique en liberté n’ose plus rêver à haute voix de l’indépendance, de l’autodétermination, de la réunification ou de je ne sais quelle autre forme de société socialiste pour les Basques, des Basques qui aurions pu participer activement à l’élaboration d’un autre monde qui évoluerait du possible au faisable, maintenant on fait quoi, on recommence quoi, comment, avec qui ? On reprend tout à zéro, c’est ça ? Oui, Peio, tu me trouveras plutôt aigri et certainement seras-tu tenté de me classer dans les indécrottables mauvais perdants, mais vaut-il vraiment mieux se tromper et tromper tout le monde dans le camp des majoritaires ? Nous sommes en effet bien minoritaires à regretter que tu gaspilles tout le fantastique enthousiasme de ta jeunesse, comme nous l’avons peut-être fait nous-même avant toi, mais sache que l’histoire des peuples ne pourra jamais reconnaître comme une avancée l’acte politique qui aura tendu à mettre au rancart les reven- dications autonomistes et autogestionnaires formulées par des Basques minorisés et ostracisés au nom d’un pragmatisme qui n’aura jamais servi que les maîtres de l’asservissement.

Amicalement et pacifiquement,

 

Le plébéien plus vert, noir et rouge que jamais

 

* ça se comprend, non ?

samedi, 15 octobre 2005

Libérez le Basque de fer !

 

FILIPE ASKA !

 

medium_100_3478.jpg

Nous étions une belle centaine de militants et amis ce matin rassemblés devant le tribunal de Bayonne pour soutenir la demande de mise en liberté conditionnelle formulée par Filipe Bidart. Cette demande devrait recevoir une réponse de la justice française en cette fin d’année. D’autres mobilisations sont d’ores et déjà programmées pour les semaines qui vien- nent par le «Comité Filipe askatu» («libérez Philippe Bidart»), des réunions publiques en divers lieux du Pays basque nord et un repas populaire à Urrugne. Une grande manifestation sera convoquée lorsque la juridiction chargée des libérations condi- tionnelles aura fixé une date pour sa délibération. Plébéiennes et plébéiens de toutes les provinces basques, mais aussi vous, très chers voisins échassiers, ne manquez pas ce rendez-vous, nous devrons être nombreux pour arracher Filipe aux geôles de l’oubli. En temps voulu, ce si joli blog tout bleu vous tiendra au courant des date, horaire et lieu de cette nouvelle bataille (qui n’est pas la guerre, comme de bien entendu).

 

Le plébéien rouge et vert

 

PS. En attendant, signez la pétition en cliquant un peu partout sur cette note, sur les illustrations ou dans la colonne en haut à droite. Une fois n’est pas coutume, je recopie ici des extraits tirés du site du Comité de soutien :

 
Filipe BIDART, un enfant du peuple


Depuis son enfance, Filipe a participé à la vie culturelle, sportive et politique de sa vallée natale de Baigorri.

Dans les années 1970, Filipe est instituteur et anime également des cours d'initiation à l'Euskara (la langue basque). Entre 1975 et 1980, il devient enseignant dans les toutes premières ikastola (écoles en langue bas- que), en même temps qu'il œuvre, avec ses collègues et les parents d'élèves, à la mise en place d'une véritable filière d'enseignement en euskara qui, peu à peu, couvrira l'ensemble du Pays Basque Nord.

L'engagement de Filipe n'est pas seulement "culturel". Dans les années 1970, comme bien d'autres jeunes de sa génération, il prend conscience de la situation dramatique d'Iparralde (Pays Basque Nord), et du canton de Baigorri en particulier, sur le plan démographique, économique, social.
Un travail de sensibilisation est mené par ces jeunes militants. D'autres initiatives similaires voient le jour dans de nombreux villages du Pays basque. Filipe sera l'un des membres actifs du mouvement politique "Herri Talde" qui fédèrera l'ensemble des ces groupes.
Son engagement dans la lutte armée s'inscrit dans la suite lo- gique de cet engagement politique : un moyen supplémentaire pour dénoncer la situation d'oppression vécue par le Pays basque, appuyer les revendications abertzale et renforcer le mouvement abertzale naissant.

 

Arrestation,
incarcération et dossier judiciaire
 
En 1981, il choisit la clandestinité pour échapper à la police française. Après sept ans d'activités clandestines, Filipe est arrêté au Boucau le 20 février 1988, piégé dans une véritable souricière.
Il faut rappeler le contexte de cette époque : climat de répression et de terreur organisé par les états français et espagnol ; assassinats de militants par la police et par des groupes para policiers (GAL). Incarcéré à la Santé (Paris), il est maintenu en isolement carcéral dans les quartiers disciplinaires pendant 25 mois et 10 jours. Durant cette période, il écrit ce qu’il vit en isolement, il dédit ses écrits à ses filles et les publie aux éditions Txalaparta sous le titre « Bakartasunaz bi hitz » (« Deux mots sur la solitude »). Puis, pendant quatre ans, Filipe passera par toutes les maisons d'arrêt de la région parisienne dans lesquelles il occupera successivement chaque quartier, chaque bâtiment. En juillet 1994, il est transféré à la centrale de Clairvaux (prison de haute sécurité, située à 1000 kilomètres du Pays Basque), où il est toujours incarcéré à ce jour. Depuis son arrestation Filipe aura connu sept procès : trois en correctionnelle, quatre devant les Assises Spéciales de Paris. Deux fois relaxé, deux fois condamné à six ans, deux fois condamné à perpétuité, puis en mars 2000 condamné à 20 ans.

vendredi, 14 octobre 2005

Les Droits de l’Omelette aux Cèpes

 

Tentative

 

d’empoisonnement

 

électronique

 

medium_bracelet_electronique.jpg

En ces temps de récession, de régression civilisationnelle (que j’ai horreur de ces mots ! dans ma bouche ils ont le goût et le nom latin des champignons mortels), l’affaire du «bracelet élec- tronique mobile» ne parvient pas à soulever de vaguelette d’indignation plus haute que celle des privatisations en série (et multirécidivistes) ou des sans-papier-sans-emploi-sans-loge- ment ou des charters de Schengen avec leur cargaison de vo- yageurs menottés ou de toutes les guerres de conquêtes éco- nomiquement horribles ou que ce soit, ce sont les basses eaux de la résistance face aux tsunami de la résignation… poil au menton. Mais demain, bien heureusement, on rasera gratis. En effet, le seul «vrai débat» qui ait agité les assemblées de dé- putés et sénateurs français concerne le coût d’investissement de ces bracelets et le prix de revient quotidien de la surveil- lance en comparaison de celui d’une journée d’incarcération ordinaire. Voilà tout l’enjeu de cette nouvelle mesure sécuritaire pour les matons de l’ordre actionnarial, il doit y avoir du fric à faire sur tout, tout est bon à privatiser, à capitaliser, même et surtout la peur, la peur du gendarme comme celle du violeur sérigraphié en rouge ketchup. Seule la rentabilité fait discus- sion, on doit pouvoir connecter le bracelet aux centaines de ra- dars automatiques sur les routes et faire ainsi de substantielles économies de bouts de chandelles, mon ami Pierrot ; quelqu’un quelque part saura bien tirer profit de cette nouvelle idée de génie : le plébéien bleu brasse des idées, gratis. Des idées bleues bien sûr, je cède bien volontiers et généralement au consensualisme, mais avec de bien vilains reflets noirs comme la poudre d’escampette. Idées noires aussi, carrément, avec des reflets de maison bleue recyclée, la dictature annoncée d’un trop certain Minicolas Narkozizi, je la vois tous les jours davantage dans les «réformes» fomentées et imposées par ses concurrents et néanmoins collègues en manipulation de l’opi- nion. Et précisément, cette opinion, elle semble bien majori- tairement favorable à ce nouvel empoisonnement électronique de la liberté. Qui plaindrait aujourd’hui un «délinquant sexuel condamné à au moins 5 ans de prison», qui se préoccuperait de ses libertés individuelles, personne… ou alors je veux des noms, levons donc l’omerta qui protège encore les complices des Droits de l’Homme !

medium_champignon_mvc-451s.jpg

Bon, il se trouve que la loi anti-récidive qui va être votée par le Parlement français prévoit de passer le bracelet, dans un pre- mier temps, à tous les détenus purgeant une peine égale ou supérieure à 5 ans (avec possible rétroactivité, rien n’est en- core décidé à ce jour) et pouvant faire l’objet d’un suivi ou d’une surveillance judiciaire «particulière». Voilà. Il n’y a mani- festement pas assez de violeurs en France pour permettre à cette nouvelle petite entreprise capitaliste de distribuer des bénéfices satisfaisants à ses voraces actionnaires, alors on amendera les dispositions législatives pour élargir le marché, euh, disons, aux «terroristes» et à leurs amis (en Pays basque, le marché développera sans peine une «niche» des plus ju- teuse), pour commencer. Qui s’en plaindrait ? Quel «droit de l’hommeux» osera encore dénoncer Vigipirate, hein ? Des noms ! Et puis, très bientôt, on pourra peut-être enfin passer le bracelet aux «délinquants syndicaux», à ceux qui s’acharnent à vouloir faire grève pour un oui ou pour un non (surtout pour un non, d’ailleurs), et aussi à tous les tire-au-flanc, aux chômeurs indemnisés, aux fainéants, aux abstentionnistes de tous poils, à ceux qui ne sont pas contents et à ceux qui le sont trop pour être à jeun, aux drogués et aux fumeurs de «nuit grave»… Et puis on pourrait faire des bracelets de couleurs, que l’on ren- drait visibles, fluorescents, ostentatoires, mais tout de même moins que les étoiles à 6 branches cousues dans la mémoire collective de l’horreur inégalable. Bien sûr, il ne faut pas tout confondre, tout mélanger, nous sommes bien d’accord, le bra- celet servira à protéger les citoyens honnêtes, les actionnaires de la prochaine nouvelle petite entreprise qui commercialisera la machine à voter. Et puis, tiens, le bracelet, on pourrait peut- être aussi le passer à ces foutus trouveurs de champignons, ces haïssables amoureux de la nature automnale, ces enfoirés de promeneurs dilettantes qui, dans les sous-bois humides, font peur à nos chasseurs férus de tradition. On suivrait ainsi sur un écran d’ordinateur, tous ces cueilleurs anarchisants, à jamais inaptes à la recherche de profits exponentiels et infinis… et leurs coins à cèpes ou à girolles pourraient enfin et défini- tivement être privatisés grâce à des kilomètres de barbelés réglementaires et électroniques. À voir l’inflation pratiquée ces derniers jours sur le prix du bolet en supermarché, je me dis que Michel édouard Leclerc a probablement déjà eu cette pen- sée avant moi. Bref, ce matin, j’ai trouvé des champignons, trois très exactement et vous ne saurez pas où. Un coin à champignons, ça ne se dit pas.

 

Le Bolet bleu de Satan

vendredi, 07 octobre 2005

Le cauchemar chez Leclerc

 

 

Darwin veut envahir

 

l’Europe à Melilla

 

medium_le_cauchemar.jpg

Que d’émotion à suivre l’actualité au jour le jour ! Hier, avant- hier déjà, peut-être, ce matin encore et ce midi, ma radio d’in- formation aura su, très journalistiquement, distiller l’émotion et la révolte humanitaire (impuissante ?) face aux événements dramatiques de Ceuta et Melilla. Aux marches de l’Europe de Schengen, face aux caméras de télévision, désormais, il parait légitime de tirer à balles réelles sur les émeutes de la misère africaine. Désormais, en vagues incessantes, tous les 7 mois une vague plus grosse que les autres, la misère errante s’at- taque aux digues de la richesse qui a si peur du noir. Tout un continent est en perdition dans les yeux effrayants de ces centaines, de ces milliers d’émigrants du désespoir absolu et moi je me refuse à allumer mon poste de télévision. Le son me suffit bien pour que la conscience de ce cauchemar m’explose entre les oreilles… et, je ne sais pas trop pourquoi, ce midi, en faisant mes courses au Leclerc de Bayonne nord, j’ai repensé à ce printemps, ce printemps du Cauchemar de Darwin, il y a plus de six mois maintenant. On oublie moins vite les émotions sur grand écran… Ce doit être une question de quantité, ouais, quantité d’images, de sons, d’informations qui se chevauchent et s’effacent l’une après l’autre, sauf à les passer en boucle, des milliers de fois la même pensée unique, la même idée qui devient donc obligatoirement, chimie de la conviction, une Vé- rité incontestable à la Huxley. Bref, désormais, le cinéma n’est plus qu’une petite niche où les chiens efflanqués peuvent en- core aboyer quand la caravane ne passe plus pour eux. Ce printemps, à l’Atalante, donc, Ramuntxo nous a fait découvrir ce qui se cache derrière le commerce de la perche du Nil : un scandale inavouable pour tous les bien pensants de la déco- lonisation libérale, un vil et misérable trafique d’armes dans un décor d’enfer dantesque. L’absence d’arêtes de cette pêche miraculeuse me restera à jamais planté dans la gorge. Pêche miraculeuse, oui, les âmes sensibles des Européens «civilisa- teurs» voulaient à toute force y croire car l’introduction artifi- cielle des ces énormes poissons si extraordinairement proté- iniques devait éradiquer les famines endémiques tout autour du magnifique lac Victoria. Et voici que tout d’un coup on retrouvait ces belles, ces énormes perches sur nos étals de poissonniers. Les surplus, sûrement… Comment faire comprendre au con- sommateur alpha + et epsilon tout à la fois qu’avec les perches ventrues c’est l’ineffaçable culpabilité de l’Europe colonialiste qui prend l’avion du retour pour nourrir à nouveau nos chères têtes blondes, les vendredi, jour du poisson ? Alors, nous les bêtas refusant l’abêtissement consumériste, nous avons eu envie de réagir, d’arracher cette arête empoissonnée, boycott ! avons-nous clamé avec toute notre conviction de révolte… Combien étions-nous à tenter de renverser virtuellement les étals ? À Bayonne, une petite poignée, tout au plus, mais notre détermination avait pourtant semblé pour le moins émouvoir quelques responsables locaux de la grande distribution. Pas tout de suite, évidemment, mais nos protestations directes et véhémentes à chaque fois que nous allions faire nos courses, relayant ainsi la campagne publique menée par le directeur de notre super cinéma arts et essai, avaient réussi à faire disparaître les poissons de la honte. Pendant des mois, la perche semblait bien boycottée par l’étal de mon poissonnier du Leclerc à Bayonne nord. Nous ne nous faisions pas grande illusion, mais, bon… il parait que la nouvelle poissonnerie qui vient de s’ouvrir à St Esprit n’en vend pas non plus dixit Ramuntxo sur le forum de Cinéma & Cultures. Et voici que ce vendredi, jour du rituel halieuticophile, la maudite perche a réapparu au Leclerc. Ma colère aurait-elle été plus mesurée sans l’émotion ravivée par les dizaines de morts de Melilla ? Je ne sais pas. J’ai vraiment eu l’impression de ne plus rien savoir de l’humanité de tous ces gens autour de moi dans ce grand magasin. Bien sûr, je n’ai pas eu le courage de foutre en l’air les foutus poiscailles, je suis resté très civilisé, très policé, tout juste un peu trop énervé, tout à coup. Fébrile d’indignation, voilà tout. Alors j’ai protesté, comme il y a quelques mois, au- près des employées de la poissonnerie. Comme il y a quelques mois, elles m'ont répondu, gentiment, qu’elles n’y pouvaient rien, que ce n’étaient pas elles les responsables, qu’elles avaient un patron… Quelle chance d’avoir un patron, hum-hum, la colère m’égare !...

medium_anti-pub_leclerc.jpg

Cliquez sur le bouclier pour taquiner le céhéresse

 

 

Petite différence notable, il y a quelques mois, les mêmes ven- deuses prétendaient ne rien savoir de cette histoire du Cau- chemar de Darwin et c’était probablement vrai. Mais aujour- d’hui, mince consolation, elles m’ont dit qu’elles savaient, oui qu’elles savaient mais… Mais mon cul c’est de la perche du Nil, merde ! Trop en colère, je ne pouvais pas ravaler si vite la poutre dans mon propre œil révulsé d’horreur. Alors j’ai un peu bataillé pour voir à quoi ça ressemble un patron et lui causer des trafiquants d’armes qu’il couvre ainsi par son indifférence de petit commerçant. Il m’a écouté, poliment lui aussi ; j’étais juste un peu trop tremblant mais convainquant tout de même, je crois : il m’aura confondu avec un râleur professionnel et ne m’aura donc même pas vraiment entendu. Dingue ça, quand même ! Le directeur du Leclerc de Bayonne nord à qui, au printemps dernier, Ramuntxo Garbisu, directeur du cinéma l’Atalante, à Bayonne, a adressé plusieurs courriers pour l’in- former du scandale autour de la commercialisation de la perche du Nil et qu’il, par souci pédagogique, aura même convié à une projection spéciale du Cauchemar de Darwin, ce cadre supé- rieur commercial s’est ouvertement foutu de ma gueule en faisant mine de ne pas comprendre le «problème», en niant avoir reçu ces courriers (une copine lui en avait envoyés aussi, des courriers personnels à ce sujet, je le sais) et en s’évertuant à prononcer « la Stalante» pour bien me montrer son mépris du cinéma arts et essai bayonnais… et moi je ne lui ai même pas cassé la gueule. Même pas. Je me suis senti désarmé face à un trafiquant d’arme recycleur d’affiches soixante-huitardes… et j’ai honte. J’ai même le trac de devoir aller vérifier, demain, si le «gentil» nouveau poissonnier de St Esprit dont Ramuntxo a fait la pub ne commercialise pas le poisson assassin. J’ai peur de constater que l’Afrique, désormais, n’est plus acceptable que comme un gros poisson mort sur nos étals. Je les renverrai bien, toutes ces perches, par-dessus les murs de Ceuta et Melilla, merde !

 

Le poisson bleu de la plèbe